Les sciences de l’environnement, ou la nécessité d’un dialogue des savoirs

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Par Éliane Brisebois
Journaliste indépendante et candidate à la maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM

 

Source: UQAM

Qu’est-ce que les sciences de l’environnement ?  Parle-t-on de ce domaine d’études au pluriel ou au singulier ? Ces questions, qui relèvent d’un débat intellectuel, ne trouvent pas seulement un écho dans le milieu universitaire, puisqu’elles s’inscrivent dans un contexte social et écologique où les problèmes environnementaux nécessitent d’importantes prises de décisions politiques.

 

C’est ce constat qui mènent plusieurs chercheurs et professeurs de l’Université du Québec à Montréal à réfléchir à la notion de sciences de l’environnement et à l’utilité des connaissances produites par ce champ d’études pour la société. Ce bouillonnement d’idées prend une tournure importante cette année à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de l’UQAM, alors que s’amorce une discussion dans toute l’institution universitaire sur la place et le rôle de ces sciences. La réflexion est approfondie publiquement cette semaine à la lumière de l’œuvre du scientifique et humaniste Pierre Dansereau qui est honoré à travers les différentes activités de la Semaine Pierre-Dansereau en sciences de l’environnement.

 

La journée de colloque du jeudi 7 mai a justement donné lieu à différents échanges à ce sujet. Même le recteur de l’université, Robert Proulx, dans son allocution lançant l’événement, a affirmé donner son appui à toute réforme qui avantagerait les sciences de l’environnement à l’UQAM. Il y est allé d’une réflexion personnelle à propos du fait qu’il pouvait exister une ou des sciences de l’environnement et que cela dépendait de la façon dont l’université traite ce domaine, ajoutant qu’il n’y avait pas de « conflit » à avoir à ce propos.

 

Pour des décisions politiques rationnelles

Dans la conférence d’ouverture, René Audet, le directeur de l’ISE, a voulu pousser la réflexion en s’inspirant de la pensée « phare » de Dansereau. Faisant référence à l’importante œuvre La terre des hommes et le paysage intérieur, René Audet a souligné que Dansereau avait « explor[é] les thème de l’éthique, des inégalités mondiales et des différences culturelles afin d’inciter les chercheurs en sciences de l’environnement à travailler ensemble de manière interdisciplinaire pour fournir un arrière-plan à des décisions politiques rationnelles pour l’avenir de la planète ».

 

Cela met l’intervention au cœur de la définition des sciences de l’environnement. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en est le meilleur exemple, a-t-il illustré, les scientifiques qui en font partie exposant de manière détaillée les problèmes liées aux changements climatiques «pour inciter les décideurs à appliquer des politiques appropriées».

 

Mais aujourd’hui, il faut aller plus loin que la « séquence linéaire » allant de l’identification d’un problème à la résolution de ce dernier. Les problèmes sont de plus en plus complexes, voire « malicieux ». Ainsi pour leur faire face, «il faut revoir les liens qui existent entre la production des connaissances, le contexte socioécologique de cette production et les effets de ces connaissances sur le monde», a dit René Audet.

 

Collaboration et tension

Réunies pour une table ronde sur les enjeux de la recherche en sciences de l’environnement, quatre directrices de centres de recherche en environnement, ont témoigné de leurs expériences et de leurs réflexions là-dessus. Catherine Jumarie (Centre de recherche en toxicologie environnementale — TOXEN), Johanne Saint-Charles (Centre de recherche interdisciplinaire sur le bien-être, la santé, la société et l’environnement — CINBIOSE), Marie Larocque (Réseau québécois sur les eaux souterraines) et Marie-Andrée Caron (Centre Organisation, Société et environnement) se sont entendu pour dire que l’interdisciplinarité dans les projets de recherche en environnement était surtout essentielle au cours de l’élaboration des problématiques.

 

Elles ont toutefois convenu qu’être soi-même un ou une scientifique interdisciplinaire s’avérait difficile, mais que la collaboration entre chercheurs de différentes disciplines sert là où on rencontre des barrières dans son champ d’étude, comme l’a soulevé Catherine Jumarie.

 

Les recherches sur des enjeux environnementaux nécessitent un dialogue entre les disciplines, même si ces dernières ne parlent pas toutes le même langage. Pour Johanne Saint-Charles, la beauté et le défi de l’interdisciplinarité, c’est justement cette «tension» entre les disciplines. « Il faut maintenir une tension entre nos disciplines de façon à ce qu’on continue à dialoguer », a-t-elle lancé. René Audet a résumé cette idée en parlant d’une tension « créatrice ». Alors pas question pour Mme Saint-Charles que les sciences de l’environnement deviennent une discipline, «la» science de l’environnement.

 

Bien des éléments de cette discussion ont fait ressortir le fait qu’il reste beaucoup de questions à régler pour les universités et la société en ce qui a trait aux enjeux environnementaux . Le financement de la recherche et le partage des connaissances au public sont des enjeux qui ne méritent pas seulement un dialogue entre les disciplines, mais surtout entre les sphère scientifique et publique.

 

 

Source: GaïaPresse

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