La fin du Western Climate Initiative (WCI)?

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Par Me Alain Brophy, LL.M.
Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l.



Mots clés : Western Climate Initiative, Obama, système d’échange de droits d’émission, États-Unis, Canada.

Le premier budget fédéral des États-Unis depuis l’élection des Démocrates a été déposé à la fin de février 2009 pour une analyse par le Congrès. Ce budget exprime l’intention du Président Barack Obama de mettre en place, dès 2012, un système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre de type plafonds-échanges (cap-and-trade) applicable par l’entremise d’une législation fédérale. Les premiers projets de loi à cet effet devraient être soumis aux comités du Congrès dès cette année.

C’est par un système d’enchères que se ferait la distribution des droits d’émission de CO2. L’objectif avoué est que les sommes recueillies serviraient à financer la recherche et l’utilisation d’énergies renouvelables ou le développement de technologies plus propres. Des élus républicains ont déjà annoncé leur désaccord avec le projet de marché du carbone, tel que présenté. Selon l’analyse de certains, ce budget semble implicitement proposer un prix de départ d’environ 13 $ la tonne d’équivalent-dioxyde de carbone (CO2e).

Si le gouvernement fédéral américain réussi à imposer un plafond et un système d’échange de droits d’émission fédéral applicable à travers les États-Unis, voire fonctionnel partout en Amérique du Nord, qu’adviendra-t-il alors des autres marchés du carbone et initiatives nord-américaines comme le Western Climate Initiative (WCI)?

Le WCI


Même si le sujet n’a pas nécessairement été abordé publiquement depuis l’élection du Président Obama, plusieurs s’interrogent sur l’avenir du WCI. L’actuel Western Climate Initiative regroupe 11 participants parmi lesquels on retrouve des États du sud-ouest américain et les provinces canadiennes du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et de la Colombie-Britannique, ainsi que 13 observateurs parmi des États américains et mexicains et une province canadienne (Saskatchewan).

Les participants au WCI travaillent présentement à l’élaboration d’un marché du carbone aussi de type plafonds-échanges (cap-and-trade), dont un premier modèle assez détaillé a été soumis pour commentaires dès septembre 2008. Ce système d’échange de droits d’émission doit être mis en oeuvre pour 2012 et vise les 6 gaz à effet de serre suivants : dioxyde de carbone (C02), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbones (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC) et l’hexafluorure de soufre (SF6).

Le système s’appliquera en deux périodes de conformité (2012 – 2014; et 2015 – 2020). La première période vise essentiellement les émissions provenant de la production d’électricité, les émissions émanant des installations industrielles et commerciales et des procédés liés au pétrole et au gaz naturel. Pour la deuxième période, les participants incluront notamment les émissions provenant de la combustion de carburants dans les secteurs résidentiels, commerciaux, industriels et du transport.

L’état de l’avancement des travaux pour la mise en vigueur du système et les prochaines étapes à suivre pour la création du système sont entièrement divulgués aux acteurs impliqués ainsi qu’au public en général. En effet, sur le site Web du WCI, toutes les démarches à venir sont exposées, toutes les réunions des différents comités sont affichées de même que les comptes rendus de ces rencontres. Enfin, tout acteur intéressé est invité à commenter les travaux actuels. On observe une démarche transparente et accessible.

La survie du WCI


Certains États observateurs au WCI ont déclaré vouloir attendre la présentation du système fédéral américain avant d’y participer, tandis que des États participants comme l’Arizona ont déclaré continuer les efforts quant à la création dudit système.

Il est difficile de prévoir si le WCI survivra à un système fédéral américain. Néanmoins, il y a tout de même des éléments à prendre en considération avant de prendre position dans un débat qui ne sera tranché que par l’évolution politique aux États-Unis.

Dans un premier temps, il faut savoir que les travaux actuels du WCI enregistrent  une bonne longueur d’avance sur le système fédéral américain, toujours hypothétique. En effet, dans un contexte où tous les participants ont le même objectif, on observe à l’analyse des travaux, l’existence d’une structure légale déjà bien établie avec des échéanciers précis. A contrario, le système fédéral actuellement proposé par les Démocrates fera face à de fortes pressions politiques contraires, ce qui devrait compliquer le processus de détermination des différentes composantes, en plus de ralentir l’organisation de la logistique pour sa mise en oeuvre dans tous les États américains.

Aussi, il faut considérer que la plupart des systèmes d’échange de permis d’émission permettent que des groupes de participants puissent se regrouper au sein d’une structure différente de celle proposée, si les normes de réduction sont les mêmes ou plus sévères dans un tel autre système. Par exemple, la création de la bulle  européenne en 2005 dans le cadre du Protocole de Kyoto a permis aux États membres de l’Union Européenne (UE) d’assumer conjointement une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre en se distribuant des cibles de réduction différente que celle proposée par le Protocole de Kyoto, le tout en respect des compétences législatives établies pour les fins de l’UE.

Dans un tel cas, il faut s’assurer que les deux structures de système soient compatibles afin de permettre l’échange de droits d’émissions entre les participants des deux systèmes.

À cet effet, notons que le premier projet de structure du WCI de septembre 2008 indiquait que le programme peut « s’intégrer à des programmes existants ou être mis en œuvre conjointement avec des programmes que pourraient élaborer les gouvernements fédéraux des États-Unis et du Canada ». Il serait dès lors surprenant que le gouvernement fédéral américain refuse d’emblée de créer un marché du carbone qui pourrait intégrer le système WCI, ou du moins, s’en inspirer fortement.

Les efforts consentis par certains États américains et provinces canadiennes pour lancer un système d’échange d’émission de CO2 pourraient finalement devenir un canevas de travail inspirant et/ou une porte de sortie pour l’administration Obama, si son projet fédéral est paralysé par une opposition rigide de la part des élus républicains.



Par Me Alain Brophy, LL.M.

Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l.


Me Alain Brophy est membre du Barreau du Québec depuis 2002 et pratique au sein de l’étude Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l. principalement en droit civil, commercial et transactionnel. Détenteur d’une maîtrise en droit, ses travaux académiques et publications ont surtout été orientés sur les systèmes d’échange de droits d’émission dans le cadre de régulation environnementale.


Pour plus de détails, du même auteur :

Sur les systèmes de crédits compensatoires :

 « Le Système canadien de crédits compensatoires et le Mécanisme pour un Développement Propre du Protocole de Kyoto », dans les Développements récents en droit de l’environnement 2009, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2009


Sur les systèmes d’échange de droits d’émission :
L’efficacité des systèmes d’échange de droits d’émission – Des enjeux juridiques, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2007

Sur le cadre règlementaire fédéral proposé :
« The Canadian Regulatory Framework for Carbon Trading : Sailing Away from Consensus while waiting for the U.S. Federal Scheme », dans Carbon & Climate Law Review, 2/2008, Lexxion, 2008.


Sur les dispositions environnementales de l’ALENA :
« ALÉNA, ANACDE et Environnement : 10 ans plus tard », dans les Développements Récents en droit de l’environnement 2006 (Barreau du Québec), Les Éditions Yvon Blais Inc., 2006.

 

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