Comment le savoir autochtone fait progresser la science et la technologie modernes

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Par Jesse Popp
Tout au cours de l’histoire, les peuples autochtones ont été responsables du développement de nombreuses technologies et ont grandement contribué à la science. La science est la poursuite de la connaissance. Les approches pour rassembler ces connaissances sont reliées à la culture. La science autochtone intègre les connaissances traditionnelles et les perspectives autochtones, tandis que les approches scientifiques non autochtones sont généralement reconnues comme des sciences occidentales. Ensemble, elles contribuent considérablement à la science moderne.

Bien que la valeur de l’intégration de la science autochtone à la science occidentale ait été reconnue, nous avons à peine commencé à prendre conscience de ses avantages.

Les perspectives autochtones sont holistiques et fondées sur l’interdépendance, la réciprocité et le plus profond respect de la nature. Les approches et les perspectives scientifiques occidentales et autochtones ont chacune leurs points forts et peuvent grandement se compléter les unes les autres.

En tant que scientifique autochtone me spécialisant à combiner les connaissances écologiques traditionnelles et la recherche en écologie faunique, j’ai trouvé de nombreux exemples où un appariement des deux approches a donné lieu à d’excellentes contributions à la science moderne.

Aliments et médicaments d’origine autochtone

Pendant des siècles, la vie des peuples autochtones dépendait de leur connaissance de l’environnement. De nombreuses espèces végétales – y compris les trois cinquièmes des cultures actuellement cultivées et appréciées dans le monde entier – ont été domestiquées par les peuples autochtones d’Amérique du Nord, centrale et du Sud. Le maïs, la courge, les haricots, les pommes de terre et les poivrons ne sont que quelques exemples d’aliments qui contribuent largement à la cuisine mondiale!

Les connaissances autochtones sur les propriétés médicinales des plantes ont joué un rôle déterminant dans le développement pharmacologique. Par exemple, lorsque les colons sont arrivés en Amérique du Nord, les Autochtones les ont aidés à guérir du scorbut, qui mettait leur vie en péril, grâce à des toniques à base d’aiguilles de conifère riches en vitamine C.

L’ingrédient actif de l’analgésique Aspirine, l’acide acétylsalicylique, a été découvert par des Autochtones qui utilisaient l’écorce du saule. Les propriétés des plantes médicinales sont encore reconnues à ce jour – en particulier dans les écosystèmes tropicaux – car les peuples autochtones partagent leurs connaissances.

De la technologie aux connaissances écologiques traditionnelles (CET)

Des innovations technologiques telles que le canoë, le kayak, le toboggan ou la raquette ont facilité les déplacements et les transports et ont rapidement été adaptées par les colons européens.

Les peuples autochtones, avec leurs décennies d’expérience personnelle combinée à celle de leurs ancêtres, possèdent de vastes connaissances sur l’environnement et les relations écologiques qui s’y trouvent. Il existe d’énormes possibilités où ces connaissances peuvent contribuer à la science moderne et à la gestion des ressources naturelles.

Le savoir autochtone, également appelé “connaissances écologiques traditionnelles” (CET), est essentiellement le corpus cumulatif des connaissances associées aux relations écologiques, transmises de génération en génération par les peuples autochtones.

Les CET ont déjà fourni des informations sur les changements environnementaux, la surveillance des populations fauniques, les pratiques d’exploitation durable, l’écologie comportementale, les relations écologiques et bien plus encore.

Les observations des Inuits ont révélé plusieurs changements environnementaux importants dans l’Arctique en raison des changements climatiques, et leurs connaissances sur le comportement des baleines boréales ont aidé les chercheurs à réviser leurs méthodes d’enquête pour améliorer les estimations de la taille de la population.

Les aînés de la Première nation Heiltsuk en Colombie-Britannique ont reconnu deux types de loups – côtiers et terrestres – qui n’étaient pas documentés par les méthodes scientifiques occidentales. Avec une telle valeur ajoutée démontrée pour seulement quelques exemples, imaginez comment les CET pourront apporter à la science!

Les CET continuent à complémenter la science occidentale. À la lumière du déclin récent de la population d’orignaux en Amérique du Nord, ma propre recherche vise à intégrer les connaissances autochtones pour aider à identifier les facteurs qui pourraient être responsables de ce déclin.

L’éducation autochtone est essentielle

Malgré la valeur reconnue des perspectives et des connaissances autochtones, il y a peu de chercheurs autochtones. Les chercheurs spécialisés en science autochtone peuvent offrir du mentorat et servir de modèles pour les autochtones qui étudient en science ou qui projettent de le faire.

En encourageant le recrutement de chercheurs scientifiques autochtones, les travaux de recherche à venir, incorporant des perspectives autochtones, pourraient ouvrir la voie à la promotion d’approches scientifiques culturellement inclusives.

De nombreuses espèces sauvages sont en péril à travers la planète, et il est plus important que jamais de s’engager dans des initiatives de gestion coopérative qui englobent la science autochtone. Des collaborations deviennent de plus en plus courantes. Par exemple, le gouvernement canadien incorpore des connaissances écologiques traditionnelles dans l’évaluation des espèces en péril. Le Réseau mondial des sciences autochtones (Worldwide Indigenous Science Network – WISN) assure la prise en considération des CET pour aider à solutionner les problèmes écologiques les plus urgents.

Article originalement publié dans ‘The Conversation’. Traduction et re-publication autorisées par Jesse Popp.

Au sujet de l’auteur:
Jesse Popp travaille pour le Anishinabek/Ontario Fisheries Resource Center et est Professeur adjointe à l’Université Laurentienne.

 

 

Pour en savoir plus (références en anglais):

  • Indian Givers : How Native Americans Transformed the World, par Jack Weatherford, Broadway Books, 2010.
  • Indigenous Kowledge, Ecology and Evolutionary Biology, par Raymond Pierotti, Routledge, 2011.
  • “What tradition teaches: Indigenous knowledge complements western wildlife science’, par Paige M. Schmidt et Heather K, Stricker, USDA National Wildlife Research Center – Staff Publications, 2010.

 

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