Le marché du carbone au coeur de la stratégie québécoise de lutte contre les changements climatiques

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Par Cédric Livet
Candidat à la maîtrise ès sciences de la gestion (M.Sc.) en stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l'École des Sciences de la Gestion (ESG) de l’UQAM


 

Depuis septembre 2013, le Québec et la Californie se sont entendus pour unir et harmoniser leurs législations respectives, créant de fait le premier marché commun du carbone entre États fédérés. Effectivement lié depuis le 1er janvier 2014, le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE) est entré dans sa deuxième phase le 1er janvier dernier. D’une importance croissante, ce dernier est la pièce maîtresse de la stratégie du Québec en matière de changements climatiques.

 

Le premier plan d’action sur les changements climatiques

À la suite de l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto en février 2005, le Québec s’est doté d’un premier « Plan d’action sur les changements climatiques (PACC 2006-2012) ». Sa première mesure phare fut la mise en place dès 2007 d’une taxe carbone, sous la forme d’une redevance annuelle au Fonds vert pour les distributeurs de carburants et de combustibles [1]. Cette mesure était à l’époque une première en Amérique du Nord et devait permettre de financer le Fonds vert à hauteur de 200 millions de dollars par année [2], une source de financement importante pour plusieurs mesures visant :

« […] la réduction, la limitation et l’évitement d’émissions de gaz à effet de serre, l’atténuation des conséquences économiques ou sociales des efforts de réduction des émissions, la sensibilisation du public et l’adaptation aux impacts du réchauffement planétaire et des changements climatiques ou le développement et la participation du Québec à des partenariats régionaux ou internationaux portant sur ces matières ». [3]

Par la suite, en 2009, quelques semaines seulement avant la conférence internationale de Copenhague sur le climat, le gouvernement de Jean Charest a fixé pour la province une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 % d’ici l’horizon 2020, par rapport au niveau de 1990 [4]. L’objectif de réduction québécois est alors devenu le plus ambitieux en Amérique du Nord, s’alignant au niveau des cibles des pays européens [5]. Bien qu’ambitieuse, elle est toutefois demeurée sous le niveau préconisé par les scientifiques pour limiter l’augmentation moyenne de la température mondiale à 2 °C soit 25 à 40 % d’ici 2020 [6].

En plus de définir la cible de réduction et de souligner l’importance de l’engagement du Québec dans la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, le plan d’action définit les deux grands objectifs de la province en matière de lutte aux changements climatiques jusqu’en 2012, soit la réduction ou l’évitement des émissions de GES et l’adaptation aux changements climatiques [7]. C’est autour de ces deux orientations qu’est définie toute la série d’actions sectorielles à mettre en œuvre durant cette première période :

« Les actions pour réduire les émissions de GES concernent les secteurs de l’énergie, des transports et du monde municipal, de l’industrie québécoise, des matières résiduelles, de l’agriculture et des activités gouvernementales. Elles consistent aussi à sensibiliser Le public et à appuyer l’innovation technologique. Les mesures en matière d’adaptation concernent la santé et la sécurité publiques, l’environnement, les ressources et le territoire » [8].

C’est également au cours de la même année que le Québec s’est joint à la Western Climate Initiative (WCI), un regroupement d’États nord-américains travaillant conjointement pour « le développement et la mise en place d’un système de plafonnement et d’échange de droits et de crédits d’émission de GES » [9]. Le plan d’action annonçait alors la création d’un marché du carbone, « probablement d’ici 2010 » [10].

 

La mise sur pieds du SPEDE pour lutter contre les changements climatiques

Pour pouvoir se donner les moyens de ses ambitions, le gouvernement a fait appel à l’article 31 e. 1 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), qui prévoit que le gouvernement peut, par règlement : « mettre en place des mesures prévoyant le recours à des instruments économiques, notamment des permis négociables, des droits ou redevances d’émission […] en vue de protéger l’environnement et d’atteindre des objectifs en matière de qualité de l’environnement […] » [11]. Ainsi, une année plus tard que prévu, en 2011, le Règlement concernant le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre est venu poser les balises permettant au SPEDE de voir le jour.

Par ailleurs, la LQE prévoit que le SPEDE possède un double mandat. Selon les estimations du gouvernement, en plus de contribuer à la réduction des émissions de GES de la province, le SPEDE, devrait permettre d’alimenter le Fonds vert à hauteur de 2,445 millions de dollars[12][13].

 

Le SPEDE, pièce maîtresse

Par la suite, le PACC a été renouvelé pour la période 2013-2020. Cette deuxième mouture reprend les deux grands objectifs de la première édition, soit la diminution des GES de la province et l’adaptation aux impacts sociaux et économiques des changements climatiques [14]. Une série de 30 priorités de différentes natures a été établie, dont l’une des sections prévoit l’instauration d’un marché du carbone, pour répondre à la priorité n° 12 « Envoyer un signal de prix du carbone en instaurant un SPEDE » [15].

