Des arbres urbains à protéger

0
Par Denyse Vézina 
Titulaire d'un D.E.S.S. en droit de l'environnement et de l'aménagement du territoire
 

 

Trop souvent, hélas, l’actualité nous rapporte cette triste nouvelle : celle de l’abattage illégal d’arbres en milieu urbain, que cela soit sur le domaine public ou privé. Il faut quarante ans pour faire un arbre et guère plus de quarante minutes pour le détruire. Quelles règles et sanctions président en matière d’abattage d’arbres?

 Dans la plupart des municipalités du Québec, les règlements d’urbanisme établissent qu’il est interdit d’abattre, sur un terrain privé, un arbre possédant un tronc dont le diamètre est de plus de 10 cm à 1,3 mètre du sol, sans l’obtention préalable d’un permis à cet effet.[i] Sur le domaine public, par contre, cette interdiction est totale.[ii] En cas d’infraction, des amendes minimales et maximales varient suivant les arrondissements et les villes.[iii] Le problème, c’est que les montants imposés dépendent essentiellement de la sensibilité environnementale du juge au procès. On peut par ailleurs se demander s’ils compensent adéquatement les villes de la perte d’une partie de leur patrimoine arboricole et s’ils ont un effet dissuasif sur les contrevenants en puissance.

En vue d’harmoniser les différentes règlementations, nous aimerions proposer que soit insérée, dans le document complémentaire des schémas d’aménagement des grandes agglomérations du Québec, au chapitre “Arbres”, une exigence de compensation imposée aux moments suivants : 1) à la suite de l’abattage illégal d’un arbre urbain, public ou privé 2) en vue et en contrepartie d’un abattage autorisé avec permis. Dans le premier cas, il appartiendrait ultimement au juge d’utiliser le mode de compensation édicté dans la règlementation municipale. Dans le deuxième cas, ce sont les services municipaux responsables de la délivrance du permis d’abattage qui appliqueraient les modes de compensation prescrits.[iv]

Abattage illégal

Dans le cas (d’infraction) où un arbre (dont la circonférence du tronc serait de plus de 15 cm à 1,3 mètre du sol) était abattu sans permis, le contrevenant serait contraint de payer le remplacement de l’arbre supprimé par ce qu’il en coûterait pour acheter chez un pépiniériste accrédité un nombre x d’arbres de la même espèce, ayant une taille d’au moins 1,5 mètre de hauteur, et dont la somme des années égalerait trois fois l’âge de l’arbre abattu. De cette façon, une municipalité pourrait obtenir l’argent requis pour procéder à la plantation de trente (30) jeunes sujets de cinq (5) ans (de 1,5 mètre) pour remplacer un érable quinquagénaire illégalement abattu. Les services municipaux se chargeraient ensuite de planter ces derniers aux endroits où les besoins de reboisement se feraient ressentir dans la municipalité.

 

Abattage avec permis

Que cela soit sur le domaine public ou privé, il existe des cas où l’abattage s’avère inévitable, notamment lorsque l’arbre est (1) mort ou en état de dépérissement dans une proportion de plus de 50 %, (2) atteint d’une maladie parasitaire irréversible, ou (3) susceptible de causer des dommages aux personnes ou aux biens.Dans ces seuls trois cas, un certificat d’autorisation (pour les demandes émanant d’entreprises d’utilité publique) ou un permis d’abattage (pour les particuliers) pourrait être délivré moyennant le remplacement de l’arbre mort, malade ou dangereux par au moins une (1) autre plantation (un arbrisseau), tel qu’agréé par les services d’urbanisme.

Par ailleurs, il existe aussi des cas où un arbre est situé dans l’aire d’implantation d’un bâtiment ou d’une infrastructure qu’on désire implanter. Dans ces cas, un certificat d’autorisation ou un permis autorisant l’abattage pourrait être délivré en fonction d’un mode de compensation qui irait au-delà du remplacement unitaire de l’arbre à sacrifier et qui tiendrait compte de sa valeur intrinsèque. Seraient ainsi pris en considération, comme premier critère, la taille et l’ampleur de l’arbre, affectés d’un coefficient variant de 1 à 5; ainsi, on coifferait du coefficient 5 un arbre ayant atteint sa pleine maturité, jusqu’à 1 pour un tout jeune arbre de 5 ans et moins (indice A). Le deuxième critère tiendrait compte de la position géographique de cet arbre dans la ville (les services municipaux se chargeraient d’établir les secteurs où la présence d’arbres s’avère la plus “précieuse”). Ce serait l’indice B affecté lui aussi d’un coefficient allant de 1 à 5.

La valeur de remplacement de l’arbre (V), soit la “rançon” de son légitime abattage, serait obtenue en multipliant la somme requise pour se procurer chez un pépiniériste accrédité un (1) jeune arbre d’au moins 1,5 mètre de la même espèce (soit S) par A et par B (V= S x A x B). Prenons, par exemple, un érable de 30 ans dont le déploiement serait évalué à 3, placé au cœur du Vieux-Montréal (coefficient 5). Sa “valeur” serait de S x 3 x 5. En contrepartie de son abattage (avec permis), la ville pourrait ainsi acquérir quinze jeunes érables.[v]

Les arbres jouent un rôle de “poumons” urbains. Si les municipalités du Québec se dotaient d’une règlementation associant le principe de l’interdiction d’abattage d’arbres, fussent-ils privé ou publics, à celui de l’obligation de les remplacer, en cas de suppression, par des plantations tantôt unitaires (minimalement), tantôt en valeur équivalente, elles veilleraient de ce fait à ce qu’on accorde plus d’importance au rôle écologique et à la valeur patrimoniale des arbres urbains.



[i]
 Voir à titre d’exemple le Règlement  de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie – Abattage d'arbre sur un terrain privé www1.ville.montreal.qc.ca

[ii] Voir à titre d’exemple le règlementde l’arrondissement VerdunAbattaged'arbre| Banque d'information 311www.ville.montreal.qc.ca

[iii] Voir à titre d’exemple la Règlement de l’arrondissement OutremontAbattaged'arbresur un terrain privé | Banque d …www.ville.montreal.qc.ca

[iv] Voir en ce sens les recommandations formulées dans le document Politique de l'arbre de Montréal– OCPMocpm.qc.ca/sites/default/files/pdf/P70/5c4.pdf‎, au chapitre 5.2 “L’arbre privé et la responsabilité citoyenne”, page 26 in fine.

[v]Un système d’évaluation similaire a été instauré par la ville de Marseille, en 1978, mais essentiellement en regard des arbres publics. On consultera avec intérêt le Code de l’arbre urbain 2002 ,notamment à compter de la page 42 et suivantes, au chapitre 3B “Barème de l’évaluation de la valeur des arbres”.Cliquez sur lelien ici..

Partager.

Répondre