Macron et l’environnement : de belles promesses, un lourd passif

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Croissance « réfléchie », énergies renouvelables, recul du diesel… M. Macron s’est entretenu avec le WWF, annonçant les lignes de son programme sur l’environnement. Mais ce programme respire l’improvisation, alors que, ministre de l’Economie, il multipliait les mesures anti-environnement.

« Depuis la révolution industrielle, nous sommes en train de surconsommer la planète, mais aussi de la détruire. Or ce qui nous fait, c’est cette planète ; si nous perdons de vue ce qui nous rassemble, ce que nous allons léguer à nos enfants, nous trahissons ce que nous sommes. » Cette envolée lyrique n’est pas sortie de la bouche d’un militant écologiste convaincu, mais de celle d’Emmanuel Macron, leader du mouvement En Marche ! et candidat à l’élection présidentielle. Invité jeudi 9 février par le WWF à dévoiler son programme environnemental, l’ancien ministre de l’Economie a annoncé plusieurs mesures. Serait-il devenu écolo ? Assurément non, et son bilan de ministre de l’Economie ne plaide pas en sa faveur.

Si Emmanuel Macron a reconnu qu’actuellement, « la croissance n’est pas soutenable », il n’est pas question pour lui de renoncer au redressement de la courbe du PIB. Le candidat a dit croire en une croissance « choisie, réfléchie » même si l’on « ne peut pas créer, produire durablement si l’on ne voit pas qu’on surconsomme ».

Qu’il ait plaidé pour une croissance respectueuse de l’environnement semble étonnant au regard de sa « loi sur la croissance et l’activité » d’août 2015. L’ancien ministre de l’Economie, ouvertement néo-libéral, préconisait entre autres l’ouverture des commerces douze dimanches par an (contre cinq auparavant) et la création de zones touristiques internationales où les magasins peuvent ouvrir tous les dimanches et le soir jusqu’à minuit – une étrange manière de lutter contre la « surconsommation ».

Un décret de la loi Macron prévoyait aussi d’accorder des dérogations pour l’affichage publicitaire : panneaux de 50 mètres carrés dans les stades de plus de 15.000 places, panneaux scellés au sol dans les communes de moins de 10.000 habitants (interdits jusque-là), suppression des seuils relatifs à la luminosité et agrandissement des surfaces autorisées. M. Macron a finalement dû renoncer à toutes ces dispositions, sauf celle concernant les stades, sous la pression de la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal.

Energies renouvelables, extractivisme, nucléaire : un programme plein de contradictions

Emmanuel Macron a promis au WWF la fermeture des centrales à charbon françaises (au nombre de quatre). Il s’est également engagé à ne plus accorder de permis d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, oubliant qu’il avait cosigné avec Mme Royal, en septembre 2015, cinq arrêtés accordant trois permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures et en prolongeant deux autres. La ministre de l’Ecologie avait alors précisé au quotidien Le Monde que cette décision avait fait l’objet d’un « arbitrage ministériel au niveau de Matignon » car « Bercy voulait donner tous les permis, j’ai obtenu d’en bloquer quatre ».

Par ailleurs, M. Macron a assuré qu’il n’y aurait pas d’exploitation de gaz de schiste pendant son quinquennat… tout en se déclarant favorable à la poursuite de la « recherche théorique » sur les méthodes d’extraction « pour éviter que la recherche ne soit capturée par les groupes industriels mondiaux ».

Il a aussi souhaité « qu’on puisse avancer dans les projets de mines dans le cadre du projet “mines responsables” pour créer de l’emploi sans impact sur la biodiversité, sans rejets d’arsenic ». L’ancien ministre n’a jamais fait mystère de son intérêt pour l’industrie minière. En visite en Guyane en août 2015, il avait jugé que le projet de mine d’or à ciel ouvert Columbus Gold (une fosse de 2,3 kilomètres de de longueur, 800 mètres de largeur et 250 mètres de profondeur en pleine forêt primaire) «  [participait]pleinement au renouveau minier de la France ». Ce qui ne l’empêche pas d’afficher le souhait que « la biodiversité ultramarine soit protégée » et de prévoir d’organiser une grand conférence sur la biodiversité dans les Outre-Mer.

Se disant fidèle à la loi sur la transition énergétique (LTE), M. Macron s’est engagé à réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50 % en 2025 (contre 75 % environ aujourd’hui) et à porter à 32 % en 2030 la part des énergies renouvelables. Pour cela, il a annoncé qu’il publierait « la totalité du calendrier des appels d’offres pour les énergies renouvelables » dès le début de son quinquennat, qu’il garantirait 30 milliards d’euros d’investissements privés dans ce secteur et qu’il simplifierait les procédures d’autorisation pour les installations (éoliennes, méthaniseurs, etc.).

Le candidat s’est par ailleurs engagé à lancer un plan de rénovation énergétique des bâtiments. Objectif, un million de passoires énergétiques rénovées à l’issue de son quinquennat, complété de 300.000 logements supplémentaires par an dont le bilan énergétique est moins mauvais, mais dont les habitants bénéficieraient tout de même de subventions (non chiffrées et non financées par M. Macron).

Il a confirmé la fermeture de la centrale de Fessenheim – une promesse faite en 2012 par M. Hollande, dont M. Macron a été pendant quatre ans le conseiller puis le ministre. Le candidat d’En Marche ! a botté en touche concernant les autres centrales et s’est retranché derrière les futures décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire relatives à l’allongement de la durée de vie des réacteurs.

Une position incohérente, car s’il souhaite poursuivre les objectifs de la LTE comme il l’affirme, il n’est pas possible de concilier la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique, l’augmentation de la part des énergies renouvelables et la baisse de la consommation électrique prévue par cette loi (20 % en 2030 et 50 % en 2050 par rapport à 2012) sans fermer d’autres centrales. Or M. Macron a réaffirmé son attachement à l’industrie nucléaire. L’atome permet, selon lui, « une production d’électricité très peu carbonée » et qui « assure notre souveraineté énergétique même s’il reste des incertitudes sur la production de matières fissiles ».

Ministre de l’Economie, M. Macron avait soutenu à fond l’investissement d’EDF dans les deux EPR anglais d’Hinkley Point (évalués à 23,7 milliards d’euros, dont 16 milliards à charge de l’électricien français), malgré le désastre des chantiers de Flamanville (Manche) et Olkiluoto (Finlande). Il avait également glissé un amendement favorable au projet d’enfouissement des déchets radioactifs Cigéo à Bure (Meuse) dans sa loi – amendement qui a été censuré par le Conseil constitutionnel.

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Source : Reporterre

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