Mikael Rioux: le viking de l’environnement

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Par Caroline Larouche

 

Photo de Israel Lagacé

La petite ville de Cacouna a vu sa population augmenter à 2500 personnes pour le temps d’une marche de protestation contre l’arrivée d’un port pétrolier. Derrière cette manifestation se retrouve des organisateurs engagés à fond pour la protection de notre environnement. Sans l’intervention acharnée de Mikael Rioux et ses acolytes, la pétrolière albertaine TransCanada continuerait paisiblement ces travaux de forage pour son projet de port pétrolier[1] installé dans cette pouponnière à bélugas.

Si Mikael croit au succès de cette lutte, c’est qu’il a en déjà gagné des batailles environnementales. Tout d’abord actif dans l’altermondialisation, son engagement environnemental a débuté lorsque son terrain de jeux a été menacé, la rivière Trois-Pistoles. En 2002, un promoteur de minicentrale hydroélectrique privée menaçait son coin de paradis. En campant 40 jours au-dessus de ce cours d’eau, il a réussi à faire avorter le projet. Pour démontrer que ce projet pouvait être remplacé par une activité économiquement rentable, durable et respectueuse de l’environnement, Mikael a fondé le festival écologique ÉchoFête un an plus tard. Il a gagné son pari avec le festival qui rapporte annuellement des retombées économiques de 200 000$ contre 25 000$ (revenus annuels sur 50 ans) promis grâce à la minicentrale. Il a aussi coorganisé la marche des peuples pour la Terre mère et participé au camp autogéré Ligne 9. Ce camp consistait à rassembler des citoyens militants en les formant pour réaliser des actions directes contre les projets d’oléoducs et d’exploitation des hydrocarbures.

Quand les dirigeants élus d’une nation ne font pas leur travail, la société civile prend le relai pour remplir le rôle de gestionnaire du bien commun, dans le cas échéant. Pour Mikael, « le gouvernement ne joue plus son rôle de chien de garde pour l’environnement, mais plutôt de lubrifiant facilitateur pour les projets de l’industrie pétrolière ». Une tactique d’attaque semble bien fonctionner pour convaincre les politiciens de changer leur capot de bord;  viser l’électorat en attirant la faveur de l’opinion publique. Dans ce que certains appellent désormais le « bélugate », le bras justicier provincial a fourni une arme puissante pour obtenir l’affection croissante du public face à cette bête menacée de disparition. TransCanada apparaît comme un mauvais citoyen corporatif par son omission de demander un  certificat d’autorisation au gouvernement du Québec, suivi de la négligence du ministère de l’environnement (pour ne pas nommer le ministre de l’environnement David Heurtel, puisque ce sont ses fonctionnaires les grands responsables, selon ce dernier) qui a octroyé à l’aveugle le dit certificat, sans consultation auprès d’experts en la matière.

Les médias de tout acabit se sont emparés du sujet chaud de l’heure. Même le controversé Jeff Fillion a réalisé des entrevues avec Mikael. L’animateur reconnu pour ne pas ménager ses invités s’est montré plutôt clément et favorable à la cause en se proclamant désormais gauchiste ( !). Le secret du succès de cet activiste réside dans un argumentaire solide et la réalisation de réseautage avec, entre autres, la jeunesse. Il impose le respect pour l’expérience accumulée au sein de groupes environnementaux, par les actions directes dans des luttes, par la participation à plusieurs documentaires[2], reportages et multiples entrevues. Il vit de peu, et son rêve consiste à ce que la population se préoccupe d’une meilleure qualité de vie aussi intensément que lui. « Si la population se passionnait autant pour les sujets concernant la qualité de leur milieu de vie que pour le hockey, si elle connaissait autant les statistiques environnementales, on serait capable de changer bien des choses ». Bien qu’il soit amoureux de la nature, Mikael s’étonne de l’intérêt monstre du public pour des bélugas que beaucoup d’entre eux n’ont même jamais vus. Par ailleurs, cet engouement va permettre aux opposants aux hydrocarbures d’informer la population  à propos d’un autre enjeu. « Maintenant que nous avons retenu l’attention avec les bélugas, nous devons parler de l’eau (par rapport au dossier Cacouna). Les Québécois se sentent concernés par ça quand on leurs parle d’eau potable ».

