Déversement des eaux usées de Montréal: Le bilan de la Ville passe sous silence des questions fondamentales

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Le bilan jovialiste du déversement de 4,9 milliards de litres d’eaux usées, au lieu des 8 milliards prévus initialement, ne présente pas d’informations sur plusieurs des événements qui ont mené au « flushgate ». La Fondation Rivières maintient ses demandes d’informations à l’égard des décisions prises et des efforts réalisés pour minimiser le déversement. Elle estime que le déversement aurait dû être moindre.

Le bilan ne présente pas d’information relativement aux enjeux suivants :

Nombre de travailleurs et d’équipes

Il est mentionné sans autre détails que de « 25 à 30 travailleurs ont été assignés (équipes multiples) aux différentes opérations 24 h/jour » lit-on. S’agit-il d’employés de la Ville? Est-ce que sont inclus les ouvriers de l’Entrepreneur Michaudville qui enlevait les cintres? Doit-on comprendre qu’il y avait 15 travailleurs par quart de travail, et ce pour tout ce qu’il y avait à réaliser? On conviendra que davantage de travailleurs aurait accéléré le travail. Les informations ne permettent pas de porter un jugement sur la diligence prétendue de la Ville. Au fait, quels étaient précisément les travaux qui nécessitaient de vider l’intercepteur Sud-Est sur toute sa longueur? La Fondation Rivières suggère qu’une chronologie présentant les séquences de travail pour chaque intervention soit produite, plutôt que de tout présenter pêle-mêle.

L’enlèvement des cintres et la chute à neige

La Fondation Rivières rappelle que les travaux ont d’abord été justifiés pour permettre l’aménagement de la chute à neige Riverside. La problématique de l’enlèvement des cintres fut connue subséquemment et ce contrat fut confié à Entreprises Michaudville. Combien de travailleurs y ont-ils été affectés? Y a-t-il eu 4 équipes de travail simultanément aux 4 séries de cintres à enlever, et ce 24 heures par jour? Cet entrepreneur a-t-il procédé à l’installation des murs préfabriqués simultanément afin de réduire les déversements? Pourquoi des déversements additionnels sur quatre jours pendant 9 heures ont-ils été faits de jour, et non de nuit, alors que les égouts contiennent moins de pollution et que ces eaux venaient essentiellement du centre-ville? Y a-t-il eu des montants supplémentaires non prévus alloués pour accélérer les travaux?

Errance administrative

Les experts d’Environnement Canada n’avaient pu conclure de l’urgence, voire de la pertinence, de tous les travaux de l’intercepteur Sud-Est, faute d’information de la part de la Ville. Le MDDELCC, pour sa part, n’a pas analysé le déroulement les travaux d’entretien, notamment le remplacement de rainures d’acier au puits de vanne Sud. Ces travaux à eux-seuls ont touché 15 des 24 lieux de déversement. Quels moyens ont été pris pour accélérer ces travaux qui ont duré deux jours? Est-il acceptable que le MDDELCC ne se prononce pas sur des travaux d’une telle importance? 

On se rappellera d’autre part que la Fondation Rivières a constaté, suite à l’examen des documents d’appel d’offres de la chute à neige, que son aménagement ne nécessitait pas de vider l’intercepteur. La Ville a erré gravement dans sa gestion et il ne s’agit pas d’un simple problème de communication.

On se rappellera également que le syndicat représentant les ingénieurs de la Ville de Montréal a déclaré aux médias le 9 octobre 2015 « qu’aucune commande n’a été faite aux ingénieurs de la Ville afin d’analyser une méthode de rechange permettant de minimiser le volume des effluents non traités déversés dans le fleuve ».

Les impacts réels du déversement

Si la capacité de dispersion des polluants par le fleuve a certes aidé à réduire les concentrations polluantes, notamment en coliformes fécaux, les déchets non-biodégradables, eux, auront été emportés par le courant et ceux-ci, une bonne partie, se déposeront au fond du lac Saint-Pierre où la vitesse d’écoulement est plus lente. Il s’agit d’une réserve mondiale de la biosphère reconnue par l’UNESCO.

Le bilan jovialiste de la Ville s’attarde sur des éléments qui étaient déjà prévus: faible impact sur les prises d’eau, l’absence de poissons morts, panache concentré en rive nord, plan de communication déficient, manque d’acceptabilité sociale, etc. Or, le bilan ne montre pas d’image aérienne de la rive sud de l’Ile pendant le déversement. Il mentionne la récupération de seulement 3 mètres cubes de déchets, ce qui apparaît irréaliste; il manquait sûrement des équipes de cueillette! Il passe sous silence plusieurs aspects et un rapport indépendant du MDDELCC devrait être produit.

Recommandations

Outre les recommandations généralistes et prometteuses annoncées, la Ville devrait d’abord et avant tout permettre l’accès aux informations permettant aux groupes d’analyser le dossier. C’est ainsi que de simples demandes d’accès telle une liste des points de déversement autour de l’Ile, tarde indûment à être transmise. La Ville ne tient également pas à jour ses déclarations de déversement sur le site gouvernemental de Suivi des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux (SOMAE). Il y est actuellement impossible d’y vérifier les débordements à la fin 2015.

Catherine Huard, directrice générale, réitère la position de la Fondation Rivières à l’effet que le gouvernement du Québec doit imposer le paiement de compensations sur les débordements d’eaux usées non traitées. Cette mesure incitative permettrait de réduire le temps et les volumes de déversement. «Les municipalités doivent payer pour leur pollution, et non uniquement l’envoyer chez leurs voisins en aval ! » conclut-elle. 

 

Source : Fondation rivières 

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