La présence de cougars est confirmée au Québec

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Photo de iStock 

Jean-Luc Lorion chasse l'orignal au Saguenay−Lac-Saint-Jean en 2011 lorsqu'il voit à 150 mètres de lui un cougar sur un rocher. « Pas de doute dans mon esprit quant à son identification. La longueur de sa queue et la couleur de son pelage permettent de le différencier facilement d'un lynx », écrit-il dans le blogue de la revue Sentier Chasse et Pêche.

Plusieurs lecteurs lui répondent qu'ils ont aussi aperçu le gracieux félin.

Chaque année, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs recueille des témoignages de gens qui affirment avoir vu des cougars dans les forêts du Québec. Toutefois, les preuves incontestables manquent depuis qu'un chasseur a abattu un cougar près de la frontière américaine en 1938. Trois morts de cet animal ont depuis été rapportées : un mâle a été tué par arme à feu au printemps 1992, un autre a été heurté par un camion en 1996 et un troisième est entré en collision avec une voiture en 2002. Mais s'agit-il d'animaux échappés de propriétés privées ou de zoos ou d'authentiques animaux sauvages? Impossible de le savoir.

On sait que le cougar est de nature extrêmement discrète. « C'est un peu comme le monstre du loch Ness, en Écosse. Les témoignages sont nombreux mais rarement vérifiables! », résume le directeur du Laboratoire d'écologie moléculaire et évolution de l'Université de Montréal, François-Joseph Lapointe, qui a reçu de nombreuses photos de témoins déclarant avoir croisé la route de la bête mythique. « Il s'agit le plus souvent de chiens, de loups ou même d'ours », indique-t-il.

Le débat a progressé grâce aux travaux de son équipe, notamment d'une étudiante en sciences biologiques, Le Duing Lang, qui a consacré sa maîtrise à ce sujet en 2007. Mme Lang y a formellement identifié par analyse d'ADN un cougar dont l'échantillon de poils provenait du parc national Fundy, au Nouveau-Brunswick. L'analyse de l'ADN avait révélé qu'il s'agissait bel et bien d'un cougar. Depuis, 19 autres individus en provenance du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont été identifiés. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans Northeast Naturalist en 2013. Pour le biologiste, pas de doute possible : le cougar rôde dans les forêts de Gaspésie, de l'Estrie et même de la région de Québec.

 

Le cougar de l'est intrigue toujours

Prédateur bien acclimaté à la taïga boréale, le cougar, appelé aussi “lion des montagnes”, est relativement répandu dans l'Ouest canadien. Toutefois, la le groupesous-espèce qui réside dans l'est du continent, Felis concolor couguar de son nom latin, est devenue si rare que plusieurs la croient éteinte, exception faite d'une population isolée de Floride. Mais d'irréductibles observateurs nordiques n'abandonnent pas l'espoir d'apercevoir la bête au détour d'un sentier.

Une entreprise de Sherbrooke, Envirotel, a mis au point dans les années 2000 un appât olfactif à base d'urine de couguar qui est à l'origine des identifications montréalaises. Répandu autour de poteaux munis de ruban autoagrippant, non loin des lieux où des témoins ont dit avoir vu l'animal, le produit attire les félins, qui y laissent quelques poils. Parcs Canada a placé des dizaines de ces appâts en Gaspésie, en Estrie et dans trois parcs nationaux des provinces maritimes. Dans des expériences ultérieures, 38 nouveaux dispositifs ont été installés à des endroits stratégiques ; ils ont permis aux chercheurs de recueillir 476 échantillons depuis 2007.

«Notre équipe possède une bonne expertise dans l'analyse de l'ADN pour reconstituer la généalogie d'espèces sauvages, déclare le professeur Lapointe. Nous l'avons fait pour la tortue des bois et la souris sylvestre notamment. Mais une touffe de poils, ou même un ou deux poils dans certains cas, c'est bien peu pour repérer la séquence génétique propre à une espèce.»

Le professeur rend hommage à son ancienne étudiante, aujourd'hui biologiste au Regroupement QuébecOiseaux, qui a pris les choses en main à l'intérieur d'un projet d'initiation à la recherche réalisé sous la supervision de Nathalie Tessier. «Elle Le Duing Lang a travaillé d'arrache-pied pour mettre au point, en six mois, une technique d'extraction qui fonctionne à merveille, signale-t-il. Plus de 400 analyses ont été nécessaires pour y arriver.»

Entre 2002 et 2004, 111 échantillons de poils prélevés dans les différents sites ont été analysés. Près du quart des échantillons se sont avérés trop pauvres en matériel génétique pour être valables. Il faut dire que le poil est principalement composé de cellules mortes; c'est dans le follicule, ou la racine, qu'on a le plus de chances de trouver des renseignements pertinents. Mais ceux-ci ne sont pas toujours présents.

 

Reconsidérer le statut

Les échantillons nouvellement recueillis ont été acheminés au Laboratoire d'écologie moléculaire et évolution de l'UdeM, qui est devenu en quelque sorte le centre national d'identification du cougar. Prochaine étape : trouver des marqueurs sûrs pour documenter la présence de la sous-espèce orientale. Ce ne sera pas une mince tâche compte tenu de la fiabilité relative des indicateurs moléculaires. Le statut de la sous-espèce pose un problème particulier, car des chercheurs ont décrit plus d'une quinzaine de groupes de cougars sur le continent américain. Mais l'analyse mitochondriale ne permet pas de les distinguer formellement comme des sous-espèces. On considère donc les cougars d'Amérique du Nord comme une seule sous-espèce, distincte de celles du Sud.

Dans l'article cosigné par les biologistes Nathalie Tessier, Marc Gauthier, Renee Wissink et Hélène Jolicœur, on mentionne que la taxonomie de cette espèce a d'importantes conséquences en matière de conservation. En effet, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada considère que les données sont insuffisantes pour en faire une évaluation convenable. Mais l'évaluation de la situation date de 1998 et les observations scientifiques confirment que les cougars sont en train de repeupler le Midwest américain et qu'ils sont « indiscutablement présents dans l'est du Canada ». À la lumière de cette information, les autorités doivent rapidement établir des programmes d'éducation auprès de la population et mettre sur pied des programmes de protection de l'espèce. Différents États américains et provinces canadiennes l'ont fait, mais le Québec traîne la patte.

 

Source: Université de Montréal

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