Île Brion : chasseurs, pêcheurs et groupes environnementaux réclament une gestion concertée des problématiques

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Dans un rare élan, des associations de chasseurs et de pêcheurs des Îles ainsi que des groupes environnementaux unissent leur voix pour lancer un message clair aux diverses instances gouvernementales. Tous s’entendent sur la nécessité d’agir rapidement et de façon concertée pour dénouer les nombreuses problématiques entourant l’Île Brion.

Pour ce faire, Québec et Ottawa devront déployer les efforts et les ressources nécessaires pour rapidement tisser des ponts avec la communauté des Îles et investir dans des solutions concrètes et désirées par le milieu.

Œuvrer pour une gestion durable de la chasse et de la pêche

La colonie de loups-marins à l’Île Brion semble avoir explosé au cours des dernières années, état de situation jugée nuisible aux activités de la pêche dans ce secteur. « Les conflits pêcheurs/phoques se multiplient à un rythme effarant. Ils brisent nos engins de pêche et mêlent nos bouées et cordage. Déjà qu’ils consomment de par leur nombre de grandes quantités de poissons, dont la morue, c’est doublement catastrophique pour nous. Nous avons besoin de mesures concrètes pour nous aider à gérer cette situation. Est-ce que les gouvernements vont s’engager à nous aider? Nous, on ne peut plus attendre », de dénoncer David Burke, président de l’Inshore Fishermen Association of the Magdalen Islands.

Même message de la part du président de la plus importante association de pêcheurs aux Îles, le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles : « Même les scientifiques le confirment : pas de retour de plusieurs espèces de poissons commerciaux dans le sud du Golfe sans une gestion adéquate des populations de phoque gris », souligne Charles Poirier, président de ce rassemblement.

Pour sa part, l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ) a déposé un projet de recherche scientifique auprès du gouvernement du Québec qui lui aurait permis de réaliser des prélèvements scientifiques encadrés dans un secteur restreint de la réserve écologique. Ce projet, qui a bénéficié de nombreux appuis de la communauté scientifique et de celle des Îles, a tout de même été rejeté par le gouvernement du Québec. Ce dernier a même poursuivi en cour plusieurs individus pour avoir chassé, selon leur version des faits, illégalement sur une réserve écologique.

« Notre association souhaite simplement collaborer pour permettre une chasse encadrée sur une partie limitée des plages de l’Île Brion, faite dans le respect de la fragilité du milieu et des activés humaines et qui viserait l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques nécessaire à une meilleure gestion de cette ressource », d’expliquer Gil Thériault, directeur de l’ACPIQ.

Mettre en valeur, rendre accessible et étudier l’Île Brion et la réserve écologique

Malgré les demandes répétées du milieu pour que des investissements soient faits à l’Île Brion afin de la mettre en valeur et la rendre accessible, cette réserve écologique aura été laissée à l’abandon par le gouvernement du Québec. La signalisation n’est plus visible car aucune tournée d’inspection n’y a été faite ces dernières années et il n’y a plus d’infrastructures qui permettent un accès sécuritaire. Plusieurs bâtiments historiques et de première nécessité indispensables comme lieux en cas d’urgence dans la section hors-réserve sont irrécupérables faute d’entretien et les sentiers sont rendus difficiles d’accès ou carrément impraticables. Un projet soumis en 2016 pour rénover les infrastructures, dans le contexte du renouvellement du programme éducatif, a malheureusement été refusé par Québec. Le programme éducatif développé par une sommité scientifique de l’écologie des Îles-de-la-Madeleine, la biologiste Lucie d’Amours, visait à rendre accessibles certains secteurs de la réserve écologique tout en assurant la sécurité des visiteurs et l’intégrité écologique du milieu. Devant la réponse tardive du gouvernement du Québec, considérée trop partielle et insuffisante pour assurer la sécurité des visiteurs, il a dû être abandonné.