Ce militant écologique est tellement occupé qu’il a fait mon entrevue entrecoupée des entrevues avec Jeff Fillion et plusieurs autres coups de fil concernant le sujet.  Son horaire varie en fonction des réactions gouvernementales et des pétrolières.  D’autres dossiers le préoccupent comme les mines à ciel ouvert, la (mauvaise) gestion de la forêt québécoise, l’agriculture industrielle (au détriment de l’agriculture paysanne). Face à ce qui pourrait représenter un avenir plutôt sombre au niveau socio-environnemental, il garde le moral en demeurant en action continuelle. Le gain des batailles comme celles du Suroît, de l’île René-Levasseur, de Cacouna jumelées à la proposition de solutions ont de quoi insuffler de l’énergie à ce guerrier de la terre. Évidemment, les batailles ne sont pas toutes gagnées, mais ce n’est pas un Val Jalbert qui va venir à bout de sa motivation.

Mikael a espoir que les activités pétrolières à Cacouna cesseront définitivement. « TransCanada est en seulement à sa phase exploratoire et il y a déjà des impacts majeurs (sur les bélugas). Présentement, le niveau sonore sous-marin est quatre fois plus élevé qu’annoncé ». Pour la population locale où le pipeline traversera, c’est l’aspect sécuritaire qui inquiète le plus. Méfiance justifiée par des déversements qui ont déjà eu lieu par le passé avec d’autres pétrolières, dont Enbridge[3],  malgré leur ton se voulant rassurant devant la qualité et sécurité de leurs installations. Rien qu’à assister à une soirée de portes ouvertes de TransCanada, la nervosité des promoteurs du projet est palpable quant au questionnement des citoyens sur cet aspect. « Le tracé n’est pas définitif et en cas de danger, les travaux seront interrompus », y a-t-on entendu à répétition. TransCanada semble plus encline à sécuriser ses intervenants que ses installations, à voir les trois voitures de police en attente aux portes de la salle, ce soir-là à Maskinongé.  Pourtant, les militants présents considérés comme des agents perturbateurs posaient des questions et informaient les résidents du coin de façon pacifique.

« J’ai espoir face à l’avenir par le fait que nous sommes au  bord du précipice (le mur),  et les citoyens un peu partout sur la planète ont accès à l’information. Je souhaite que l’humanité perde la naïveté de croire en ceux qui nous gouvernent. On reprend la rue ! ». 

En attendant la suite de la saga bélugas, la population est invitée à s’impliquer dans la lutte en marchant contre les (sables) bitumineux à Sorel-Tracy samedi prochain[4].

Ah oui, pour ceux qui se demandent qu’est-ce que le viking vient faire dans l’histoire : surnom entendu pendant le Camp Ligne 9 qui visait à encourager les marcheurs de la marche des peuples pour la Terre mère sous la pluie et la grêle. Pour ma part, le viking comme le militant activiste n’a pas toujours une bonne image, malgré des actions courageuses, mais selon Wikipedia, « […] la documentation plus contemporaine a permis de nuancer le propos et elle insiste sur l'aspect positif de leur action dans certains cas, car ils furent aussi de grands marins, explorateurs, marchands et guerriers […] ».

 



[1]
http://www.transcanada.com/oleoduc-energie-est.html

[2]Visionnaires planétaires,Sylvie Van Brabant, 2010.

On l’appelait le monde du silence, Patrick R. Bourgeois, 2014.

Pipelines : pouvoirs et devoirs, Olivier D. Asselin (en cours).

[3]http://www.ntsb.gov/doclib/reports/2013/par1201.pdf

[4]https://www.facebook.com/events/396815347134016/?fref=ts

 

Source: GaïaPresse

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