TEXTE D’OPINION: L’impact climatique du sommet économique de Davos

0

Du 21 au 24 janvier 2015 se tenait le forum économique mondial à Davos en Suisse auquel assistaient 2800 chefs d’État et patrons d’industrie. (1) Un site Internet (2) a publié un article basé sur les données de trafic aérien (3) révélant que 1700 jets privés se sont posés dans la ville hôte. (4) Pendant ce forum, des exposés abordaient la question du climat (5) en prévision du COP21 qui se tiendra à Paris en décembre prochain. (6) 

La rencontre du COP21 sera déterminante pour la suite des changements climatiques, car les chefs d’État doivent s’entendre sur la réduction des gaz à effet de serre (GES) qui provoquent les changements climatiques. Plusieurs chercheurs commencent à craindre qu’il ne ressorte rien de cette conférence internationale en termes de mesures efficaces. En attendant, revenons à Davos et analysons l'impact climatique des 1700 jets privés. 

Selon les données d'Environnement Canada (7), chaque moteur d'avion à réaction émet les quantités de GES suivantes lors de la combustion du kérosène: 

– 2534 g par litre de CO2 (gaz carbonique) 

– 0,028 g par litre de NH4 (méthane) 

– 0,071 g par litre de N2O (protoxyde d’azote) 

L'Agence américaine de protection de l'environnement (Environmental Protection Agency ou EPA) (8), quant à elle, diffuse les données suivantes: 

– Le gaz carbonique (CO2) représente 82% des GES avec un facteur 1 d’effet sur le réchauffement climatique pour une période de 100 ans. 

– Le méthane (NH4) représente 9% des GES avec un facteur d’effet sur le réchauffement climatique 21 fois celui du CO2

– Le protoxyde d’azote (N2O) représente 6% des GES, mais avec un facteur d’effet sur le réchauffement climatique 310 fois celui du CO2

Un jet privé consomme en moyenne près de 50 000 lb de kérosène pour parcourir 8000 miles nautiques. Or, 50 000 lb de kérosène équivalent à 62 500 litres, et 8000 miles nautiques à 14 800 km. Nous avons donc une consommation de 62 500 litres pour 14 800 km, ce qui fait 4 litres de kérosène par km ou 400 litres aux 100 km. 

La distance Paris–Davos est de 700 km. Londres–Davos, 1015 km et Montréal–Davos, 5900 km. En supposant que les 1700 jets aient parcouru chacun une moyenne de 2000 km, cela totalise 3 400 000 km. Avec une consommation de 4 litres par km, 13 600 000 litres de kérosène auraient été consommés. 

La combustion de ce kérosène aurait donc rejeté: 

 – 34 462 400 kg de CO

– 381 kg de NH

– 966 kg de N2

En équivalent de facteur d’effet sur le réchauffement climatique, nous obtenons: 

– 34 462 400 pour le CO2 (facteur 1) 

– 7996,8 pour le NH4 (facteur 21) 

– 299 336 pour le N2O (facteur 310) 

En conséquence, Davos aurait restitué à la planète l’équivalent de 34 769 732 kg de CO2 qui agiront pendant 100 ans! Ce qui correspond à 34 770 tonnes de CO2 ou aux émissions de 2000 automobiles pendant 1 an. À la fin du forum, les 1700 jets sont vraisemblablement retournés à leur point de départ, doublant ainsi les quantités du scénario que nous venons d'énoncer! 

Cette semaine, le CO2 atmosphérique mondial oscille autour de 400 ppm. Or, la concentration naturelle des derniers 800 000 ans n’a jamais dépassé 285 ppm avant le début de l'ère industrielle vers 1800. (9) Depuis, elle augmente de manière exponentielle au rythme de la combustion des énergies fossiles. (10) 

Aucune décision mobilisatrice n’a jamais été prise dans un forum économique. On y présente beaucoup trop de conférences qui n’approfondissent pas les problématiques. (11) Tant qu’une analyse intégrée de la civilisation humaine ne sera pas mise en priorité, des GES continueront d'être rejetés pour ce genre de congrès inutiles. Il vaudrait mieux organiser des ateliers de travail… 

Pourtant, des démarches de recherches scientifiques très sérieuses sur l’Anthropocène existent (12) et ont même été présentées à Davos! (13) Des articles ont été publiés, que ce soit dans la revue Science (14) ou dans le plus récent journal The Anthropocene Review. (15) 

Encore une fois, c’est vers la science qu’il faut nous tourner si nous voulons comprendre les problèmes. Ce n’est certes pas vers les décideurs que nous devons porter notre regard afin d'obtenir des solutions. Ils ne possèdent pas l’expertise pour concevoir des solutions sociales intégrées et durables comme la réforme urgente et nécessaire des modèles économique et politique… 


(1) http://www.weforum.org/events/world-economic-forum-annual-meeting-2015 

(2) http://www.terraeco.net/1-700,58259

(3) http://www.flightradar24.com/53.87,-1.66/10 

(4) http://www.lepoint.fr/societe/1-700-jets-prives-a-davos-pour-parler-du-changement-climatique-22-01-2015-1898839_23.php 

(5) http://journalmetro.com/monde/708185/les-changements-climatiques-sur-la-table-a-davos/

(6) http://www.solutionscop21.org 

(7) https://www.ec.gc.ca/ges-ghg/default.asp?lang=Fr&n=3E38F6D3-1

(8) http://epa.gov/climatechange/ghgemissions/gases.html 

(9) http://co2now.org/Historical-CO2/800000-Years/co2-ice-core-data.html

(10) http://co2now.org/Current-CO2/CO2-Now/global-co2-board.html 

(11) http://www3.weforum.org/docs/AM15/WEF_AM15_Programme_A3526EC2F4.pdf 

(12) https://irasd.wordpress.com/2015/01/22/lhomme-a-fait-entrer-la-terre-dans-une-nouvelle-epoque-geologique/ 

(13) https://enjeuxenergies.wordpress.com/2015/01/25/press-conference-planetary-boundaries-blueprint-for-managing-systemic-global-risk/

(14) http://www.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.1259855

(15) http://anr.sagepub.com/ 

 

Source: Stéphane Brousseau, Directeur de recherche 

B. Sc. Géologie 

Analyste et architecte en technologies de l’information et des communications 

Chercheur en architecture sociale durable 

Partager.

Répondre