LETTRE OUVERTE: Résistance citoyenne aux projets pétroliers

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Photo de Travis S. – Flickr

Lorsque dans les années 1970 les scientifiques ont démontré que les chlorofluorocarbures (CFC) détruisaient la couche d’ozone stratosphérique, des actions concertées entre les pays ont été menées avec succès pour en interdire l’utilisation. À la fin des années 1980, alors que l’accumulation des études scientifiques démontrant que la concentration de CO. dans l’atmosphère pouvait avoir des effets dévastateurs sur l’équilibre du climat, la chimie des océans et la biologie terrestre, on a tenté de formuler un même genre de protocole d’entente internationale en vue d’éliminer les gaz à effet de serre (GES). Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont été créés, respectivement en 1988 et 1992, afin d’instaurer une gouvernance mondiale pour protéger la planète. 

Mais les efforts internationaux pour enrayer les GES ont été contrecarrés par les très riches industries américaines des hydrocarbures qui ont travaillé à discréditer les études scientifiques, véhiculer de la fausse information et entretenir la confusion et le doute1. Certains pays ont pris prétexte de l’inaction américaine pour perpétuer leurs propres pratiques destructrices. Les pays non industrialisés ont soutenu que la menace du changement climatique visait à empêcher leur développement. 

Aujourd’hui, le déni actif ou passif du réchauffement climatique est encore largement pratiqué en Amérique, notamment au Canada où le premier ministre Stephen Harper cumule les prix Fossile lors des conférences des Nations unies sur le climat pour son obstruction aux efforts internationaux d’élimination des GES. Les groupes de réflexion de droite, comme l’Institut Fraser et l’Institut économique de Montréal, et certains chroniqueurs de médias complaisants se portent toujours à la défense des politiques gouvernementales favorables aux projets pétroliers et gaziers, en faisant abstraction du réchauffement climatique et de ses conséquences désastreuses pour les écosystèmes de la Terre. 

La communauté scientifique a pris acte de l’incapacité de la gouvernance actuelle, trop ancrée dans la logique de la croissance du PIB et du libre marché, pour appliquer les solutions susceptibles de nous sortir de la crise. Les mouvements sociaux de résistance apparaissent désormais comme un élément déterminant pour freiner le système économique devenu incontrôlable. Le géophysicien Brad Werner, spécialiste des systèmes complexes, disait que « si on s’intéresse au futur de la terre, et de nos interactions avec l’environnement, on doit intégrer la résistance [citoyenne]comme partie de cette dynamique ». Et il ne s’agit pas là d’un problème d’opinion, mais « vraiment [d’] un problème de géophysique ».2 L’activiste climatique Bill McKibben voit la résistance citoyenne comme « les anticorps » qui se déploient en réaction à la « fièvre grimpante » dont souffre la planète.

Face aux projets insensés de pipelines, de port pétrolier à Cacouna et de développement pétrolier et gazier à Anticosti, en Gaspésie, dans la vallée et l’estuaire du Saint-Laurent, les municipalités et les citoyens sont appelés à une mobilisation sans précédent pour freiner l’économie du désastre. Le financier et militant Jeremy Grantham disait qu’il ne faut pas avoir peur d’« être arrêté si nécessaire », parce que le dérèglement climatique « n’est pas juste la crise de nos vies – c’est aussi la crise de l’existence de notre espèce »4. La biologiste Sandra Steingraber, spécialiste des effets de la fracturation hydraulique sur la santé et incarcérée pendant 15 jours pour avoir entravé les travaux sur un site de fracturation, disait que cette sentence était tout de même préférable à un cancer, et qu’elle n’impliquait pas la possibilité d’en mourir5. Mettre nos corps au-devant des machines pour obliger les gouvernements à respecter nos vies et celles des générations futures, ce n’est pas encore changer l’économie, mais ça peut faire avancer la culture vers une meilleure façon de concevoir et préparer l’avenir. 


 

Références: 

1 Naomi Oreskes, Erik M. Conway. (2012). Les marchands de doutes. (Trad. J. Treiner). Éditions Le Pommier. 

2 Naomi Klein. Comment la science nous pousse à nous révolter. (Trad. N. Casuax). 10 novembre 2013. www.mondialisation.ca  

3 Klein, N. Op. cit. 

4 Klein, N. Op. cit. 

 

5 Sandra Steingraber. Contamination without consent. 27 février 2014.www.alternativeradio.org.  

 

Source: Louise Morand 

Comité Vigilance hydrocarbures L’Assomption 

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