Au Brésil, c’est maintenant l’armée qui s’occupe de l’environnement

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Par Silvana Conte pour le média environnemental français Reporterre

Police militaire de Sao Paulo, passage de commandement en 2015 Photo : Tecnodefesa

Des postes clés du ministère de l’Environnement brésilien sont dorénavant occupés par des militaires. Ces nominations vont de pair avec des restrictions budgétaires et des restructurations. Les peuples autochtones se mobilisent, soutenus par des scientifiques et des universitaires.

  • São Paulo (Brésil), correspondance

Lors d’un événement tenu le 13 avril à Rio Grande do Sul, le ministre de l’Environnement brésilien, Ricardo Salles, a menacé de poursuivre et de punir les fonctionnaires de l’Institut Chico Mendes de conservation de la biodiversité (ICMBio) qui étaient absents à cet événement. Depuis, le ministère de l’Environnement est confronté à une vague de démissions, de mises à pied des cadres dirigeants et à leur remplacement. Et face aux menaces proférées par le ministre Ricardo Salles, le président de l’ICMBio, Adalberto Eberhard, a démissionné. À la suite du départ d’Eberhard, deux directeurs — Luiz Felipe de Luca et Gabriel Henrique — et le président suppléant d’ICMBio — Régis Pinto de Lima — ont démissionné de leurs fonctions le 24 avril.

Le 24 également ont été publiées dans le Journal officiel les démissions de trois cadres du ministère de l’Environnement. Parmi eux, Fernando dos Santos Weber, qui dirigeait depuis janvier 2017 l’unité de l’ICMBio à Lagoa do Peixe de Mostardas, dans le Rio Grande do Sul, Raiane de Melo Viana et Rafael Pereira Pinto, cadres de la zone de protection environnementale Cavernas de Peruaçu, à Minas Gerais.

« Mettre fin au cadre idéologique du secteur dirigé par des ONG et des entités qui s’occupent de l’environnement »

Jair Bolsonaro salue les généraux, le 5 avril 2019. Photo : Antonio Cruz/Agência Brasil

Le ministre Ricardo Salles n’a pas souhaité commenter les démissions et les mises à pied. Il a remercié sur Twitter les anciens directeurs de l’ICMBio et y a annoncé les noms de leurs remplaçants, tous des officiers de la police militaire de São Paulo : le colonel Fernando Lorencini, le lieutenant-colonel Marcos Simonovic, le major Marcos Aurélio Venâncio et le colonel Marcos José Pereira. Le nom du remplaçant de Fernando Weber n’a pas encore été dévoilé et les rumeurs disent qu’il sera remplacé par quelqu’un du monde de l’agroalimentaire. Quant au président de l’ICMBio, Il a été remplacé par le colonel Homero de Giorge Cerqueira.

Le ministre de l’Environnement, Ricardo Salles, le 10 avril 2019. Photo : José Cruz/Agência Brasil

Les mises à pied et les démissions au sein du ministère de l’Environnement ne sont pas des faits nouveaux. Le gouvernement a récemment renvoyé le fonctionnaire qui avait infligé une amende au président Jair Bolsonaro pour avoir pêché dans une zone protégée en 2012.

Le processus de militarisation du secteur environnemental du gouvernement est sous la direction du président Jair Bolsonaro lui-même et mis en place par le ministre Ricardo Salles. L’objectif est, selon Bolsonaro, de « mettre fin au cadre idéologique du secteur, dirigé par des ONG et des entités qui s’occupent de l’environnement ». Le président Bolsonaro a également déclaré à propos des cadres responsables de l’Ibama [1] : « Nous allons remplacer ce genre de personnes. »

Le ministère de l’Environnement a imposé à l’Ibama et à ICMBio la loi du silence. Toute demande d’information qui leur est faite sur les domaines qu’ils couvrent doit être transmise au ministère.

L’objectif du gouvernement est d’axer la politique environnementale sur les villes et de laisser la zone rurale « libre ». Le 13 avril, le président a refusé l’inspection de l’Ibama dans la forêt nationale de Jamari, à Rondônia, alors qu’elle est l’une des dix forêts avoir été les plus déboisées en mars, selon les données de l’Imazon.

À l’agenda de la semaine prochaine, le gouvernement a prévu de discuter de deux projets : le premier autorisera les producteurs ruraux à posséder une arme à feu et le second prévoit la fusion de l’Ibama et de l’ICMBio.

Mobilisation des indigènes

Entretemps, le ministre de l’Environnement, Ricardo Salles, a ordonné la réduction de 24 % du budget annuel de l’Ibama, soit un trimestre des dépenses prévues pour 2019. Le budget de l’ICMBio, responsable des unités de conservation forestière du pays, sera lui aussi réduit prochainement. Questionné sur ces réductions budgétaires, le ministre Ricardo Salles n’a pas souhaité faire de déclaration.

Des tracteurs utilisés pour l’exploitation forestière illégale sur les terres indigènes Manoki saisis par Ibama, en mai 2016. Photo : Marcelo Camargo/Agência Brasil

Le Campement Terre Livre (ATL), la plus grande organisation des peuples autochtones du Brésil, a manifesté le 24 avril à Brasilia contre le gouvernement. Près de 4.000 indigènes étaient présents lors du rassemblement. Indignés par les récurrentes offenses proférées à leur égard par le président Jair Bolsonaro, les indigènes, soutenus par plusieurs institutions scientifiques et universitaires, ont été reçus par le Tribunal fédéral suprême (STF), qui leur a promis d’étudier les questions concernant la démarcation des terres indigènes.

Au Congrès, les leaders indigènes ont participé à des audiences publiques et ont été reçus par les présidents de la Chambre des députés, Rodrigo Maia, et du Sénat, Davi Alcolumbre. Les deux ont déclaré qu’ils « soutiennent la restauration de la compétence de la Funai [la Fondation nationale de l’Indienen matière de démarcation des terres autochtones et son retour au ministère de la Justice ».

Les institutions scientifiques et universitaires continuent de se mobiliser contre les réformes du secteur de l’environnement et la régression de la politique gouvernementale en la matière. Une manifestation est prévue les 8 et 9 mai à Brasilia.

[1L’Instituto Brasileiro do Meio Ambiente e dos Recursos Naturais Renováveis, l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables, est la branche administrative du ministère de l’Environnement.

Ce texte a été publié par le média environnemental français Reporterre, avec qui GaïaPresse collabore.

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