Une minière canadienne menace la forêt tropicale en Guyane

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AFP/Archives / JODY AMIET
Vue aérienne du fleuve Maroni, à proximité de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane français, le 14 novembre 2009

L’opposition grandit contre le plus grand projet d’extraction d’or primaire jamais proposé en France, porté par un consortium russo-canadien dans la forêt tropicale de la Guyane et pas encore autorisé par le gouvernement.

165.800 signatures ont déjà été recueillies par une pétition en ligne contre le projet “Montagne d’or”, prévu près de Saint-Laurent-du Maroni dans l’ouest guyanais, et détenu à 55% par le russe Nordgold et à 45% par le canadien Columbus gold. Il n’a pas encore reçu l’aval du gouvernement.

La pétition a été lancée en mars par le collectif guyanais “Or de question”, soutenu par 110 organisations nationales et internationales. “Il y a 150 ans que la Guyane a eu une histoire d’amour avec l’or, mais il faut que cela cesse. Ce ne sont pas les meilleures orientations économiques pour la Guyane”, a expliqué à l’AFP Nora Stephenson, porte-parole du collectif.

Treize chefs coutumiers de Guyane se sont déclarés contre ce projet industriel inédit évoqué pour 2022. “Au nom de l’économie, vous êtes prêts à écraser une nouvelle génération”, a déploré début août Bénédicte Fdjéké, présidente des chefs coutumiers.

“Faire des trous partout, dans le sol qui nous nourrit, c’est une mauvaise chose”, a aussi jugé Christophe Pierre, leader du collectif “Jeunesse autochtone”, lors d’une réunion publique fin juillet.

“Montagne d’or” est “hors normes par ses aspects économiques”, les “empreintes spatiale et écologique sont de dimensions inconnues en France” avise “une note d’information” interministérielle de février 2016, obtenue par l’AFP. Selon cette note, les taxes associées à la production minière représenteraient “80,6 millions d’euros” et celles à l’importation “325,5 millions d’euros”.

Les industriels qui prévoient d’extraire “6,7 tonnes” d’or par an pendant “douze ans”, soit une valeur estimée à plus de 3 milliards d’euros, souhaitent un débat public resserré. “Après consultation des élus locaux, tout le monde est pour un débat qui serait guyanais”, a affirmé à l’AFP le représentant des industriels, Rock Lefrançois.

32 Stades Olympiques

Il a saisi la commission nationale de débat public (CNDP) pour lui demander d’organiser un débat local. Début juillet, la CNDP a rejeté la demande en l’état, au motif que les coûts initiaux du projet sont flous et considérant “l’importance considérable des enjeux sociaux, économiques et environnementaux”. La Compagnie Minière Montagne d’Or a annoncé qu’elle organiserait un débat “au cours du quatrième trimestre” avec “le public directement concerné” par le projet.

Si le projet est validé par le gouvernement après enquête publique, les miniers creuseront en pleine forêt tropicale une fosse équivalent à 32 stades Olympiques.

Les opposants dénoncent la proximité du site avec des massifs à haute biodiversité dont la plus vaste réserve biologique intégrale de France.

Ils s’inquiètent aussi des déchets: le déblai entraînera la création artificielle et permanente de deux dômes de roches de 100 mètres de haut et d’un mont endigué de 70 m de haut renfermant selon les industriels “54 millions de tonnes” de boues issues du processus pour détacher l’or de la roche avec du cyanure.

Face aux craintes environnementales dans un territoire caractérisé par des retards structurels notamment en gestion et prévention des pollutions, Rock Lefrançois précise que des “forages” “surveilleront les eaux souterraines pour voir s’il y a des traces ou des niveaux élevés de certains métaux” libérés par la roches à nu ou par les traitements physico-chimiques pour récupérer l’or. “Les forages resteront sur site pendant cinq ans après la fermeture, ensuite il y aura un suivi environnemental sur 30 ans”, assure-t-il.

“Le drainage minier acide peut durer des centaines d’années, c’est très difficile à maîtriser et ça coûte cher”‘, rétorque Thibault Saint-Aubin, de l’association Ingénieurs sans frontières-système extractifs, soutien de “Or de question”.

Pour fonctionner, la mine demandera aussi des investissements publics importants (routes, énergie, port, exonérations), dans ce territoire où 15% des foyers du littoral et 30% des foyers de l’intérieur n’ont pas accès à l’électricité.

Source : AFP

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