Producteurs maraîchers bio : la survie grâce à la complicité avec le client

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Jean-Martin Fortier

Jean-Martin Fortier

Après 20 ans à être les seuls à offrir des aliments biologiques locaux aux consommateurs, les producteurs maraîchers du Québec doivent dorénavant composer avec l’arrivée massive de grandes industries agroalimentaires biologiques dans leur marché. Leur survie dépendra de l’établissement d’une relation de plus en plus tissée serrée avec leur clientèle.

« Ça s’en vient, d’ici cinq ans, les chaînes de supermarchés vont se tourner vers ces grandes fermes de la Californie pour répondre à la demande en croissance constante des consommateurs  », a prédit Jean-Martin Fortier, conférencier vedette au colloque « Des idées à récolter : faire rayonner les innovations et succès en agriculture et mise en marché de proximité », organisé par Équiterre les 2 et 3 décembre dernier. L’organisme qui est au cœur de la mise en marché des paniers biologiques, soulignait les 20 ans du réseau des fermiers de famille.

En effet, le dernier baromètre de la consommation responsable, publié en novembre par l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, indique que 70 % des Québécois achètent des produits de proximité et que les 65 ans et plus arrivent en tête de liste, suivis par les 18-25 ans, pour l’achat de produits alimentaires locaux, biologiques et issus du commerce équitable.

Complicité avec les clients

Le producteur biologique le plus connu au Québec, co-propriétaire de la ferme Les Jardins de la Grelinette de Saint-Armand en Montérégie, devenu une vedette mondiale à la suite de la publication en plusieurs langues de son best-seller « Le jardin-maraîcher », invite ses collègues à ne pas « faire l’erreur de s’asseoir sur leurs acquis».

« Ce contact avec nos clients, c’est ce qu’il faut continuer à cultiver. De plus en plus de gens recherchent la communauté, c’est un levier puissant », suggère-t-il comme seul moyen efficace de se différencier des grandes chaînes qui offriront une gamme complète de produits biologiques et locaux.

Le producteur-maraîcher rappelle que lui et les fermiers bio offrent plus que de la santé. « On vend aussi de l’occupation du territoire, le souci de l’écologie. On vend du sens. Il faut miser là-dessus ».

Le défi est d’autant plus important, complète Simon Huntley, co-fondateur du Small Farm Central e la région de Pittsburgh en Pennsylvanie que 50% de sa clientèle de paniers biologiques se désiste à la seconde année de participation.

« Nous devons être plus résilients, apprendre des pratiques des grandes entreprises qui viennent nous voler notre clientèle. Parler davantage à nos gens, ça fera toute la différence avec l’épicerie », appuie-t-il.

Projets alimentaires territoriaux

Une alimentation éthique et environnementale, mais surtout territoriale doit naître au Québec, tout comme elle aide les paysans en France, poursuit Denis Carel, membre fondateur de l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), lancée en 1999 et qui regroupe maintenant 7 000 producteurs, répartis dans toutes les régions françaises.

 « On constate que depuis 50 ans, les [soutiens financiers étatiques]ont été distribués presqu’exclusivement à l’agro-industriel. Nous, on donne accès à une alimentation de qualité pour tous, et nous établissons des contrats avec les communautés pour aider aussi les arts, l’artisanat, le commerce équitable. Nous travaillons aussi à la préservation des zones vertes autour des centres urbains », explique Denis Carel.

Il faut également augmenter la formation et le compagnonnage, renchérit Elisabeth Henderson, l’une des fondatrices des fermiers de famille aux États-Unis. La dame estime avoir beaucoup appris en travaillant dans des fermes du Japon, de la Suisse et de l’Allemagne, qui partagent les mêmes valeurs écologiques.

« L’enjeu est de créer un système de souveraineté alimentaire local basé sur l’agroécologie », propose Denis Carel.

Denise Proulx pour GaïaPresse

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