Un chauffage plus vert pour nos serres

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Par Marie-Joe Costantine

 

Peut-on reprocher quoi que ce soit aux serres? Avec leur structure transparente, leur verdure abondante et leur chaleureuse humidité, elles combinent de manière harmonieuse la richesse de la nature et l’ingéniosité de l’homme. Par contre, dans les climats plus froids comme ceux du Canada, celles-ci dépendent d’une source de chaleur stable tout au long de l’année. Le prix élevé et l’impact environnemental des combustibles fossiles ont donc mené certains opérateurs de serres à rechercher un système de chauffage plus écologique, soit la biomasse.

Malheureusement, il y a encore du chemin à faire pour la plupart des systèmes de chauffage à biomasse. Tout d’abord, le lourd investissement financier peut facilement effrayer n’importe quelle petite opération. De plus, le gaz de combustion utilisé dans les fournaises à biomasse émet de grandes quantités de fuites de chaleur et de dioxyde de carbone. Entre alors en jeu une nouvelle technologie: le système de contrôle de gaz à combustion (SCGC) de fournaise à biomasse, un processus conçu pour récupérer l’énergie de la fournaise afin de la rediriger dans la serre.

Fruit du travail de chercheurs du département de génie des bioressources  ainsi que de plusieurs étudiants des cycles supérieurs de l'Université McGill, le SCGC est "une façon plus écologique d'utiliser des granulés de bois pour le chauffage des serres," explique le Dr. Mark Lefsrud, professeur d'ingénierie dirigeant le projet. Le système récupère non seulement la chaleur et purifie les émissions de gaz d'échappement de la fournaise, il recycle aussi le dioxyde de carbone pour le rediriger dans la serre.

Le SCGC est composé d'une boite rigide pour filtrer l’air, accompagné de deux éléments chauffants et d'un convertisseur catalytique. "Le filtre à air élimine les particules dans les gaz de combustion, tandis que les autres éléments transforment les gaz d'échappement en gaz moins nocifs », explique Yves Roy, étudiant à la maîtrise qui a joué un rôle central dans la conception du système. Le CO2 agit comme un engrais, il améliore la croissance des plantes et assure donc de meilleurs rendements. 
 
Ayant grandi sur une ferme, Roy est tout à fait conscient de la nécessité d'aider les cultivateurs à profiter de leur entreprises tout en préservant l’environnement. " Étant très jeune, je savais déjà que la production agricole serait un défi constant, » dit-il. "En grandissant, je me suis passionné à trouver des solutions, ce qui m'a amené à joindre l'équipe de recherche de McGill.

Une fois le prototype du SCGC achevé, l'équipe l’a testé sur la cheminée d'une fournaise à biomasse fait de granulés de bois. Le dispositif a passé le test avec brio. « Cela nous a confirmé que le système améliore l'efficacité thermique de la fournaise et réduit les émissions de CO2 dans l'atmosphère », explique le Dr. Lefsrud. Pour faire histoire courte, cela signifie à la fois une facture de chauffage moins élevé et une empreinte de carbone plus faible. "Les utilisateurs finaux seront même en mesure de demander un crédit de carbone », ajoute-il.  L'équipe a également prouvé la sécurité du système en mesurant la qualité de l’air. Lorsque l'échappement de la cheminée a été pompé directement dans la serre, la qualité de l'air était bel et bien en ligne avec les niveaux acceptables de gaz et des contaminants de Santé Canada.

«Ce projet démontre que la recherche universitaire peut se développer en produits commercialisables », dit fièrement le Dr Lefsrud. BioFuelNet a donné vie à l'initiative, en couvrant les déplacements des étudiants des cycles supérieurs lors des conférences pour qu’ils aient l’opportunité de présenter leurs technologies et de réseauter avec d'autres scientifiques du même domaine. C’est d’ailleurs de cette manière qu’Yves Roy a eu la chance de présenter son travail en 2013 à la Réunion internationale des ingénieurs de l’agriculture et de la biologie, au Kansas, Missouri. « Même si certains des participants ont commenté mon fort accent français, ils semblaient apprécier ma présentation, " dit-il en riant.

Deux démarches devraient se dérouler avant de mettre le SCGC sur le marché : l’obtention d’un brevet et d’une unité adaptée à un usage commercial. L'équipe de McGill a déjà déposé une demande de brevet et a l'intention d'améliorer le produit pour le rendre économiquement viable. "Nous prévoyons construire un système de contrôle dans l'unité pour permettre aux cultivateurs d'ajuster les niveaux de CO2 », explique le Dr Lefsrud, ajoutant que "la communauté BioFuelNet nous aide à procéder à la commercialisation en nous connectant aux bonnes personnes et en nous fournissant des informations pertinentes."

Lefsrud a de grands espoirs pour la nouvelle technologie. «Notre pièce d'équipement pourrait stimuler le développement économique dans le secteur de l'agriculture et des serres et renforcer la sécurité alimentaire canadienne», explique-t-il. Le produit est également très rentable : «L'investissement en capital requis pour le SCGC est beaucoup plus faible que pour les systèmes de chauffage alternatifs présentement sur le marché. "

Roy partage les mêmes vues que Lefsrud. "Les serres sont en constante croissance, car elles offrent un moyen de contrôler l'environnement», dit-il.  Avec des conditions climatiques  de moins en moins prévisibles, les serres aux conditions fixes gagnent davantage en popularité.  «Je suis convaincu que notre système sera économiquement viable afin de desservir les serres de toutes tailles. "

 

Une batterie éternelle

La biomasse, ce matériel dérivé d’organismes vivants, est une source d’énergie renouvelable pour deux raisons: elle provient du soleil, elle peut donc repousser dans une courte période de temps. À l’aide de la photosynthèse, les plantes saisissent l’énergie du soleil en convertissant le dioxyde de carbone de l’air et de l’eau en glucides. Lorsque les glucides sont brûlés, de la même manière que dans une fournaise à biomasse, ceux-ci se transforment à nouveau en dioxyde de carbone et en eau et émettent une fois d plus l’énergie capturé par le soleil. De cette manière, la biomasse agit comme une sorte de batterie éternelle pour stocker de l’énergie solaire.

 

 

Source: GaïaPresse

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