Les faits sont là, quoiqu’en pensent les climatosceptiques

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Par Cédric Chaperon
Chargé de projet en énergie et changements climatiques au Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ)


 

Mots clés : changements climatiques, climatosceptiques, Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), Climategate, Claude Allègre.

Le débat sur la véracité de la thèse des changements climatiques fait rage entre climatologues, géologues, biologistes, chimistes, et en confronte bien d’autres encore, dont les journalistes. Les articles pleuvent dans les journaux et tout le bon peuple y apporte son grain de sel. L’acharnement est intense sur la blogosphère également, là où se bousculent des commentaires suivant une prise de position favorable ou défavorable. En résultent des kilomètres de prises de position dans un langage pas toujours des plus politiquement corrects, et rarement exprimées en parfaite connaissance de cause.

Plus exactement, la polémique concerne le lien de causalité entre les émissions de CO2 dans notre atmosphère et la thèse du réchauffement climatique (même si on a davantage tendance à utiliser la terminologie changements climatiques, ce qui change pour beaucoup la donne). Même le graphique en courbe de bâton de hockey montrant l’augmentation moyenne des températures sur Terre est toujours remis en cause. Pourtant, il apparaît maintenant admis que l’augmentation des émissions de CO2, durant ce dernier siècle en particulier, résulte essentiellement de l’intervention de l’homme. Par contre, ce qui est loin de faire l’unanimité, c’est de savoir si le réchauffement climatique est effectivement anthropique, c’est-à-dire qu’il est un « phénomène provoqué ou entretenu par l’action consciente ou inconsciente de l’homme » (1). La plupart du temps, les « négationnistes » du réchauffement climatique voient dans l’augmentation de la température moyenne terrestre un phénomène cyclique qui se produit sur notre planète depuis des millions d’années déjà. Un phénomène auquel on ne peut pas grand-chose.

 

Chercher la vérité

Il ne se passe quasiment pas une semaine sans que le sujet ne soit abordé dans l’actualité. Il est donc très difficile d’y voir clair aux travers de ces multitudes de points de vue, d’opinions, d’études, de rapports qui, selon leurs auteurs, peuvent déboucher sur des conclusions diamétralement opposées. Et les enjeux ici sont énormes puisque les politiques publiques adoptées dans le cadre de la lutte aux changements climatiques coûtent très cher. Le sujet étant favorable pour créer la discorde, c’est dans cette atmosphère que naissent les scandales… Retour sur deux des plus marquants lors de ces derniers mois.

 

L’affaire du Climategate

À la mi-novembre 2009, à quelques jours du début de la tant attendue conférence de Copenhague, The Guardian publie un article qui va faire beaucoup parler. On y apprend qu’un pirate informatique a publié sur le Web le contenu des serveurs de l’unité de recherche climatique de l’Université d’East Anglia, en Grande-Bretagne. Dans ces courriels minutieusement décortiqués, les chercheurs sembleraient utiliser des techniques d’affinage de données plus ou moins contestées (voire frauduleuses selon certains) et détruire des données contredisant la thèse du réchauffement climatique. Aussitôt, la presse du monde entier s’est emparée de l’affaire, ce qui n’aura pas manqué pas de relancer les débats, à l’aube des négociations dans la capitale danoise. Rappelons tout de même qu’il y a quelques semaines, la commission parlementaire britannique a blanchi le groupe de scientifiques impliqué.

 

L’imposture climatique ou la fausse écologie, de Claude Allègre

Claude Allègre, géochimiste et ancien ministre français de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, est rapidement devenu l’une des figures de proue des climatoseptiques, mais s’est en même temps attiré les foudres de bon nombre de scientifiques. Son ouvrage, paru en février 2010 en France, a provoqué un tollé à sa sortie puisqu’il s’attaque directement aux travaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). D’après lui, ces travaux contiennent plus d’une centaine d’erreurs, de graphiques faux ou tronqués, et de citations erronées. Là encore, l’affaire a fait des vagues et successivement, quelques scientifiques et Claude Allègre ont tour à tour défendu leurs positions, ravivant une fois de plus les discussions sur la toile. 

Alors si on peut s’interroger sur les méthodes de travail des scientifiques et sur celles du GIEC en particulier, doit-on pour autant en conclure que la thèse sur le réchauffement climatique n’est qu’une vaste supercherie?

