Quand santé rime avec solidarités. Le printemps est arrivé, prévoyez vos paniers pleins de santé pour la saison d'été

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Par Marie-Andrée Devynck
Chercheure en sociologie de l’environnement


 

Vous souhaitez manger  plus sainement, acheter des aliments bio ?  Sachez que la période  d’inscription pour être partenaire d’une ferme biologique en agriculture soutenue par la communauté (ASC) est entamée depuis début mars.  Un peu partout dans le monde émerge une agriculture de proximité favorisant les circuits courts de distribution et heureusement pour nous, le Québec suit cette vague d’intérêt. Le réseau ASC d’Équiterre, mis sur pied il y a 12 ans, compte cette année 99 fermes ;  de nombreux marchés publics se sont installés dans la majorité des MRC du Québec.  L’idée des ASC est une histoire qui a débuté il y a 40 ans au Japon, alors que des mères de famille soucieuses de l’alimentation et de la santé de leurs enfants sont allées voir des agriculteurs pour leur demander de produire des aliments sans pesticides. Ce mouvement s’est nommé «Teikei». Depuis, ces expériences se sont propagées dans plusieurs pays : Community Supported Agriculture (CSA) aux États-Unis, Réciproquo au Portugal, association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) en France, ASC au Québec. Ces fermiers de famille, comme on les appelle ici, reçoivent un juste prix pour les aliments qu’ils vendent directement aux consommateurs. Sans intermédiaire, la totalité du prix du panier revient à l’agriculteur. Selon une étude d’Équiterre, pour chaque dollar de revenus en ASC : 0, 45$ sont consacrés au salaire alors qu’en moyenne dans les autres modes de distribution au Québec cette proportion équivaut à 0, 12 $.  


D’une consommation santé à une consommation responsable

Notre alimentation moderne est de plus en plus sujette à la pollution alimentaire dont les diverses substances auraient des effets nocifs sur la santé humaine.  Ces substances incorporées à notre alimentation comportent les additifs alimentaires,  les produits administrés aux animaux et aux végétaux (hormones de croissance, antibiotiques et  pesticides).  Certaines publications dans les milieux médicaux et agronomes soulignent que les aliments biologiques  sont moins carencés en vitamines et en minéraux, leurs modes de production sont plus respectueux des sols, ont des effets bénéfiques pour la santé de la population et celle des écosystèmes. 
Or on constate depuis quelques années au Québec un souci croissant pour l’alimentation, notamment par l’émergence d’agro-alternatives, l’augmentation des produits du terroir et la demande en hausse des consommateurs pour les produits biologiques. La filière  biologique a  le vent en poupe au Québec : 1157 entreprises étaient certifiées ou en pré-certification en 2006, la moitié d’entre elles serait en production végétale.1 Équiterre mène également des campagnes favorisant les repas bio pour  44 garderies en 2006 dans neuf régions du Québec et dernièrement, elle réclamait la mise en place d’un programme d’alimentation institutionnelle responsable auprès des écoles et des hôpitaux. 
 
D’ailleurs, le comportement alimentaire des ménages québécois a changé.  Si le poste budgétaire «alimentation» ne constitue plus la première dépense de consommation, globalement, la consommation de fruits et légumes frais a augmenté. Cette modification des habitudes alimentaires estattribuable sans doute d’une part, aux campagnes du guide alimentaire canadien invitant à consommer cinq à dix portions de légumes par jour pour un bon équilibre alimentaire, d’autre part à la possibilité de recevoir chaque semaine des légumes et fruits de saison, frais et biologiques du Québec, accessibles aux 341 points de livraison dans 13 régions québécoises.  
Il y a plus. Dans ces temps d’inquiétude alimentaire depuis la fin des années 90, un bon nombre de personnes ont ajouté aux trois principes de consommation : besoin, plaisir, désir, un quatrième élément, celui de responsabilité. Si une des motivations initiales des partenaires de paniers demeure de consommer des aliments sains et nutritifs, l’autre motivation reste de consommer local. Par ces choix, l’acte de consommer s’associe à une volonté consciente de limiter les coûts énergétiques et de permettre aux petites fermes d’exister. Nous pouvons donc  parler de consommation responsable.
Paradoxalement,, en moyenne,  deux fermes disparaissent chaque jour pendant qu’ un aliment parcourt près de  2500 km entre son lieu de production et notre assiette. Et, dans son livre : « Pétrole apocalypse» Yves Cochet annonce l’effondrement du système agroalimentaire et la possible extinction des grandes chaînes de distribution, conséquemment  à la montée en flèche des prix de l’énergie. Soyons nous aussi visionnaires : si nous ne faisons pas preuve davantage de conscientisation durant la décennie 2010-2020, nous risquons de compromettre notre système d’approvisionnement et notre sécurité alimentaire.
 
Au Québec, les audiences génériques du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le développement durable et la production porcine (2003), la Commission parlementaire sur les enjeux de la sécurité alimentaire (2004) et la Commission sur l’agriculture et l’agroalimentaire qui parcourt le Québec depuis janvier 2007, témoignent à la fois du sentiment d’insécurité croissant de la population ainsi que certains élus et invitent le système agroalimentaire productiviste à s’orienter vers une approche plus écologique. 

 

Construire des écorégions

Roméo Bouchard au Québec, Emmanuel Bailly tout comme Yves Cochet en France questionnent l’urgente nécessité de retrouver une production locale avec un véritable projet d’occupation du territoire, d’autant que la crise climatique et énergétique accentue la vulnérabilité de notre approvisionnement. Ainsi selon le calcul de l’indice de souveraineté alimentaire, plus de la moitié des régions françaises ne peuvent répondre aux besoins locaux. Emmanuel Bailly considère que l’épuisement des ressources et l’élévation du rythme de la consommation mondiale des hydrocarbures, devraient amener les régions européennes à anticiper en construisant un modèle agrobiologique multifonctionnel inscrit dans une politique agricole communautaire fondée sur le concept d’écorégion. En ce sens, les AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) tout comme l’ASC ne sont-ils pas un premier jalon posés pour tenter de construire ces écorégions ? En proposant un schéma agro-environnemental qui permette à l’individu d’aménager son espace territorial de manière participative,  chaque région pourrait ainsi redynamiser son tissu local et assurer sa sécurité alimentaire. 

Choisir de faire affaire directement avec une ferme biologique, c’est choisir de passer immédiatement à l’action ! 


Par Marie-Andrée Devynck
Chercheure en sociologie de l’environnement

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