Lucie d’Amours mentionne également que « les réserves écologiques sont reconnues comme des lieux exceptionnels pour y effectuer des activités de recherche et d’éducation relative à l’environnement. La création de la réserve écologique de l’Île Brion a été acceptée localement dans cette optique, bien présente dès ses débuts en 1988. Cette réserve et ses environs subissent en ce moment des modifications importantes du fait des changements climatiques et de l’érosion majeure qu’on y note, mais aussi de l’installation récente d’une importante colonie de phoques gris. Ne serait-il pas essentiel et indispensable que les autorités gouvernementales suscitent la participation de chercheurs afin de documenter comme il se doit ces phénomènes? Cela permettrait certes de mieux cerner les enjeux actuels et les solutions nécessaires pour préserver la biodiversité de ce milieu, en plein golfe du Saint-Laurent dont les ressources renouvelables sont à la base du mode et du niveau de vie de notre communauté. »

« La conciliation des activités humaines, de recherche et d’éducation s’arrime bien avec la conservation d’un espace naturel. Il importe d’établir nos modalités d’utilisation afin d’assurer un équilibre au sein de l’écosystème », de renchérir Véronique Déraspe, directrice de la Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine.

« Nous souhaitons que Québec démontre dès aujourd’hui sa capacité à gérer adéquatement la réserve écologique de l’Île Brion, en étroite collaboration et en respect de la communauté des Îles qui a contribué à développer ce projet. Pour les Madelinots, la désignation d’une aire protégée sur leur territoire était un projet porteur pour l’environnement et la communauté. Le désengagement du gouvernement constaté aujourd’hui suscite une grande déception dans le milieu. Il n’existe qu’une seule option : y remédier sans tarder », de commenter Danielle Giroux, chargée de projet en conservation et milieux marins à la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) et présidente d’Attention FragÎles.

Concilier activités humaines et conservation

Pour le Comité ZIP des Îles-de-la-Madeleine, « tout projet du genre doit impérativement être bâti avec les acteurs de la communauté, de façon innovante, intégrante, objective, transparente et surtout participative. Le golfe et ses ressources sont intimement liés au mode de vie de la communauté insulaire madelinienne, vaste et complexe écosystème qui supporte notre économie, nous nourrit en partie et fait naître un fort sentiment d’appartenance aux habitants de ce territoire. À ce stade-ci les craintes des citoyens sont légitimes envers une démarche méconnue qui les concerne », de conclure le président Louis Fournier.

La SNAP Québec offre son soutien à la communauté des Îles-de-la-Madeleine dans la recherche de solutions dans ce dossier complexe où une conciliation entre les activités humaines et les enjeux de conservation est nécessaire. « L’Île Brion est un joyau exceptionnel pour la communauté des Îles-de-la-Madeleine et pour le Québec entier. Une véritable solution est encore possible, mais il faudra collectivement faire preuve d’ouverture et de flexibilité pour y arriver. Avec une approche collaborative, nous pourrions atteindre une gestion de l’aire protégée qui serait à la fois meilleure pour sa conservation et pour les retombées économiques de la communauté », d’expliquer Alain Branchaud directeur général à la SNAP Québec.

Dans le contexte où des représentants gouvernementaux viendront aux Îles en juillet pour rencontrer des intervenants dans cet épineux dossier, nous souhaitons que le gouvernement du Québec s’engage à collaborer dans ce sens et qu’il travaille étroitement avec le gouvernement du Canada afin de développer des solutions au profit de la communauté des Îles.

Signataires

Association des chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ), Association des pêcheurs propriétaires des Îles-de-la-Madeleine (APPÎM), Attention FragÎles, Cape Dauphin Fisherman coop, Comité ZIP des Îles de-la-Madeleine, Inshore Fishermen Association of the Magdalen Islands, Lucie d’Amours, Regroupement des pêcheurs professionnels des Îles (RPPIM), Regroupement des pétoncliers et palangriers des Îles-de-la-Madeleine (RPPUM), Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles,  Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine.

Source : SNAP Québec

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