Il convient tout d’abord de bien savoir ce qu’est le GIEC. Cet organe onusien composé de plusieurs centaines de scientifiques est né en 1988 sur l’initiative de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Sur son site, on peut lire que sa mission est « d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation ». On précise également que le GIEC n’a en aucun cas pour mandat d’entreprendre et de produire des travaux de recherche, ni de suivre l’évolution des variables climatologiques ou d’autres paramètres pertinents. Finalement, l’une des principales activités du GIEC est de compiler des milliers de données relatives aux changements climatiques provenant de publications scientifiques et techniques dont la valeur est largement reconnue. Arrêtons donc sans cesse d’essayer de discréditer les travaux du GIEC, la qualité de ces derniers étant toujours à optimiser mais n’étant plus à prouver.

 

Les pétrolières comme financeurs dans le lobby climatique

Des faits d’actualité viennent entacher les fondements des climatosceptiques, même si en général, ils font moins de remous. Un rapport de l’organisation écologiste Greenpeace, publié le 30 mars 2010, accuse un conglomérat pétrolier américain de soutenir financièrement des campagnes d’information niant les changements climatiques. Selon le rapport, Koch Industries a distribué 73 millions de dollars dans le réseau des climatosceptiques, dont 24,9 millions ont été dépensés entre 2005 et 2008. Toujours d’après Greenpeace, les frais de lobbying et de soutien de campagnes d’information dans le domaine énergétique de Koch Industries ont même dépassé ceux d’ExxonMobil, la plus puissante pétrolière au monde et la première des 500 plus grandes entreprises cotées par leur chiffre d’affaires (442,9 milliards de dollars). De quoi donner à réfléchir à ceux qui pensaient que l’industrie du pétrole pouvait montrer patte blanche.

Depuis le 9 avril 2010, les négociations climatiques ont repris à Bonn en vue de la préparation au sommet de Mexico. Les délégations tentent d’y recoller les morceaux d’un accord Post-Kyoto, plutôt menacé de ne jamais voir le jour, à la suite de la déception de Copenhague. « Nous devons restaurer la confiance dans le processus onusien et rétablir la confiance entre les parties », a de son côté souligné Alicia Montalvo, déléguée espagnole, s’exprimant au nom de l’Union européenne.

Les enjeux reliés à ce phénomène qu’est la lutte aux changements climatiques sont aujourd’hui colossaux. Il est évident que comme tout fondement scientifique, il faille continuellement le documenter et en débattre, puisque beaucoup d’incertitudes et d’interrogations subsistent encore autour des prévisions scientifiques.

Mais des consensus existent et des états de faits sont implacables : le niveau actuel de la concentration de CO2 dans l’atmosphère est de 387 parties par million (ppm), un taux qui excède largement celui des 650 000 dernières années (le seuil critique étant fixé à 350 ppm). Ceci étant intimement relié au fait que la température de la Terre ait progressé de 0,74 °C depuis un siècle, ce qui constitue toujours un rythme (trop) rapide au regard des dernières décennies. C’est ainsi que dans son 4e rapport, le GIEC en a conclu que « l’essentiel du réchauffement général moyen constaté depuis 50 ans est très probablement attribuable à l’augmentation de concentration des GES anthropiques. »

Alors, en considérant les coûts, avantages et effets climatiques évités au niveau mondial et régional par la mise en place de mesures en réponse aux changements climatiques, indéfiniment tout remettre en cause contribue depuis trop longtemps à trop d’immobilisme (et ce n’est pas la seule cause), ne faisant que rendre plus difficile l’adoption d’un accord politique mondial, de plus en plus indispensable face à l’urgence d’agir.

 


 Par Cédric Chaperon
Chargé de projet en énergie et changements climatiques au Regroupement national
des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ)

Cédric Chaperon a étudié en France et détient un baccalauréat management des organisations de l’économie sociale et solidaire, ainsi qu’une maîtrise en Sciences Politiques mention développement durable et environnement. Chargé de projets en énergie et changements climatiques au Regroupement des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ), il participe notamment à la coordination de la campagne Défi Climat en région ainsi qu’aux travaux du RNCREQ pour les commissions parlementaires, les projets d’envergure nationale, et coordonne les activités des CRE lors de démarches communes.


Source :

(1) Définition du Grand dictionnaire terminologique

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