Des rivières perdues, un ruisseau méconnu

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Par Krista Smyth

Crédits photo : Krista Smyth


Dans les entrailles de Montréal et de plusieurs villes du monde s'écoulent, loin des regards, des rivières souterraines canalisées. Des cours d'eau aujourd'hui tirés de l'oubli par des explorateurs urbains férus d'histoire et d'écologie. Et quelques-uns de ces affluents, remis dans leur état naturel, connaissent une seconde vie.

Le film documentaire Rivières perdues, produit en collaboration avec Radio-Canada et l'Office national du film du Canada, connaît une carrière internationale depuis son lancement à Toronto en octobre dernier. En vedette : des rivières souterraines de Montréal, Toronto, Yonkers (État de New York), Séoul (Corée du Sud), Brescia (Italie) et Londres (Royaume-Uni).

 

Pourquoi souterraines ?

Avec l'urbanisation et surtout l'industrialisation du XIXe siècle, nombre de rivières en milieu urbain étaient devenues des dépotoirs à ciel ouvert et des vecteurs de maladies (notamment le choléra). Des affluents ont été détruits, d’autres canalisés et reliés au réseau d'égout.

Depuis une dizaine d'années, des citoyens explorent, photographient et cartographient des cours d'eau disparus de la mémoire collective, mais toujours vivants. Avec le concours des pouvoirs publics, quelques rivières ont été exhumées et revitalisées, avec des répercussions positives tant sur le plan écologique que sur la qualité de la vie urbaine. 

Le meilleur exemple demeure celui de la rivière Cheonggyechon, à Séoul. Dans les années 1960, elle avait été recouverte d’un toit de béton pour faire place à une autoroute surélevée (de 12 voies !), symbole de modernité. Cette autoroute, qui devait désengorger le trafic, est devenue un enfer de congestion routière et de pollution. Au début des années 2000, l'autoroute a été détruite et la rivière délivrée de sa prison. Résultat : un espace vert et aquatique, long de 8 km, avec une faune et une flore que l'on croyait perdues. La circulation automobile a diminué dans les environs… de même que la température ambiante ! De quoi revivifier tout un quartier.

Ce n'est pas le cas à Montréal, malheureusement. Les rivières Saint-Pierre et Saint-Martin, qui sillonnaient jadis plusieurs quartiers et le centre-ville, demeurent bien enfouies sous terre. Il n'y a aucune volonté politique de redonner vie à ce patrimoine hydrologique, constate-t-on dans Rivières perdues.

 

Sur les traces du ruisseau d'Outremont


Le film Rivières perdues et ses dérivés web confondent la rivière Saint-Martin, enfouie sous les infrastructures montréalaises, avec le ruisseau d'Outremont (parfois appelé ruisseau Provost, ruisseau de la Montagne ou ruisseau Springgrove), le seul qui coule encore à l'état naturel sur le Mont-Royal et les environs.

L’auteure de ces lignes a photographié ce ruisseau. Un parcours que vous pourrez suivre à votre tour, en piéton.

 

La source du ruisseau provient vraisemblablement du Cimetière Mont-Royal.

Dans le cimetière, au carrefour des sections Lilac Knoll, E-3 et E-5, près d'un banc public, vous remarquerez une large plaque au sol.

Ce n'est pas une pierre tombale, mais un accès au ruisseau ; on l'entend clairement couler sous la plaque.

Le ruisseau sort de terre un peu plus bas, près de l'entrée du cimetière située au 1297, chemin de la Forêt, dans l’arrondissement Outremont.

 

Sur quelques mètres, le débit est d'abord assez vif, puis plus paisible.

Cette portion du ruisseau a une certaine valeur écologique : micro-organismes, algues… Parfois, des canards y barbottent.

 

Le petit cours d'eau aboutit dans un mini-réservoir, puis disparaît dans les entrailles urbaines.

 

Le ruisseau passe sous le chemin de la Forêt. On le voit d'ailleurs couler sous une plaque, en pleine rue, en face de l'entrée de la portion du cimetière dédiée aux juifs espagnols et portugais.

Empruntez le chemin de la Forêt vers l'Est. Tournez à gauche sur la rue Springgove et à droite sur Roskilde. Pénétrez dans le Parc Oakwood. Surprise : le ruisseau est de retour ! En fait, il retrouve l'air libre sur une propriété privée adjacente au parc, la cour arrière du 5, Springgove.

 

 

 

Il coule lentement dans le parc, puis sur un autre terrain privé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retournez sur la rue Roskilde, marchez vers l'Est ; tournez à gauche sur McCulloch, puis à gauche sur Maplewood. Vous verrez le ruisseau entre deux maisons, les 114 et 118, Maplewood.

Le cours d’eau plonge sous la rue Maplewood.

Traversez la rue Maplewood, en face du 114. Dans un caniveau de pierre, le ruisseau est de nouveau à l'air libre.

Ce n'est plus qu'un mince filet d'eau, sur le terrain des Sœurs missionnaires de l'Immaculée Conception, en haut du chemin de la Côte-Sainte-Catherine.

 

C'est là qu'il retourne définitivement sous terre.

 

Pour en savoir plus : 

Un site web animé par des explorateurs bénévoles, Under Montreal, permet de mieux saisir l'ampleur des rivières asséchées ou canalisées.

Valois, Nicole, Fauteux et associés, Beaupré et Michaud, Analyse paysagère de l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal : histoire et caractérisation des paysages, Rapport déposé à la Ville de Montréal, au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, et à la Conférence régionale des élus de Montréal, juin 2010.

 

Source: GaïaPresse

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