Les acteurs de l’agriculture familiale nord-américaine dialoguent des vraies affaires

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Par Eugénie Emond


 

Mots clefs : ferme familiale, Serge Bouchard, ferme Sanders, sécurité alimentaire, Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires

 

Russell Pocock, copropriétaire de la ferme Sanders

Contre vents et marées, la ferme familiale survit, mais en ces temps de menaces climatiques et de pressions économiques, aura-t-elle la couenne assez dure pour se porter garante de notre sécurité alimentaire?

Grande oubliée parmi les autres enjeux délaissés lors de la campagne électorale québécoise, l’agriculture familiale résiste au Québec. Ailleurs aussi, puisque malgré des définitions variables qui viennent teinter les statistiques, les fermes familiales représenteraient 90% de toutes les exploitations agricoles mondiales. Voilà pourquoi les Nations Unies ont fait de 2014 son année en ouvrant une série de dialogues sur le sujet, dont l’un d’eux se déroulait au Château Frontenac les 7 et 8 avril dernier.

 

Une agriculture à dimension humaine

«Lorsque nous parlons d’agriculture en 2014, qu’avons-nous en tête, en mémoire, et je dirais même qu’avons-nous en rêve?» a interpelé l’anthropologue Serge Bouchard, conférencier invité à donner le ton aux échanges. Offrant une lecture éloquente de notre lien à la terre, Bouchard a rappelé le rôle de l’agriculture dans la survivance d’une colonie destinée d’abord au commerce des fourrures.  Une agriculture de subsistance, «qui n’était pas tuable», soulève-t-il. Autre temps autre mœurs, mais dont subsiste encore aujourd’hui des valeurs. «L’esprit de famille s’oppose à la désincarnation de la très grande économie», suggère-t-il.

Serge Bouchard, anthropologue

Une affaire de résilience

«C’est en fait le bénévolat de la famille qui fait la résilience de la ferme familiale’’ résume Tamari Langlais, agente de formation et d’information à UPA Développement international, organisateur de l’événement. Cette dernière convient toutefois que le bénévolat a ses limites et que les pressions de toutes parts étouffent les cultivateurs. «Si c’est un modèle qu’on souhaite qui se perpétue dans le temps, il faudra travailler fort parce que la tendance est lourde pour que ce soient les mégacompagnies qui possèdent l’agriculture et que ce soient les pauvres qui l’exploitent», a ainsi affirmé cet agriculteur de Saint-Joseph-de-Beauce, neuvième génération à cultiver la terre que ses ancêtres ont défriché il y a 270 ans. Or si la tendance est au grossissement des fermes, un mouvement de fond se fait pourtant sentir, surtout aux États-Unis. 41% des fermes américaines sont aujourd’hui constituées de petites exploitations dont le volume des ventes annuelles est inférieur à 2500$, selonles données recensées par le ministère de l’Agriculture des États-Unis en 2007.

 

Mégafermes, mégadommages

Les mégafermes ont également un impact sur l’environnement. Le témoignage de Russell Pocock, copropriétaire avec sa femme de la première ferme certifiée biologique au Canada située dans les Cantons-de-l’Est, a mis en lumière cet autre aspect, lui qui déploie  beaucoup d’énergie dans la conservation des sols afin de léguer aux générations futures une terre en santé productive. «Si j’étais employé d’un business agricole, je ne ferais pas les mêmes efforts», a-t-il concédé.

 

Se donner des outils juridiques cohérents

Les souhaits et commentaires exprimés par les cultivateurs soulèvent des problématiques complexes auxquelles plusieurs politiques (ou absence de) ont échoué à répondre jusqu’à présent. Petite lumière à l’horizon, l’Université Laval a profité de l’événement pour lancer une nouvelle Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires qui espère apporter des pistes de solutions et inclure le droit dans la suite des réflexions. «Je compte sur la Chaire pour réfléchir à des outils juridiques pour faire contrepoids notamment aux accords de libéralisation des échanges», a indiqué Geneviève Parent, professeure à la Faculté de droit de l’Université Laval et titulaire de la Chaire. Mme Parent souhaite plus de cohérence entre le droit national et international sur les questions de sécurité alimentaire.  La Chaire est financée par L’Union des producteurs agricoles, la Coalition GO5 et la Financière agricole du Québec.

 

Source: GaïaPresse

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