Québec doit exiger le respect de conditions environnementales avant le renouvellement des contrats d’achat d’électricité avec Algonquin Power

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À la veille de la reconduction, par Hydro-Québec, des contrats d'achat sur 20 ans de l'électricité produite par les deux petites centrales hydroélectriques situées à Sainte-Brigitte-des-Saults et à Saint-Hyacinthe, la Fondation Rivières demande l'intervention rapide du gouvernement du Québec pour qu’il mette un terme aux graves conséquences qu’occasionnent ces barrages sur les rivières Nicolet Sud-Ouest et Yamaska, et ainsi faire respecter des conditions environnementales nécessaires par la société ontarienne Algonquin Power Fund (Canada) inc. qui en tire des profits majeurs.

Dans des lettres adressées au ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), à la ministre des Ressources naturelles (MRN) et au président-directeur général d'Hydro- Québec, la Fondation demande que les irrégularités identifiées sur ces deux sites en 1997 par la Commission d'enquête sur la politique d'achat d'électricité par Hydro-Québec auprès de producteurs privés (Commission Doyon) soient corrigées avant la reconduction des contrats d'achat de l’électricité par Hydro-Québec.

Ces contrats font partie d'une liste de 58 contrats accordés par Hydro-Québec dans le cadre de l'Appel de propositions restreint (APR-91) du gouvernement dans les années 1990. Plus de 10 de ces contrats arrivent à échéance en 2014.

À Sainte-Brigitte-des-Saults, près de Drummondville, il est question de l'absence d'une passe migratoire pour les poissons, d'un débit écologique minimal et de l'assèchement quasi permanent d'une section de la rivière Nicolet Sud-Ouest. Cela occasionne la perte d'un attrait touristique régional et des pertes pour l'écosystème aquatique. «Nous considérons que les conditions environnementales n'ont pas été respectées et que l'autorisation donnée devrait être révoquée, ou que des travaux correctifs soient exécutés, et que les conditions d'exploitation soient respectées avant toute reconduction du contrat avec Algonquin Power», affirme Pierre Leclerc, porte-parole de la Fondation.

Selon le contrat à reconduire, Hydro-Québec peut refuser de prendre livraison de l'électricité sans en payer le prix si le producteur contrevient à une exigence de sécurité publique. Or, depuis la construction de la centrale, les riverains demeurant en amont du barrage se sont plaints concernant des embâcles causant des dommages matériels à leurs résidences et terrains. Des évacuations d'urgence ont été réalisées et le dossier a été examiné par la Commission d’enquête. Cet aspect de la gestion sécuritaire, sans inondation, est d'ailleurs au coeur d'une longue bataille juridique entamée en 2001 par certains citoyens contre la société Algonquin Power. La cause est présentement devant la Cour d'appel.

Pour cette centrale d'une puissance installée de 4,5 MW (soit l'équivalent de trois éoliennes), les actionnaires ontariens d'Algonquin Power enregistrent des revenus annuels de l'ordre de 1,6 M$, au prix d'achat actuel de 8 cents/kilowattheure. Pourtant Hydro-Québec peine présentement à exporter ses surplus à 4 cents/kilowattheure. Hydro-Québec perd ainsi près de 0,9 M$ annuellement. Avec le renouvellement aux même conditions pour un autre 20 ans, la société d'État subirait une perte de 21 M$.

A Saint-Hyacinthe, les intallations de la centrale T.-D.- Bouchard, aussi opérées par Algonquin Power, causent un tel assèchement de la rivière Yamaska, que la Ville doit accommoder financièrement la compagnie pour conserver un écoulement d’eau dans la rivière ! Déjà en 1997, la Commission d'enquête Doyon avait considéré le projet comme un exemple de non-respect des lois et d’une gestion ministérielle déficiente, concernant le fonctionnement d'une passe migratoire devant permettre aux poissons de franchir le barrage et le débit devant être réservé (minimal) dans la rivière, l'une des plus fragiles au Québec. Vingt ans plus tard, la même situation problématique prévaut et s’est même aggravée.

Au moment de la construction de la centrale, les effets des changements climatiques ne se posaient pas avec la même acuité. Un récent rapport1 produit par des experts de l'Université de Sherbooke révèle que la majorité des rivières du sud du Québec seront affectées par une diminution des débits d'étiage (minimum) en été. Cette situation deviendra « particulièrement préoccupante dans le bassin de la rivière Yamaska en raison de son débit estival déjà faible et d'un diagnostic de vulnérabilité posé par des recherches antérieures », écrivent les experts.

En 1997, la Commission d'enquête demandait la révision du débit minimal de 2 mètres cubes par seconde. Au cours des dernières années, la Ville a toujours exigé que le débit d'eau ne soit jamais inférieur à 7 mètres cubes par seconde. Les arrêts de turbinage, nécessaires au respect du débit minimal désiré, ont fait l'objet d'ententes financières particulières entre Algonquin et la Ville. Ces ententes ont permis à Algonquin d'obtenir un montant compensatoire sur les redevances à verser à la Ville. L'échéance de la dernière entente, signée en 2012, coincide avec le renouvellement actuel du bail de location des forces hydrauliques et du contrat d'achat de l'électricité par Hydro-Québec.

Pour Jacques Tétreault, sentinelle de la rivière Yamaska à la Fondation : «Suite aux États Généraux de l'eau, tenus en 2013 à la demande du ministère de l'Environnement, tous les acteurs régionaux s'étaient entendus sur la nécessité de poser des gestes concrets visant à améliorer la santé de l'écosystème. Il est inconcevable que nous soyons encore à quémander des correctifs pour des erreurs environnementales commises dans le passé. Le ministre doit agir et amener Algonquin Power à garantir la gestion efficace d'un niveau d'eau adéquat dans la rivière et des installations favorisant la vitalité de la faune aquatique».

Selon les calculs effectués par la Fondation, le renouvellement du contrat de vente d'électricité par Algonquin pourrait entraîner une perte de 621 000 $ pour Hydro-Québec en 2014 et 19 M$ en dollars courants sur 20 ans, soit une perte actualisée représentant 14 M$ en valeur présente nette ($ de 2014) pour la même période.

Avant toute reconduction de ces contrats, le gouvernement du Québec devrait attester de la conformité environnementale des installations et de leur exploitation. Le tarif d’achat de l’électricité devrait aussi être abaissé pour être adapté aux conditions du marché.

 

Source: Fondation Rivières

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