Pourra-t-on un jour en finir avec les résidus toxiques ?

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Par Denise Proulx


La controverse revient régulièrement dans l’actualité. Une nouvelle étude fait état des résidus de pesticides dans les fruits et légumes. Une autre déplore leurs traces dans les cours d’eau qui servent à l’approvisionnement en eau potable. À chaque fois, selon le point de vue du diffuseur, nous balançons entre l’intolérable et la collusion. Y aura-t-il un jour où la santé publique prédominera sur la rentabilité économique, quant il est question de résidus toxiques?

 

Entre la pomme et l’ananas, le tout récent Guide  2012 des pesticides dans la production du Environmental Working Group de Washington (EWG) ne fait pas dans la nuance. La pomme arrive en tête de liste de 12 fruits et légumes qui reçoivent le plus d’insecticides organophosphorés avant d’arriver sur les tablettes des épiceries.  À choisir entre les deux, les consommateurs devraient privilégier le fruit exotique, même s’il est produit dans des conditions exécrables pour les populations locales d’Amérique Centrale ou ailleurs sur la planète.

 

Les organophosphorés sont reconnus toxiques pour le système nerveux et plusieurs des produits les plus persistants qui en contiennent ont été mis, au Canada, sur une liste d’abolition au cours de la dernière décennie. Ils sont pourtant encore largement utilisés dans la production agricole, surtout sur les fruits et légumes en provenance du Mexique ou de pays qui ont une législation indifférente aux impacts sur la santé humaine. C’est là où le bât blesse. Sans aucune cohérence, l’État laisse entrer à plein conteneur les aliments qui sont contaminés de pesticides interdits en sol québécois et canadien.

 

Il n’y a pas qu’aux États-Unis, où les études contre les pesticides soulèvent la colère de consommateurs.  En février dernier, la revue internationale Toxicology, publiait un article de  Robin Mesnage, Benoît Bernay et de Gilles-Eric Séralini de l’Université de Caen (1) qui affirmaient qu’à travers l’analyse de neuf herbicides de type Roundup, le composé le plus toxique n’est pas le glyphosate, largement condamné par les autorités en santé publique,  mais un autre souvent caché sur les étiquettes appelé POE-15.

 

Les chercheurs ont lancé une véritable bombe en démontrant que les liquides dans lesquels le glyphosate est dilué contiennent aussi des adjuvants secrets classés « inertes » pour stabiliser le principe actif et lui permettre de pénétrer les plantes, comme des détergents corrosifs. Du coup, déclaraient-ils, « ces herbicides peuvent affecter toutes les cellules vivantes, notamment humaines. Cela est négligé, car on confond souvent le glyphosate et le Roundup, la non-toxicité présumée du premier servant de base aux autorisations du second. Les agences sanitaires et les fabricants d’herbicides à base de glyphosate évaluent à long terme sur les mammifères le glyphosate seul – et non l’herbicide dans sa formulation commerciale-, mais gardent jalousement confidentiels les détails de ces études règlementaires réalisées par les firmes, dont Monsanto, tout comme les agences sanitaires et environnementales. »

 

En conclusion et conséquences, la nouvelle recherche publiée dans Toxicology expliquait et appuyait en grande partie les résultats scientifiques de d’autres recherches menées par le professeur Séralini sur les rats et jugeant toxique une alimentation à base d’un OGM tolérant le Roundup, comme maïs ou soja transgéniques, voire même une boisson (comme l’eau du robinet) régulièrement contaminée par les résidus d'herbicides.

 

La crise, si elle a soulevé un haut le cœur parmi les consommateurs qui pensent bien se nourrir en privilégiant les fruits et les légumes, a aussi provoqué un profond malaise dans les communautés scientifiques. 

 

Les chercheurs français ont appelé une remise en cause des procédures d’évaluation des produits connus pour leur toxicité. Ils ont déploré le laxisme et les pratiques confidentielles qui défavorisent la tenue de recherches complètes, soutenant du coup un parti pris en faveur des multinationales qui ne lésineraient pas sur l’usage d’un puissant lobbyisme pour modérer les contraintes de mise en marché de leurs produits.

 

Se nourrir sans pesticides

En parallèle, des voix s’élèvent avec force pour contrer le discours d’une véritable hécatombe humaine si l’agriculture faisait le choix de l’agriculture biologique. Dans un dernier ouvrage largement documenté, « Les moissons du futur », la journaliste Marie-Monique Robin soutient que les pesticides et les OGM n’ont pas régléles problèmes de famine dans le monde. «« Il faut une volonté politique de la part de nos dirigeants pour aider les fermiers à faire la transition vers l’agroécologie. Il faut aussi revoir les marchés et encourager les circuits courts »,a-t-elle fait valoir lors de son passage à Montréal, à la fin février.

Pour d’autres, comme l’agronome français Pierre Rabhi, « on ne mange pas bio pour son bien-être personnel, mais parce que ça contribue à diminuer la pollution de la planète. » Ce serait en fait un geste altruiste et fortement économique.

Une étude menée par Commissariat général au développement durable (CGDD),  de France, appuie cet argument. Elle estime le coût induit sur la facture d’eau des particuliers par les pollutions diffuses agricoles entre 640 et 1140 millions d’euros 1,5 G $CA).  Et si nous cherchions ailleurs,  nous pourrions trouver d’autres études portant sur les allergies alimentaires, les troubles de comportement, les services de décontamination liés aux résidus toxiques.

Ne serait-il pas de mise que le milieu de la santé veuille en finir avec les conséquences sanitaires de nos milieux de vie contaminés?

 

Pour en savoir plus :

http://www.ewg.org/foodnews/

 

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Couts-des-principales-pollutions.html

(1) Cette étude a été conduite à l'Université de Caen, avec le support structurel du CRIIGEN. Le CRIIGEN fait partie du Réseau Européen de Scientifiques pour une Responsabilité Sociale et Environnementale (ENSSER www.ensser.org).

 

Source: GaïaPresse

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