La gestion concertée de l’eau: une urgence

0
Par Normand Cazelais
Directeur général du ROBAN
 

 

 

Dans la portion continentale de l’Amérique du Nord, les géographie physique et humaine ne parlent pas le même langage.

Le Canada et les États-Unis s’étendent entre les océans Atlantique et Pacifique, donc d’est en ouest, alors que les grands éléments naturels (ensembles montagneux, plaines et plateaux, aquifères, principales vallées et leurs bassins versants) s’allongent de nord en sud. L’appareil Grands Lacs / Saint-Laurent y fait figure d’exception. Et encore… Il dessine, de l’extrémité occidentale du lac Supérieur jusqu’à l’entrée du golfe du Saint-Laurent un immense V formé de deux axes obliques orientés nord-ouest / sud-est dans le premier cas et sud-ouest /nord-est dans le second. Au sud des États-Unis, le rio Grande / Bravo del Norte, qui constitue la frontière sur une bonne partie de son parcours, forme une autre exception.

En d’autres termes, la géographie physique aurait demandé que les frontières de ces pays répondent à des alignements nord-sud. Mais l’Histoire et les décisions des collectivités humaines en ont décidé autrement. N’empêche, les limites des bassins versants et des aquifères ne correspondent pas aux frontières établies par les hommes.

Le Canada et les États-Unis se caractérisent par des sociétés très développées aux plans économique et technologique, grandes consommatrices d’énergie et de technologie. Elles font notamment une très forte utilisation de l’eau, tant de surface que souterraine. Même si on y observe ces récentes années un effort de préserver sa qualité, elles ne sont pas des sociétés habituées ni enclines à diminuer les volumes de consommation de cette ressource.

Dans un avenir qui a déjà commencé, il y aura des pressions de plus en plus fortes relatives à son utilisation, en plus évidemment de débats sinon de conflits relatifs à l’environnement, au prix et marché de l’eau, à la disponibilité économique et sociale de ce qu’on a longtemps appelé une “matière première”. L’eau prendra donc une dimension géopolitique encore plus importante, voire stratégique.

Au Canada et au Québec en particulier où se retrouvent d’immenses réserves d’eau douce à la fois souterraine et de surface, beaucoup de ces pressions se feront pour transférer – pas nécessairement exporter, notons-le – de l’eau vers les États-Unis dont de vastes régions sont en déficit d’eau. Comme il n’est pas dit que les citoyens et entreprises de notre puissant voisin vont changer leurs patterns de consommation à court et moyen termes, on peut prévoir des foires d’empoigne qui mettront à rude épreuve tant les relations d’amitié et de coopération canado-américaines que les ententes internationales existantes. Entre d’autres mots, ça va jouer dur!

La situation est d’autant plus complexe que ces deux pays, tout comme le Mexique mais à une moindre échelle, sont des fédérations politiques qui se démarquent par une décentralisation des décisions et conséquemment par une myriades de structures sectorielles et de niveaux de décision gouvernementaux (municipal, régional, national). Tous ces secteurs et paliers n’ont pas, on le sait, des intérêts similaires, ni les mêmes priorités.

Un phénomène qui touche la planète tout entière, l’impact des changements climatiques (modifications pluviométriques, extrêmes saisonniers, sécheresses accentuées, etc.) ajoute à l’urgence. En Amérique du Nord tout comme dans le reste du monde, une gestion optimale de l’eau, au-delà des compétences des diverses structures et niveaux de gouvernement, prendra d’autant plus d’acuité. D’où l’importance de forums que constituent des organismes régionaux (ex. les organismes de bassin ou OBV), nationaux (ex. le Réseau des organismes de bassins versant du Québec ou ROBVQ) et internationaux (ex.le Réseau des organismes de bassin d’Amérique du Nord ou ROBAN) pour faciliter des échanges et des concertations, des décisions éclairées axées vers le développement durable de la ressource et respectueuses des intérêts des collectivités humaines.

C’est ce genre de questions fondamentales qui seront discutées au Rendez-vous international sur la gestion intégrée de l’eau, des outils pour agir, à l’Université Laval de Québec du 7 au 9 mai 2014.

Rappelons que l’événement est organisé par le ROBAN en collaboration avec le COGESAF (Conseil de gouvernance de l'eau des bassins versants de la rivière Saint-François) et le ROBVQ avec le support d’Ouranos, de la CMQ (Communauté métropolitaine de Québec) et de l’institut EDS de l’Université Laval.

Partager.

Répondre