Reconstruire le mythe du solaire

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Par Chantal Gailloux et Edouard Sigward                                 À lire également : Les perspectives du solaire au Canada : radieuses!



Mots-clés : Décathlon solaire, énergie solaire, maison solaire, SolarWall, Allemagne, Canada.

Le temps d’une semaine de rêve, l’esplanade du National Mall à Washington s’est transformée en village solaire. Vingt maisons écologiques, capables de produire deux fois plus d’énergie qu’elles n’en consomment grâce aux rayons du soleil, ont été construites dans le cadre du Décathlon solaire.

Présentée au pied de la Maison Blanche par le Département de l’Énergie des États-Unis, cette compétition internationale a permis à une nouvelle génération d’ingénieurs et d’architectes de montrer que des technologies solaires peuvent révolutionner le marché de l’énergie et lancer l’ère de « l’après-pétrole ».



L’esplanade du National Mall a pris des allures

de village solaire lors du Décathlon solaire 2009.
Photo : Stefano Palterna


La palme d’or du Décathlon est revenue
pour une deuxième édition consécutive
à l’Allemagne, qui détient avec l’Espagne
le titre de leaders mondiaux
en développement d’énergie solaire.
Plus d’informations

Photo : Stefano Palterna
 


À coups de crayon et de marteau, les équipes du Décathlon solaire, venues des États-Unis, du Canada, de Porto Rico, d’Allemagne et d’Espagne, ont élaboré des technologies pour émanciper l’habitat des monopoles du charbon, du nucléaire et de l’hydroélectricité.

Selon le Worldwatch Institute, le marché solaire a littéralement explosé en 2008 : la production mondiale d’électricité grâce au solaire (photovoltaïque) a bondi de 87 %. Mais, au nord du 45e parallèle, qu’advient-il de cette source d’énergie soumise aux aléas de la nature? Matt Beck, directeur du projet de la maison albertaine, répond sans hésitation : « l’énergie solaire est tout à fait appropriée au climat canadien ».

La participation récurrente du Canada au concours démontre d’ailleurs que les perspectives du solaire sont loin d’être nulles au pays. Cette année, les deux équipes canadiennes – l’une est l’Équipe Nordique, née de la collaboration entre l’Ontario et la Colombie-Britannique, l’autre provient de l’Alberta – se sont respectivement positionnées au quatrième et sixième rang.

La maison solaire canadienne


« Avec ses trois grandes façades vitrées, conçues et orientées dans un souci d’efficacité énergétique, la Maison du Nord de l’Équipe Nordique était l’un des projets les plus innovateurs et inventifs du concours », explique Richard King, directeur du concours. Vu l’intérêt suscité par l’innovation, l’Équipe Nordique travaille à commercialiser cette maison « en pelures d’oignon ».

« Au Canada, quand on passe du temps dehors, on apprend très vite que la meilleure façon de se prémunir contre les intempéries est de s’habiller avec plusieurs couches de vêtements. La Maison du Nord est construite ainsi », expliquent les étudiants à l’origine du projet.

La Maison du Nord et ses trois façades vitrées.
Photo : Stefano Palterna

D’abord, sur la façade vitrée, soit le revêtement extérieur de la maison, se trouve une très fine couche de particules photovoltaïques, qui transforme les rayons en électricité, ainsi qu’un matériel « éponge-chaleur » qui capte la chaleur du soleil. Ensuite, des fenêtres à quadruple vitrage ultra-isolantes s’étendent du plancher au châssis, ce qui permet de maximiser l’entrée du soleil et d’en récupérer la chaleur. La troisième pelure, à l’intérieur de la maison, est un store horizontal qui permet d’allier vue panoramique et intimité sans compromettre les bénéfices de l’ensoleillement, à la base de ce qu’on appelle l’énergie solaire passive. Pour terminer, le système de viabilité adaptative (ALIS), une interface informatique, permet aux résidants de contrôler les systèmes domotiques de la maison.

 

Un mur solaire à Concordia

 

En attendant les maisons en « pelures d’oignon » au coin des rues Sainte-Catherine et Bishop à Montréal, on peut observer une technologie solaire maintenant disponible sur le marché immobilier : le SolarWall. Intégré à la façade sud du nouveau pavillon de la John Molson School of Business de l’Université Concordia, le mur solaire a été conceptualisé lors de la deuxième édition du concours, en 2005, par l’équipe montréalaise composée de l’Université de Montréal et de l’Université Concordia.

Ce système à génération combinée, élaboré par la firme Conserval Engineering, alimente l’édifice en électricité et en chaleur grâce à ses 300 pieds carrés de panneaux solaires photovoltaïques. Fournissant 24,5 kW d’électricité au pavillon, il s’agit là de la plus grande installation photovoltaïque au Québec.

Ces 24,5 kW d’électricité viennent de la transformation par les panneaux de 15 % des rayons du soleil. La chaleur provient quant à elle des 85 % de rayonnements restants, qui sont absorbés par la pierre, les vitres ou les bardeaux du bâtiment. L’air chaud qui s’en dégage est alors aspiré par les ventilateurs à l’arrière des panneaux intégrés au pavillon, puis acheminé dans les conduits d’aération. Comme pour un ordinateur, ce système de ventilation rehausse la performance des panneaux photovoltaïques. C’est ainsi qu’à l’hiver, 75 kW de chaleur, soit l’équivalent de l’énergie nécessaire à 10 maisons canadiennes, contribuent à réchauffer des centaines d’étudiants.

Les projets présentés au Décathlon solaire, aussi originaux qu’ils soient, s’adapteraient à la vie de tous les jours, et ce, sans renoncer à leur objectif d’autosuffisance et de durabilité énergétique. Au-delà de la pure performance technologique, les maisons doivent également prouver leur viabilité commerciale dans le cadre de l’une des dix épreuves du concours. Le directeur de l’événement, Richard King, précise toutefois que chaque maison demeure jusqu’à présent un prototype. Et pour cause : elles coûtent en moyenne 500 000 $ chacune, ce qui les rend difficilement commercialisables dans leur intégralité. Seules certaines de leurs composantes, comme des matériaux écoénergétiques ou des éléments de domotique, sont accessibles aux consommateurs.

« La compétition stimule l’industrie et est plus qu’un simple “showroom” pour d’éventuels investisseurs, renchérit Andrea Athienitis, titulaire de la Chaire de recherche sur l’énergie solaire à l’Université Concordia et superviseur de l’équipe à l’origine du SolarWall. C’est aussi l’occasion de sensibiliser le grand public. »

Cette année, le concours a d’ailleurs battu des records d’affluence et les maisons exposées ont piqué la curiosité de plus de 300 000 visiteurs. La maison albertaine sera réinstallée aux Jeux olympiques de Vancouver, poursuivant ainsi la « mission » de conscientisation démontrant que la maison solaire est plus qu’une utopie.

Andrea Athienitis souligne que la production à plus grande échelle de technologies solaires conduirait à une baisse des coûts de production, ce qui les rendrait plus abordables auprès des consommateurs. « C’est un peu comme les ordinateurs et bien d’autres technologies », dit-il. « Pour les matériaux de la maison, sans compter la main-d’œuvre ou le coût du terrain, une maison solaire pourrait coûter entre 20 000 ou 30 000 dollars, soit deux fois moins qu’à l’heure actuelle », lance-t-il.

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La cadence du Décathlon Solaire s’accélère. La prochaine édition du se tiendra à Madrid en Espagne, en juin 2010. 

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