Dégradation des zones côtières : il y a urgence d’agir pour les côtes du Saint-Laurent maritime

0

Ouranos, consortium de recherche sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, dévoilait aujourd’hui les résultats de trois études majeures sur les impacts des changements climatiques sur les zones côtières du Québec.

Réalisées par Ouranos et ses partenaires, avec l’étroite collaboration de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et le financement de Ressources naturelles Canada (RNCan) et du Fonds Vert du gouvernement du Québec, ces études ont été menées en partenariat avec les communautés concernées. Elles sont appuyées par une analyse de données rigoureuse (scénarios d’érosion et de submersion côtières, analyse spatiale, relevés et enquêtes de terrain, sondage panquébécois par Internet, analyses économiques, etc.) et portent respectivement sur :

  • l’analyse coûts-avantages des options d’adaptation en zone côtière;
  • les coûts globaux de l’érosion sur les infrastructures; et
  • l’impact du coincement côtier sur les écosystèmes côtiers.

« Il faut savoir que le littoral québécois s’étend sur plus de 6 000 kilomètres et accueille un très grand nombre de collectivités et d’écosystèmes importants. Or ces études prouvent que, dans la majorité des cas, le coût de l’inaction face aux changements climatiques et aux risques qu’ils engendrent est nettement supérieur au coût des interventions qui pourraient – et devraient – être entreprises », résume M. Alain Bourque, directeur général d’Ouranos.

ANALYSE COÛTS-AVANTAGES DES OPTIONS D’ADAPTATION EN ZONE CÔTIÈRE
C’est précisément ce que démontre la première des trois études, qui évalue les coûts et les avantages de l’adaptation dans différentes zones représentatives des communautés côtières de la province, soit les Îles-de-la-Madeleine, Percé, Carleton-sur-Mer, Maria et Rivière-Ouelle. Ces cinq zones ont été segmentées de façon à réaliser 25 analyses coûts-avantages (ACA) couvrant une diversité de milieux et d’enjeux. Les ACA sont réalisées sur une période de 50 ans et tiennent compte à la fois des impacts directs de l’érosion et de la submersion, mais aussi des conséquences économiques, environnementales et sociales des changements climatiques et de la mise en place des mesures d’adaptation.

Que révèlent exactement ces analyses? Tout d’abord, que dans 76 % des cas étudiés, il est plus rentable d’un point de vue économique d’agir que de ne rien faire. D’après l’étude, les mesures d’adaptation potentielles permettraient d’éviter une large part des coûts liés aux changements climatiques et, dans certains cas, de générer des bénéfices additionnels, notamment au niveau récréatif et touristique. Selon les segments étudiés, les avantages de telles interventions permettraient des économies allant de 25 000 $ à plus de 700 millions $. Autrement dit, l’adaptation aux changements climatiques constitue le plus souvent un investissement durable.

Dans les segments où il serait plus avantageux d’intervenir que de ne rien faire, on constate que :

  • dans plus de 50 % des cas, ce sont les mesures préventives combinant la protection des bâtiments contre la submersion et la relocalisation des infrastructures (bâtiments et routes) qui représentent l’option la plus avantageuse;
  • dans environ 25 % des cas, les auteurs préconisent plutôt des structures de protection mobiles telles que la recharge de plages (réensablement), avec ou sans épis (des structures qui ralentissent les courants marins);
  • enfin, dans 20 % des cas, des structures rigides, comme un enrochement ou un riprap (protection en matériaux grossiers), sont recommandées.

« Contrairement aux idées reçues, explique M. Laurent Da Silva, économiste principal chez Ouranos, ce n’est pas en rigidifiant systématiquement les côtes au moyen de structures fixes que nous protégerons le mieux notre littoral et que nous prendrons les meilleures décisions sur le plan économique, mais plutôt en préservant des écosystèmes côtiers en santé, plus résilients et capables de s’adapter d’eux-mêmes aux changements climatiques. »

 

COÛTS GLOBAUX DE L’ÉROSION SUR LES INFRASTRUCTURES


La deuxième étude, réalisée par l’UQAR en partenariat avec Ouranos, met en lumière les conséquences économiques considérables que pourrait engendrer l’absence de mesures d’adaptation pour le Québec maritime. Au cours des 50 prochaines années, l’érosion des côtes pourrait ainsi mettre en danger des milliers de bâtiments publics et privés, mais aussi des infrastructures routières et ferroviaires, pour des pertes totales évaluées à plus de 1,5 milliard $ !

table

Et c’est sans compter les impacts indirects des changements climatiques sur l’économie régionale, la santé, le tourisme et les écosystèmes, qui pourraient encore faire augmenter la facture. « De nombreuses communautés côtières du Québec sont d’ores et déjà aux prises avec les conséquences de l’érosion et les résultats de l’étude soulignent l’importance d’une gestion préventive des risques littoraux qui permettrait de limiter les coûts associés à l’érosion côtière », affirme M. Pascal Bernatchez, directeur du laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières de l’UQAR.

 

IMPACT DU COINCEMENT CÔTIER SUR LES ÉCOSYSTÈMES


Le coincement côtier ou « coastal squeeze » est l’objet de la troisième étude présentée par Ouranos. Ce phénomène empêche les écosystèmes de s’adapter aux fluctuations du niveau de la mer en raison d’obstacles naturels (une falaise, par exemple) ou artificiels (routes, bâtiments, structures de protection). Or selon l’étude, 52 % de la superficie des écosystèmes étudiés pourraient être touchés par ce phénomène d’ici 2060 – un chiffre qui grimperait à 58 % en 2100, entraînant la dégradation, voire la disparition de vastes espaces naturels (plages, marais et flèches littorales).

« Même s’ils n’occupent pas une grande surface dans l’absolu, les écosystèmes côtiers réduisent l’énergie des vagues et jouent donc un rôle vital pour le littoral en le protégeant des dommages provoqués par l’érosion et la submersion; ils sont aussi très importants pour la biodiversité, puisqu’ils abritent de nombreuses espèces animales et végétales, y compris des espèces en péril », indique M. Jean-Pierre Savard, spécialiste environnement maritime chez Ouranos.

Pour contrer le coincement côtier et ses impacts potentiels, l’étude recommande quatre grands types de mesures, qui s’ajouteraient à la réduction des émissions de gaz à effet de serre visant à réduire l’ampleur des changements climatiques à long terme :

  • la préservation d’espaces permettant le déplacement des écosystèmes vers l’intérieur des terres, lorsque cela est possible;
  • la limitation de l’urbanisation en bord de mer;
  • la sensibilisation de la population et des décideurs au coincement côtier; et
  • l’identification des écosystèmes résilients situés près des zones urbaines afin de prioriser ces sites qui seront exposés au développement urbain et d’éviter de diminuer leur résilience.

 

FAVORISER UNE STRATÉGIE INTÉGRÉE À LONG TERME


« À la lumière de ce portrait chiffré et argumenté de la situation de nos zones côtières et des dangers qui les guettent à court, moyen et long termes, il est clair que nous devons nous doter d’une stratégie de gestion intégrée et cohérente des zones côtières qui favorisera la mise en œuvre de mesures prioritaires, plutôt que des initiatives dispersées », ajoute Alain Bourque.

En plus d’apporter un soutien précieux et essentiel aux municipalités et aux parties prenantes dans leurs efforts pour mieux gérer les aménagements et actifs côtiers à terme, les résultats de ces études leur donnent l’occasion de repenser le développement économique de leur région dans une perspective de développement durable.

Les études peuvent être consultées et téléchargées en ligne à :

 

Source : Ouranos

Partager.

Répondre