S’autodétruire et s’y adapter

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Par Eugénie Emond


Mots clefs : Gilles Bœuf, Acfas, Université Laval, biodiversité

 

Gilles Boeuf, biologiste. Photo de Eugénie Emond – Tous droits résérvés

La principale menace de l’humanité serait sa propre capacité à s’adapter. A force de jouer au dieu, l’homme détruit la diversité biologique nécessaire à sa survie et en vient à s’en accommoder.

Le spécialiste de biodiversité et de physiologie environnementale Gilles Boeuf était l’invité d’honneur du forum EDS du Congrès de L’ACFAS, le 7 mai dernier, à l’Université Laval afin de communiquer avec fougue ses connaissances et l’impératif pour l’homme de s’en retourner au plus vite au rang qui lui revient : les deux pieds sur terre au sein de la nature.

 

Au commencement, les bactéries

Certains adeptes de la biologie de synthèse le traitent de « shaman vitaliste et passéiste », mais Gilles Bœuf assume pleinement son attachement à la biologie classique. Le président du Muséum national d’Histoire naturelle de France revient d’ailleurs à la base avant de statuer sur nos dérives. D’abord, la vie est constituée de bactéries et celles-ci perdureront bien après la disparition de l’humain. Ensuite, l’eau est vitale pour le vivant, «  elle n’a jamais été faite pour laver sa bagnole », affirme le biologiste français. Finalement, nous, les membres de l’espèce humaine, faisons partie intégrante des écosystèmes et en contenons même quelques-uns à  l’intérieur de notre tube digestif et de nos oreilles, pour ne nommer que ceux-là.

 

Une course effrénée à notre perte

Si on constate aujourd’hui des conséquences de l’activité humaine sur la nature comme le réchauffement planétaire, l’acidification des océans ou la disparition des espèces, c’est la vitesse de ces changements par rapport au reste de l’Évolution qui est aujourd’hui affolante. Les espèces disparaitraient, par exemple, de 100 à 500 fois plus rapidement que ce qui a été estimé pour les 500 derniers millions d’années.

Plusieurs indicateurs comme le plafonnement ou la diminution des rendements agricoles, de la durée de vie et des performances sportives sonnent le début d’un déclin certain.

 

En finir avec l’arrogance

Pour stopper l’effritement de la biodiversité, le conférencier propose d’agir ensemble en misant par exemple sur une croissance écologique plutôt que sur celle du PIB.  Mais l’homme a surtout besoin d’une bonne dose d’humilité et de cesser de croire qu’il est là pour maîtriser la nature.  « L’arrogance de l’homme est insupportable », vocifère Bœuf. Ce dernier considère que notre égo y gagnerait à observer un peu plus les autres espèces animales, à commencer par le thon rouge qui peut atteindre une vitesse de 110 km à l’heure. Le nageur Michael Phelps peut  aller se rasseoir, « il nage aussi vite qu’une carpe et Usain Bolt ne court pas plus vite qu’un chat! », s’exclame-t-il. 

 

D’un optimisme navrant

Malgré la panoplie de sonnettes d’alarme, l’Homo sapiens se vautre dans le déni et l’optimisme béat qui le caractérisent en donnant des conférences et repoussant sans cesse les cibles environnementales. Le scientifique, présent à quelques sommets internationaux dont celui de Rio, ne croit d’ailleurs pas que ces réunions amélioreront l’état de notre planète. Selon lui, les changements viendront du local et les chercheurs se doivent de transmettre leur savoir et de faire partie du débat.

Et n’espérons pas trop des politiciens qui n’ont aucune conscience du monde fini. « Ils sont élus pour cinq ans sur cinq kilomètres carré», soutient le biologiste. Rien à voir avec le caillou qui a mis des milliers d’années à se former…

 

Gilles Bœuf est l’auteur de près de 400 publications scientifiques dont le livre L’homme peut-il s’adapter à lui-même? paru aux éditions Quae en 2012 auquel il a collaboré avec JF Tousaint et B Swynghedauw.

 

Source: GaïaPresse

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