De l’avis du gouvernement québécois, c’est l’« outil privilégié pour lutter contre les changements climatiques » [16], si bien qu’il soutient l’ensemble de la mise en œuvre du plan d’action [17]. De par son double mandat, l’importance du SPEDE est donc considérable et l’initiative peut être qualifiée de pierre angulaire du PACC.

Mots clés : Plan d’action sur les changements climatiques (PACC), instruments économiques, Western Climate Initiative (WCI), Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (PACC), marché du carbone, Fonds vert.

 

Bibliographie

Gupta, Sujata, Dennis A. Tirpak, Nicholas Burger, Joyeeta Gupta, Niklas Höhne, Antonina Ivanova Boncheva, Gorashi Mohammed Kanoan, et al. “Policies, Instruments and Co-Operative Arrangements.” In Climate Change 2007: Mitigation. Contribution of Working Group III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, 64. Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.: Cambridge University Press, 2007.

Québec (Province), and MDDEFP. “Fonds Vert Du Gouvernement Du Québec.html,” 2002. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/ministere/fonds-vert/.

– “Le Marché Du Carbone Du Québec: Ses Forces, Ses Avantages.” Ministère du développement durable, de l’environnement de la forêt et des parcs, n.d. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/carbone/ventes-encheres/SPEDE_forces-avantagesFR.pdf.

Le Québec en action vert 2020 plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques: phase 1. Ministère du développement durable, de l’environnement de la forêt et des parcs, 2013. http://site.ebrary.com/lib/macewan/Doc?id=10691307.

Le Québec et les changements climatiques. Un défi pour l’avenir.pdf. Québec: Ministère du développement durable, de l’environnement de la forêt et des parcs, 2008. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/plan_action/2006-2012_fr.pdf.

Radio-Canada, Zone Nouvelles-. “Québec fixe sa cible à 20 % | ICI.” Radio-Canada.ca, November 24, 2009. http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2009/11/23/016-cible-quebec-ges.shtml.

RLRQ. Loi sur la qualité de l’environnement. RLRQ c Q-2, 1972. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca.proxy.bibliotheques.uqam.ca:2048/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/Q_2/Q2.htm.

Règlement relatif à la redevance annuelle au Fonds vert. RLRQ c R-6.01, r 6, 2007. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/R_6_01/R6_01R6.HTM.

 



[1]
RLRQ, Règlement relatif à la redevance annuelle au Fonds vert, RLRQ c R-6.01, r 6, 2007, http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=3&file=/R_6_01/R6_01R6.HTM.

[2]Québec (Province) and MDDEFP, Le Québec et les changements climatiques. Un défi pour l’avenir.pdf (Québec: Ministère du développement durable, de l’environnement de la forêt et des parcs, 2008), http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/plan_action/2006-2012_fr.pdf.

[3]RLRQ, Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, 1972, http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca.proxy.bibliotheques.uqam.ca:2048/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/Q_2/Q2.htm.

[4]Québec (Province) et MDDEFP, Le Québec en action vert 2020 plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques: phase 1. (Ministère du développement durable, de l’environnement de la forêt et des parcs, 2013), http://site.ebrary.com/lib/macewan/Doc?id=10691307.

[5]Zone Nouvelles- Radio-Canada, “Québec fixe sa cible à 20 % | ICI,” Radio-Canada.ca, 24 Novembre, 2009, http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2009/11/23/016-cible-quebec-ges.shtml.

[6]Sujata Gupta et al., “Policies, Instruments and Co-Operative Arrangements,” in Climate Change 2007: Mitigation. Contribution of Working Group III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.: Cambridge University Press, 2007), 64.

[7]Québec (Province) et MDDEFP, Le Québec et les changements climatiques. Un défi pour l’avenir.

[8]Ibid.

[9]Ibid.

[10]Ibid.

[11]RLRQ, LQE, 31 e.1.

[12]Les revenus du Fonds vert sont composés « des redevances pour l’élimination des matières résiduelles; de la redevance annuelle sur les carburants et combustibles fossiles (qui se terminera le 31 décembre 2014); de la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau; des revenus provenant de la vente d’unités d’émission de gaz à effet de serre dans le cadre du système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (marché du carbone); de la tarification des autorisations environnementales; des amendes, sanctions administratives pécuniaires, et autres en lien avec la LQE ». (Québec (Province) et MDDEFP, 2015)

[13]Québec (Province) et MDDEFP, Le Québec en action vert 2020 plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques.

[14]Ibid.

[15]Ibid.

[16]Québec (Province) et MDDEFP, “Le Marché Du Carbone Du Québec: Ses Forces, Ses Avantages” (Ministère du développement durable, de l’environnement de la forêt et des parcs, n.d.), http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/carbone/ventes-encheres/SPEDE_forces-avantagesFR.pdf.

[17]Québec (Province) and MDDEFP, Le Québec en action vert 2020 plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques.

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