Les peintures sans COV sont-elles vraiment sans COV?

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Par Marie Allimann
Analyste en politiques environnementales
 

 

Plus exigeant, on cherche des peintures qui, au-delà de la performance, ont peu ou pas d'impact sur la santé et l’environnement.  Les peintures sans ou à faible teneur en COV (Composés Organiques Volatils) semblent répondre à cette attente et trouvent un succès grandissant. Mais que sait-on au juste d’une peinture sans COV?

 

COV, ces inconnus

On a recensé près de 500 COV dans notre environnement.  D’origine naturelle ou anthropique, ce sont des composés organiques (i.e. au moins un élément carbone et un ou plusieurs autres éléments)  qui passent facilement à l’état gazeux dans l’air ambiant. Pourtant, iln’existe aujourd’hui pas de définition harmonisée des COV.  Et si on connait la toxicité de certains d’entre eux, les COV sont encore mal connus. De nombreuses interrogations demeurent quant à leur interaction avec d’autres substances et leurs effets sur la santé dans un contexte d’air ambiant intérieur.  Or, les règlements actuels limitant les COV ont été mis en œuvre en vue de réduire la formation d’ozone (smog), ils visent donc principalement la qualité de l’air extérieur.  En Amérique du Nord, on a d’ ailleurs exclu des réglementations certains COV en raison de leur faible contribution à la formation d’ozone.  C’est le cas du chlorure de méthylène qui est pourtant susceptible, selon l’EPA (Agence Américaine de l’Environnement), de créer de sérieux problèmes de santé pour les personnes exposées à l’air ambiant intérieur. 

 

Étiquetage

La réglementation canadienne[1] fixe un seuil maximal de COV de 100g/l pour les peintures mates, 150g/l pour les peintures non-mates et 250g/l pour les peintures brillantes. Quant aux peintures recyclées, elles sont exemptent de toute restriction en COV  jusqu’en 2014. Les fabricants canadiens n’ontaucune obligation de mentionner la teneur exacte en COV (exprimée en gramme par litre: g/l)  sur un pot de peinture, contrairement à l’Europe. Ils sont d’ailleurs libres de qualifier une peinture «sans COV» ou «à faible teneur en COV» à leur propre discrétion puisqu’il n’existe aucune valeur limite spécifique pour l’utilisation de ces termes.  

 

Fiabilité des teneurs en COV

Pour évaluer la teneur en COV d’une peinture, les différentes réglementations font référence à une ou plusieurs méthodes de test.  Le problème est qu’en l’absence de définitions harmonisées, ces méthodes ont des paramètres différents  et leurs résultats peuvent varier pour une même peinture. On observe ainsi que certains COV échappent à certaines méthodes de test. De même, on obtient des variations parfois considérables des teneurs en COV dans un même produit  selon qu’une méthode intègre ou non dans son analyse l’eau et les pigments qui composent une peinture.

 

Étiquette sur le niveau d’émission des COV d’une peinture en France. Elle doit être accompagnée du texte suivant: « *Information sur le niveau d'émission de substances volatiles dans l'air intérieur, présentant un risque de toxicité par inhalation, sur une échelle de classe allant de A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions) »

Teneur en COV vs. Émissions des COV  

Depuis peu, l’Allemagne et la France exigent la mention du niveau d’émission des COV d’une peinture. L’évaluation des émissions (exprimées en µg/m3) permet de connaitre les COV émisdans l'air intérieur après application et séchage de la peinture.  La teneur en COV (exprimée g/l) ne fait que mesurer la quantité de COV dans la peinture, ce qui ne permet pas d’évaluer le risque de toxicité par inhalation dans l’air intérieur.   L’EPA reconnait ainsi que même despeintures à faible teneur en COV (g/l) peuvent provoquer des émissions importantes en raison de réactions chimiques des composants du produit avec l’air ambiant. Sur cette base, l’affirmation de certains selon laquelle les COV naturels sont moins toxiques que les autres semble peu pertinente. Qu’il soit naturel ou non, c’est la toxicité propre d’un COV spécifique, sa concentration mais aussi sa réactivité avec d’autres composés chimiques qu’il faut considérer. De récentes  études ont ainsi montré que le limonène (COV) des essences d’orange contenu dans certaines peintures, est susceptible de former en combinaison à l’ozone des polluants plus toxiques que le limonène lui-même, à savoir des particules fines[2] et des formaldéhydes[3].

 

Autres substances toxiques

Enfin, rappelons qu’une peinture dite sans COV vendue au Canada peut, outre des COV non réglementés ou échappant à la méthode de test prescrite, contenir d’autres substances comme des fongicides, des biocides ou des composés organiques  semi-volatiles (SCOV), autant de substances potentiellement toxiques pour l’homme.

 

Conclusion

L’état actuel des connaissances des COV, tout comme le manque d’harmonisation des définitions et des méthodes de test ne garantissent pas qu’une peinture sans COV ne contienne pas de COV. Même à faible teneur, les COV peuvent être toxiques pour l’homme. Les certifications environnementales sont en principe plus exigeantes que certaines réglementations. Elles sont toutefois elles aussi confrontées à l’incertitude des connaissances et à l’absence d’uniformisation des règles. Il en reste que pour l’heure, malgré des efforts de réduction des COV, les peintures doivent être utilisées avec précaution, quel que soit leur étiquetage. On privilégie alors autant que possible les peintures minimisant le nombre de couches.  Une ventilation efficace et l’aération quotidienne des pièces le matin ou le soir sont aussi des b.a.-ba à ne pas négliger. Pour les plus courageux, la consultation de la liste complète des ingrédients ou, à défaut, la fiche de sécurité,  apporte une information plus ou moins fournie sur le contenu d’une peinture.  

 



[1]
Règlement limitant la concentration en COV des revêtements architecturaux, 30 septembre 2009.

[2]Les particules fines peuvent être nocives pour les voies respiratoires, voire provoquer des problèmes cardiovasculaires. 

[3]Un des COV les plus répandus dans l’air ambiant intérieur, le formaldhéhyde est considéré par l’Organisation Mondiale de la Santé comme un cancérigène avéré pour l’homme. 

 

 

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