Le Québec pétrolier à l’ère de l’Antrhopocène

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Par Sylvie Woods
Ex-candidate du Parti vert du Québec, et membre de plusieurs organisations environnementales
 

Les projets d'exploration de pétrole de shale à l'Île d’Anticosti ont donné lieu récemment à des échanges révélateurs entre Québec Solidaire et le Parti québécois dans le quotidien Le Devoir par l'entremise de Manon Massé candidate dans Ville-Marie[i] et de Daniel Breton, député [ii]. Ceci à la suite de la sortie du rapport Maîtriser notre avenir énergétique, de Normand Mousseau et Roger Lanoue[iii]. Leurs propos illustrent l'impasse dans laquelle les partis politiques engagent la population québécoise.

Les arguments avancés de part et d'autre mettent en lumière une omission qui leur est commune et qui s'apparente à un déni de réalité en regard de l'ampleur du réchauffement climatique. Cette problématique est au cœur de la crise énergétique et du  développement économique et social du Québec, mais pour faire face à cette crise, tous les partis optent pour des mesures de contre-adaptation complètement dépassées par rapport à l'accélération du réchauffement climatique. Le Parti québécois mise candidement sur la fibre nationaliste, reprenant à son compte les slogans d'antan tels que Maître chez nous. Beaucoup d'eau a coulé sous les barrages depuis les années 60 et les rivières Romaine et Rupert ont été harnachées inutilement pour produire des surplus d'hydroélectricité à coût élevé, qui ne trouve même pas preneur et le gouvernement envisage d'accueillir des entreprises énergivores pour écouler ses surplus à faible coût. Pendant ce temps, Québec Solidaire, tout comme le Parti québécois, rêve de solutions technologiques vertes. Dans ce panier on retrouve le même éventail de produits : électrification des transports (surtout l'automobile), éoliennes, biomasse, géothermie, etc. Aux arguments de Québec Solidaire, M. Breton réplique que le gouvernement péquiste investira plus de 2 milliards dans l'électrification du transport, ce qui compensera, à ses yeux, l'exploitation pétrolière et l'accroissement de GES qui s'ensuivra.

À titre de comparaison, le Projet Turcot à lui seul nous coûtera 3 milliards 700 millions de dollars et la prolongation d'une autoroute entre Laval et Bois-des-Filion est estimée à 450 millions de dollars. Aussi, côté transport public, le gouvernement actuel n'a pas daigné combler le déficit de la Société de transport de Montréal de 21 millions de dollars pour 2013.  Par surcroît, il prévoit abolir le tarif  L qui réduisait le coût en énergie électrique de 500 000 $ annuellement de cette entreprise publique, en refilant la facture aux usagers du transport en commun!

 

La Terre ne nous attendra pas

Pour l'heure, le Québec n'a pas atteint ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre et il compte reporter sa cible de réduction de 25 % à 2025 comme lui suggère Maîtriser notre avenir énergétique. Pourtant, les Québécois, comme tous les peuples de la Terre, ont les deux pieds dans l'Anthropocène, cette nouvelle ère géologique propulsée par la consommation démesurée de combustibles fossiles. Ce mode de vie énergivore a modifié le cycle du Carbone de la planète et pour la première fois dans l'histoire de la Terre, ce sont les humains qui auront mis fin à l'Holocène, associée au début de l'agriculture, il y a 10 000 ans. Les plus récentes découvertes démontrent l'ampleur et l'accélération des bouleversements climatiques en cours. Les scientifiques disposent maintenant de données sur la concentration de CO2 dans l'atmosphère remontant a plus de 800 000 ans [iv]. Ce qui leur permet d'affirmer que le climat n'a jamais connu la concentration de CO2,  de 400 parties par million qui prévaut actuellement. Cette concentration représente près du double de celle du début de l'ère industrielle qui était de 280 parties par million. Sur une période de 25 millions d'années, la Terre n'a connu qu'à trois reprises une telle concentration de CO2. Les gouvernements mondiaux espèrent que les hausses de température se maintiendront entre 2 Celsius et 4 Celsius, mais ces températures entraîneraient une augmentation de CO2 de 600 parties par million, selon les scientifiques. La rapidité des changements climatiques et leur intensité sont sans précédent. Le défi de s'adapter à de telschangements climatiques pour les êtres vivants et les écosystèmes, dans un si court laps de temps, dépasse l'entendement.

 

Acceptabilité sociale des sables bitunineux

Mme Marois, en faisant des Québécois les principaux actionnaires du projet de l’Île d'Anticosti, désire s'assurer l'acceptabilité sociale surtout envers le transport des sables bitumineux d'Endbridge, de Suncor et de Transcanada qui se planifie actuellement sur nos terres et  notre fleuve. Ayant encore en mémoire la ferme opposition des citoyens à l’exploitation des gaz de schiste. N'a-t-elle pas réussi à s’adjoindre un fervent tribun s'opposant jadis aux sables bitumineux et même à en faire son principal messager?

 



[i]
Manon MASSÉ,  Quand Daniel Breton rappelle Jean Charest.  Le Devoir, 28 février 2014. (En ligne)  http://www.ledevoir.com/politique/quebec/401347/quand-daniel-breton-rappelle-jean-charest.

[ii] Daniel BRETON,  Où prendrons-nous le pétrole ?  Le Devoir, 6 mars 2014 (en ligne) http://www.ledevoir.com/politique/quebec/401799/ou-prendrons-nous-le-petrole

[iii] Normand MOUSSEAU, Roger LANOUE.  Maîtriser notre avenir énergétique. Commission sur les enjeux de l’avenir énergétique du Québec,  Gouvernement du Québec,  2 février 2014. (En ligne) http://consultationenergie.gouv.qc.ca/pdf/Rapport-consultation-energie.pdf.

[iv] ABC national radio. Science Show, How warmer temperatures are affecting the Arctic.  22 février 2014(En ligne)  http://www.abc.net.au/radionational/programs/scienceshow/how-warmer-temperatures-are-affecting-the-arctic/5275780

 

 

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