Les ONG se mobilisent contre les subventions aux hydrocarbures

0

Par Yanick Touchette

 

Les ONG dénoncent le financement par le Japon d'usines au charbon en Indonésie, à la COP20 à Lima

Alors que le Fonds vert pour le climat peine à récolter plus du dixième des 100 milliards $ américains annuels qui doivent y être contribués d’ici 2020, les hydrocarbures continuent à bénéficier de centaines de milliards $ en subventions annuelles par les États. De nombreuses ONG dénoncent depuis longtemps une telle contradiction et leur message se fait maintenant entendre à même les négociations sur le climat aux Nations unies.

Après avoir posée une action citoyenne durant l’avant-midi du mercredi 3 décembre, Oxfam, ActionAid et le groupe Environmental Rights Action ont tenu une conférence de presse conjointe en après-midi qui visait à s’opposer au financement de projets électriques dans les pays en développement basés sur des énergies polluantes comme le charbon. « Les énergies polluantes empoisonnent le climat et les communautés locales. Il est essentiel que le financement du climat serve à effectuer une transition énergétique plutôt qu’à financer des projets d’énergies polluantes qui empirent les changements climatiques », à souligner le directeur de Environmental Rights Action au Nigéria, Godwin Ojo.

Cette intervention publique, appuyée d’une lettre signée par plus de 250 organisations qui font pression auprès du Comité du Fonds vert pour le climat, fait suite à la publication de documents selon lesquels le Japon aurait financé la construction de trois centrales électriques au charbon en Indonésie à partir de fonds prétendument dédiés à la lutte aux changements climatiques, et ce à travers le processus de financement climatique des Nations unies.

La controverse ravive de plein fouet l’enjeu du financement de l’exploitation des hydrocarbures. Alors qu’il manque environ 650 milliards $ par année en investissements propres pour éviter le pire des changements climatiques, les rapports démontrant que les hydrocarbures bénéficient encore de plusieurs centaines de milliards $ en fonds publics sur une base annuelle s’accumulent. Une étude publiée plus tôt cette année établie également que près des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre accumulées dans l’atmosphère depuis 1854 proviennent de seulement 90 entreprises exploitant les hydrocarbures, avec à la tête du groupe les grandes pétrolières Chevron, ExxonMobil, Saudi Aramco et BP.

Malgré tout, le charbon, le gaz naturel et le pétrole reçoivent encore de grandes quantités d’argent public. Dès la première journée des négociations à Lima, la division européenne du Réseau action climat dévoilait un nouveau rapport démontrant que les 10 pays d’Europe les plus riches ont investi 97 milliards $ américains dans le soutien à la production des combustibles fossiles depuis 1999. Le représentant de la Norvège présent lors du dévoilement du rapport a alors parlé de « financement négatif » pour le climat, alors que d’une main on finance la lutte aux changements climatiques et que de l’autre on appuie l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Un second rapport, publié celui-là en novembre par Oil Change International, calcule que les États du G20 dépensent à hauteur de 88 milliards $ américains par année uniquement dans le but d’aider l’industrie des hydrocarbures dans ses travaux d’exploration, contribuant ainsi à gonfler artificiellement la valeur boursière des entités qui possèdent les réserves de carburants fossiles qui sont alors découvertes. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, s’intéresse également de plus en plus à cette « bulle du carbone » que ces réserves sont en train de créer, alors que si les États s’entendent dans un prochain accord sur le climat à limiter la hausse de la température mondiale en deçà de 2°C, seulement le cinquième des réserves connues d’hydrocarbures pourra être exploité et consommé. Cela aurait pour effet de faire s’effondrer la valeur boursière des grandes pétrolières qui possèdent ces réserves. Dans une lettre rédigée au Comité d’enquête environnementale du Royaume-Uni, le gouverneur de la Banque d’Angleterre affirme que : « Considérant les conversations [quant aux risques de crise économique liés à une “bulle carbone”], nous mènerons une enquête davantage détaillée et plus exhaustive à ce sujet ».

La Conférence de Lima sera d’ailleurs cruciale sur cet enjeu, alors que l’ébauche actuelle du nouvel accord sur le climat, qui doit être signé à Paris l’an prochain, inclut pour le moment l’élimination graduelle de ces subventions. D’ici là, les données les plus récentes du Fonds monétaire international continuent de nous rappeler qu’en 2011, 8 % de l’ensemble des budgets nationaux à l’échelle internationale a servi à soutenir la production et la consommation des hydrocarbures, soit près de 22 fois plus que les fonds dédiés aux énergies renouvelables. Un transfert de fonds d’un vers l’autre accomplirait certainement une grande partie de l’effort nécessaire pour prévenir une perturbation dangereuse du système climatique de la planète.

 

Source: GaïaPresse

Partager.

Répondre