Retrouver nos rivières cachées

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Photo: Andrew Emond. La seule portion visible de la rivière St-Pierre court à l’air libre sur 150 m dans un golf, près de Côte-Saint-Luc

Par Marine Corniou,

Le projet Bleue Montréal vise à ramener l’eau au cœur du paysage urbain, en exhumant des ruisseaux enfouis depuis plus d’un siècle.

Mai 1642. Paul Chomedey de Maisonneuve, Jeanne Mance et une quarantaine de colons débarquent sur l’île de Montréal pour y fonder Ville-Marie. Ils érigent leur palissade sur l’actuelle pointe à Callière, là où la petite rivière Saint-Pierre se jette dans le Saint-Laurent. Difficile, près de quatre siècles plus tard, d’imaginer que de l’eau coulait à la place du bitume de la place d’Youville…

La rivière Saint-Pierre n’est pas la seule à avoir été rayée des cartes montréalaises. Qui se souvient des ruisseaux Prudhomme, Notre-Dame-des-Neiges ou Migeon, qui serpentaient autrefois dans la ville ? Ou même de la rivière Saint-Martin qui coulait le long de l’actuelle rue Saint-Antoine, dans le Vieux-Montréal ?

Depuis 150 ans, l’urbanisation a fait disparaître 82 % des cours d’eau de Mont-réal, selon une étude réalisée en 2016 par Valérie Mahaut, professeure à l’École d’architecture de la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal.

Pour retracer ces rivières perdues, la chercheuse, avec l’aide de son équipe, a consulté plus d’une centaine de cartes historiques originales. Au total, elle a repéré 330 km de ruisseaux « natifs » qui ont été enterrés ou intégrés au fil des ans au réseau d’égout.

Les rivières cachées de Montréal

Le but de cette enquête ? Mieux gérer à terme les eaux de ruissellement en ville, mais aussi, peut-être, ramener à la surface certains de ces trésors enfouis. C’est du moins ce qu’espère Sophie Paradis, directrice pour le Québec du Fonds mondial pour la nature (WWF), qui s’est inspirée des cartes de Valérie Mahaut pour mettre sur pied le projet Bleue Montréal. « L’idée est de redonner aux citoyens un accès à l’eau, en exhumant des rivières enfouies et en créant de nouvelles rivières urbaines, explique-t-elle. C’est ce qu’on appelle le daylighting. » Littéralement, « révéler à la lumière du jour ».

Lancé il y a quelques mois, Bleue Montréal n’est encore qu’un rêve : « Pour l’instant nous avons sélectionné cinq arrondissements où des projets pourraient être réalisés, si les élus le veulent. On les a choisis en fonction des parcs, des ruelles vertes, des rivières déjà existantes et en privilégiant des secteurs en réaménagement, où des travaux de la ville sont déjà planifiés, indique Mme Paradis. On pourrait par exemple commencer par exhumer la rivière qui coule sous le parc Jarry. » Le WWF, qui bénéficie du soutien technique de la firme Vinci consultants, espère qu’un premier ruisseau retournera à l’air libre d’ici 2020. De quoi « sublimer » le quartier choisi, estime Sophie Paradis.

Il faut dire que Montréal a beau être une île, l’eau y est absente du quotidien. « Les citoyens sont même privés de l’accès au fleuve, sauf dans de rares quartiers comme Verdun », regrette Mme Paradis.

C’est pourtant au nom du bien public que les cours d’eau ont été éliminés, comme dans la quasi-totalité des métropoles d’Europe et d’Amérique du Nord. En effet, au XIXe siècle, avec l’accroissement de la population urbaine, les ruisseaux deviennent des égouts à ciel ouvert. Ils recueillent tous les déchets ménagers, les rejets toxiques des tanneurs et des teinturiers, les cadavres d’animaux et, bien sûr, les excréments. L’air est irrespirable; les épidémies de choléra et de typhus se succèdent. Il faut assainir d’urgence.

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Source : Québec Science

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