Requiem pour le caribou de Val-d’Or

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Photo de Saperaud – Wikipedia commons

Apprendre de ses erreurs pour ne pas les répéter

Le ministère des Ressources naturelles du Québec (MRN), par la gestion qu’il fait de notre territoire public, contribue au déclin et éventuellement à l’extinction d’une espèce menacée (1), le caribou forestier. Camouflant cette tragédie, le MRN, en toute connaissance de cause, autorise des interventions industrielles qui mènent irrémédiablement vers un déclin rapide de cette espèce emblématique illustrant l’endos de nos trente sous.

 

Harde relique

En Abitibi, tout juste au sud de Val-d’Or, un petit groupe de ces caribous cohabitait paisiblement depuis des centaines d’années, sur un petit territoire de 1100 km2, vestiges des grands troupeaux d’avant la conquête. Cette harde représentait un trésor biologique qui aurait mérité un traitement de faveur, vu son unicité au Québec.

C’est au milieu des années quatre-vingt que s'entreprend le déclin, alors qu’une cinquantaine de bêtes se maintenait bon an, mal an dans son habitat, les ingénieurs forestiers du ministère autorisèrent l’exploitation forestière commerciale de ce territoire fragile et essentiel à la survie du mammifère.

Il y eut protestation de différents intervenants du milieu, dont,  le Regroupement écologiste Val-d’Or et environs (REVE), mais le MRN repoussa du revers de la main leurs mises en garde et leurs inquiétudes, les jugeant frivoles, sans fondement et alarmistes. Pourtant, à l’époque, même le biologiste responsable de la grande faune au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, Monsieur Marcel Paré, avait déclaré publiquement qu’il doutait des chances de survie de cette harde si l'on ne protégeait pas son habitat (2).

Les opposants aux interventions forestières sur ce territoire expliquaient que si l’on permettait la récolte, la régénération en feuillus qui s’ensuivrait, tels le tremble et le bouleau, attirerait immanquablement l’orignal dans l’habitat ainsi perturbé. L’arrivée de l’orignal entrainerait l’arrivée de ses prédateurs : le loup et l’ours. Ces derniers profiteraient de l’opportunité ainsi offerte pour se nourrir de caribou, une proie plus facile et moins dangereuse à attraper que l’orignal.

 

Les prédateurs à deux pattes

Les nombreux chemins forestiers résultant de l’exploitation forestière sur le territoire ne manqueraient pas d’attirer braconniers et athlètes au pouce droit hypertrophié chevauchant leurs vibrateurs tout-terrain à quatre roues et à chenille munis de moteurs bruyants, dérangeants pour la faune. Ces activités de pollution récréative et l’ajout de plusieurs camps de chasse achèveraient l’extinction de ces bêtes reconnues pour avoir une tolérance minimale au dérangement.

 

Aujourd’hui

Alors que la très vaste majorité des biologistes s’entendent pour dire que cette espèce tolère difficilement les activités industrielles et motorisées de notre époque et que toutes les interventions anthropiques doivent s’effectuer sur la pointe des pieds, les responsables à la direction régionale de la faune du MRN affirment, sans gêne, vouloir sauver cette harde « relique » de caribous, sachant très bien qu’il est trop tard, vu l’état avancé de dévastation du territoire et la quinzaine de bêtes restantes.

 

Trop peu trop tard

La réponse du MRN pour camoufler sa mauvaise gestion dans ce dossier, la construction d’un enclos devant servir de lieu de mise bas pour les femelles gestantes. Pour ce faire, capturer les bêtes, les endormir et les transporter en hélicoptère. Au préalable, la direction régionale de la faune se doit d’obtenir un certificat de bons soins aux animaux. 150 000$ de fonds publics dépensés plus loin, le certificat lui est refusé par Faune Québec, son propre patron, Faut le faire!

L’Action boréale, ainsi que la majorité des intervenants indépendants sont maintenant convaincus qu’il est malheureusement trop tard pour cette harde puisque le MRN n’a pas l’intention d’y consacrer les efforts et l’argent nécessaires pour la sauvegarder. Dans ces conditions, il est temps de cesser ce qui ressemble à de l’acharnement thérapeutique et reconnaître les erreurs de gestion dans ce dossier afin d’en tirer les leçons qui s’imposent et de s’assurer de ne pas les répéter dans les territoires au nord où les derniers troupeaux de caribous forestiers survivent encore en nombre suffisant, mais déclinent à vue d’œil.

Refuser de reconnaître les erreurs de gestion qui ont mené à cette tragédie écologique, la disparition de la harde de Val-d’Or, nous amènera à assister à moyen terme à l’extinction d’une espèce en péril sur l’ensemble du territoire québécois.

On ne pourra prétexter l’ignorance.  

 

Notes :

1 Au Québec,le statut du caribou forestier est toujours jugé comme vulnérable, pour ajouter à l’absurdité

2 L’Écho Abitibien, 28 octobre 1986

 

Source: L'ABAT

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