Une confiance évaporée

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Par Catherine Gauthier


Mots-clés : COP19, climat, Varsovie, changements climatiques, CCNUCC, société civile, équité, financement, pays du sud

 

Entrée du centre de conférence (Climate Vulnerable Forum, 2013)

Après deux semaines de rencontres intensives, la conférence de Varsovie s’est finalement conclue à l’arrachée samedi soir, mais en laissant un goût amer à ses participants. Pour Naderev Yeb Saño, chef de la délégation philippine, « nous n’avons pas atteint un résultat significatif [traduction libre] » pour mener le monde sur la bonne voie jusqu’en 2015, où un plan d’action, remplaçant le Protocole de Kyoto, devra être adopté par les parties.

Les négociations de Varsovie se sont déroulées dans un climat de tensions sans précédent. Les frustrations des pays en développement n’ont rien fait pour rétablir la confiance entre les parties et ont plutôt renforcé le clivage Nord-Sud. Alors que le réchauffement de la planète s’accélère, le rythme des négociations semble ralentir, voire même stagner. 

De l’avis de la société civile, la conférence de Varsovie n’est pas qu’une opportunité ratée. La COP19 fut marquée par un accès sans précédent des entreprises, un manque de transparence et une participation restreinte de la société civile.

 

L’ombre du charbon

En parallèle de la deuxième semaine de négociations, la capitale polonaise était l’hôte d’un Sommet international sur le charbon. La secrétaire exécutive de l’ONU, Christiana Figueres, a d’ailleurs rappelé que la plupart des réserves de charbon devraient rester sous terre pour lutter contre les changements climatiques.

L’ombre du charbon planait également entre les murs du centre de conférence. En effet, les logos des commanditaires tapissaient le centre de conférence et apparaissaient sur une multitude d’objets promotionnels. (Voir ICI)

 

Conférence d’ouverture du président de la COP19, Marcin Korolec (Flickr UN climate change, 2013)

La notion de justice malmenée

Pendant que les Philippines subissaient les contrecoups du typhon Haiyan, les représentants de la société civile ont exprimé leur soutien aux populations affectées ainsi qu’au chef de la délégation du pays, Naderev Yeb Saño.

Cet expression de solidarité aura malheureusement valu une expulsion à vie du processus de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour trois délégués (Voir ICI). Cette sanction a été jugée injuste et disproportionnée par les ONG à qui le Secrétariat de la CCNUCC n’a fourni aucune explication.

Dans les négociations, aucun progrès n’a été réalisé sur la manière de répartir de manière équitable les efforts nécessaires pour lutter contre les changements climatiques. La question de l’équité est pourtant cruciale pour déterminer les engagements requis de la part de chacun des pays, en fonction notamment de leur responsabilité historique, leur population et leur capacité à agir.

 

Le désengagement du Canada souligné… une fois de plus !

Le Canada, les États-Unis, l’Australie et le Japon se sont démarqué par leur désengagement et leurs interventions pour freiner le progrès durant les pourparlers. C’est toutefois le Canada qui remporte le prix Fossile du non accomplissement à vie à la conférence sur le climat de Varsovie.

Le prix spécial a été attribué au gouvernement Harper pour souligner son échec de longue date à contribuer à la lutte aux changements climatiques. « En ayant remporté cinq ans de suite le prix du Fossile colossal – remis aux pays qui ont fait le plus de dommages aux pourparlers sur le climat – le Canada fait bande à part pour son manque total de crédibilité en matière d’action climatique », a déclaré Christian Holz, directeur général du Réseau action climat Canada.

« L’inutilité du gouvernement Harper dans ce dossier a détérioré la position du Canada dans le monde, malgré le fait qu’une large majorité de Canadiennes et Canadiens veulent de l’action et du leadership sur les changements climatiques », a-t-il ajouté.

 

Des promesses à l’action

Le Fonds vert pour le climat doit atteindre 100 $ milliards de dollars par année à compter de2020, mais aucun échéancier n’est encore sur la table. Pire encore, les mécanismes et les sources de financement sont encore incertains.

Dans ce contexte, même si des progrès ont été fait à Varsovie, les pays du Sud demeurent inquiets quant à la mobilisation des fonds promis. Sans date limite pour le versement de ces fonds, les pays qui dépendent de cette aide additionnelle devront attendre à la dernière minute pour mettre en place des mesures d’adaptation aux conséquences des changements climatiques.

Les pays du G77 et la Chine ont quitté les négociations sur les pertes et les dommages en signe de protestation

Des sorties fracassantes

En raison de la faiblesse du texte sur les pertes et les dommages, les négociateurs du G77 et de la Chine ont quitté la table des négociations dans la nuit de mardi à mercredi (Voir ICI).

Jeudi, c’était au tour des organisations non gouvernementales (ONG) de sortir massivement des négociations. Plusieurs centaines de délégués, dont ceux du World Wildlife Fund, de Greenpeace, d’Oxfam et de 350.org, ont quitté brusquement le centre de conférence.

Les délégués claquaient la porte de la conférence en promettant de revenir l’an prochain, lorsde la conférence de Lima au Pérou. Les environnementalistes blâmaient le manque de progrès et la prédominance des industries fossiles aux négociations de Varsovie.

 

Une solidarité sans précédent

Malgré l’échec apparent des négociations, la conférence de Varsovie aura permis de renforcer la solidarité entre les pays du G77 et de la Chine. De même, 800 représentants d’ONG auront démontré que la justice climatique et la solidarité sont non négociables.

En outre, les appuis se sont multipliés auprès des Philippines et plus particulièrement vis-à-vis son chef de délégation. Durant les négociations, des dizaines de délégués ont fait une grève de la faim qu’ils promettaient de cesser lorsqu’un véritable progrès aurait été réalisé. Faute de développements significatifs au cours des deux semaines, les délégués ont finalement mis un terme à leur grève de la faim à la clôture de la conférence.

Dans les consultations sur cette plateforme de Durban, la Bolivie, la Colombie, le Mexique et la Gambie ont demandé d’inclure une référence à l’équité intergénérationnelle dans le préambule de la décision. L’Afrique du Sud, puis le Brésil, le Singapour, l’Égypte et les États-Unis ont proposé d’inclure la notion de générations futures et c’est cette dernière qui a finalement été retenue.

 

Un défi considérable pour les générations futures

Même si cette reconnaissance est soulignée par les organisations de la jeunesse, les négociateurs laissent aux générations futures un « défi considérable » comme l’a exprimé le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

C’est donc partie remise, encore une fois. Les pays se réuniront en septembre 2014 pour un sommet sur le climat à New York, puis à Lima, au Pérou, en novembre 2014. Un nouvel accord sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre devra être conclu à Paris en 2015 pour entrer en vigueur à compter de 2020.

 

Source: GaïaPresse

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