Québec dépose un premier projet de loi

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Par Me Alain Brophy, LL.M.
Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l.


 

Mots clés : plafonnement et échange de droit d’émission de GES, Western Climate Initiative (WCI), marché du carbone, Table Ronde Nationale sur l’Environnement et l’Économie (TRNEE)

Le 12 mai 2009, Madame la Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Line Beauchamp, a déposé le projet de loi numéro 42 (première session, 39e législature) intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement et d’autres dispositions législatives en matière de changements climatiques. Il s’agit d’une première étape vers la création d’un système provincial de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre. N’oublions pas que les provinces de l’Ontario et du Québec, étant membres du Western Climate Initiative (ci-après WCI), ont signé en 2008, un accord pour la création d’un marché du carbone commun et que l’Ontario a récemment annoncé la création de son propre système d’échange de droits d’émission.

Le Québec et sa voisine ontarienne semblent donc bel et bien engagés en faveur de la création d’un tel système. Malgré le fait que le présent projet de loi québécois peut être modifié d’ici son adoption, il est intéressant d’en évaluer le contenu général (le présent texte n’étant pas une opinion juridique).

Des dispositions habilitantes nécessaires

Comme le titre l’indique, il s’agit d’une modification à la Loi sur la Qualité de l’Environnement, adoptée par le Québec en 1972. Les articles ajoutés, si le projet de loi est sanctionné, permettraient alors au Ministre (du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs), par la voie de règlements et/ou par décrets, selon le cas, de déterminer les modalités précises d’un système d’échange de droits d’émission qui est mis en place par ce projet de loi. Certaines étapes législatives attendent le présent projet, notamment une session parlementaire, avant sa sanction et sa mise en vigueur même si on ne prévoit pas, a priori, d’opposition politique à ce projet de loi.

Les modalités précises du système n’étant pas divulguées, le projet propose néanmoins des pistes quant à la structure du système qui serait mis en oeuvre (sous réserve de modifications). Ces modalités générales s’inscrivent dans le cadre proposé par les membres du WCI en 2008.

Notamment, le système viserait les six gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6) ; la création d’un registre public des émissions; l’octroi de crédits compensatoires dans le cadre d’activités de réduction ; l’allocation de crédits pour réductions hâtives pour des réductions qui ont été effectuées avant la mise en vigueur du système. Le ministre pourrait suspendre, reprendre ou annuler tout droit d’émission qu’il a accordé. Toute somme perçue par l’entremise du système serait versé au Fonds vert créé en vertu de la Loi sur le ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs. Enfin, on prévoit la possibilité pour le Ministre de conclure une entente avec d’autres juridictions afin d’intégrer ou de réaliser l’harmonisation avec un autre régime de plafonnement et d’échange de droits d’émission.

L’unification canadienne du prix du carbone

Pendant que les provinces, notamment du Québec et de l’Ontario, mettent en place les bases de leur système de plafonnement et d’échange de droits d’émission, la Table Ronde Nationale sur l’Environnement et l’Économie (ci-après TRNEE) propose l’unification des mesures visant les réductions de GES dans le cadre de la lutte à l’encontre des changements climatiques afin que le prix du carbone soit similaire dans toutes les provinces et territoires du Canada. La TRNEE est un organisme fédéral indépendant qui regroupe plusieurs experts ou acteurs du domaine de l’environnement et de l’économie, qui a été créé par une loi fédérale, et qui relève du ministère de l’Environnement du Canada. Son mandat est d’élaborer et de promouvoir des solutions de développement durable devant servir les intérêts nationaux en matière d’environnement et d’économie.
Les autorités fédérales, incluant la TRNEE, ont officiellement bien accueilli le projet de loi québécois : à leurs yeux, c’est un pas dans la bonne direction pour l’élaboration d’un projet pancanadien. Toutefois, certaines différences peuvent déjà être relevées entre le projet de loi québécois (créé en fonction du WCI) et la proposition de la TRNEE.

En effet, dans son Rapport et dans son Précis d’information technique Objectif 2050 : Politique de prix pour le carbone pour le Canada, la TRNEE n’intègre pas les mesures hâtives de réduction d’émission de GES. Aussi, la TRNEE allègue une rareté des crédits compensatoires de qualité issus de projets de réduction, ce qui explique pourquoi ces crédits compensatoires ne semblent pas faire partie de la stratégie à long terme élaborée par l’organisation. Néanmoins, sans être précis sur des mesures spécifiques, la TRNEE indique la nécessité de mesures flexibles devant atténuer les effets économiques des réductions d’émission de GES. Il faut aussi noter qu’un signal de prix pancanadien du carbone pourrait augmenter le coût du carbone dans des provinces canadiennes comme le Québec ou l’Ontario étant donné les moyennes d’émission élevées dans la province de l’Alberta.

Harmonisation à venir

Il est difficile de prévoir comment se développera le signal de prix au Canada tant qu’une règlementation canadienne ne sera pas proposée. Il faut cependant espérer que le système canadien pourra être harmonisé avec les travaux actuels des provinces, ces travaux étant façonnés en fonction des besoins et spécificités propres à celles-ci. En attendant une entente prenant en considération les intérêts économiques de chacune des provinces canadiennes dans un objectif d’unification du prix du carbone à l’échelle nationale, le Québec poursuit clairement sa voie avec les autres membres canadiens et américains du WCI dans l’objectif de la création d’un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission.




Par Me Alain Brophy, LL.M.
Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l.


Me Alain Brophy est membre du Barreau du Québec depuis 2002 et pratique au sein de l’étude Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et associés, s.e.n.c.r.l. principalement en droit civil, commercial et transactionnel. Détenteur d’une maîtrise en droit, ses travaux académiques et publications ont surtout été orientés sur les systèmes d’échange de droits d’émission dans le cadre de régulation environnementale.


Pour plus de détails, du même auteur :

Sur les systèmes de crédits compensatoires :

 « Le Système canadien de crédits compensatoires et le Mécanisme pour un Développement Propre du Protocole de Kyoto », dans les Développements récents en droit de l’environnement 2009, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2009


Sur les systèmes d’échange de droits d’émission :
L’efficacité des systèmes d’échange de droits d’émission – Des enjeux juridiques, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2007

Sur le cadre règlementaire fédéral proposé :
« The Canadian Regulatory Framework for Carbon Trading : Sailing Away from Consensus while waiting for the U.S. Federal Scheme », dans Carbon & Climate Law Review, 2/2008, Lexxion, 2008.


Sur les dispositions environnementales de l’ALENA :
« ALÉNA, ANACDE et Environnement : 10 ans plus tard », dans les Développements Récents en droit de l’environnement 2006 (Barreau du Québec), Les Éditions Yvon Blais Inc., 2006.

 

 

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