Le Québec peut-il préserver le canola bio?

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Par Carol Vachon,
Membre et auteur pour l’Association Manger Santé Bio


Mots-clés : agriculture biologique, canola, colza, huile, OGM, génétique, Québec (province de)

Le canola provient du colza par sélection génétique. Le colza est une plante de grande valeur, mais il contient un gras apparemment toxique, l’acide érucique, et des substances anti-thyroïdiennes, les glycosinolates. Certains affirment qu’il serait impossible de trouver du canola non transgénique. Qu’en est-il?

 

Les origines du colza

Elles se perdent dans la nuit des temps. Le colza est une plante oléagineuse de la classe des crucifères (du latin : crux, croix) à cause de l’apparence de sa fleur à quatre pétales. Il est donc de la famille du brocoli, chou, moutarde, etc. Un champ de colza en fleur se démarque facilement sur le paysage de par sa couleur d’un beau jaune vif.

La plante est consommée depuis des millénaires par les Asiatiques, surtout de l’Extrême Orient. Elle l’est également par de nombreux peuples depuis l’Europe de l’est en allant vers l’Asie. L’huile, aux intéressantes propriétés nutritives, est facilement extraite par pression, laissant un tourteau (résidu) de grande valeur riche en protéines servant à l’alimentation animale.

 

L’ancien et le nouveau : le colza est-il si toxique?

Le colza est riche en acide érucique, un acide gras monoinsaturé à chaîne comportant 22 carbones. On a découvert qu’il aurait un potentiel toxique : il perturbe la production d’énergie par les cellules du cœur chez le rat. Mais cette toxicité n’a pas été démontrée chez d’autres espèces animales, le cobaye, par exemple, d’autant plus que des milliards d’humains ont consommé cette huile depuis des millénaires…

Le moins que l’on puisse dire est que les Chinois, pour ne nommer qu’eux, n’étaient pas connus pour leur propension aux troubles cardiaques. La toxicité mesurée en laboratoire ne serait qu’une particularité du métabolisme du rat n’ayant aucune correspondance chez l’humain.

D’autre part, il n’est pas sûr que les peuples consommant du colza depuis longtemps prenaient des variétés aussi riches en acide érucique que celles cultivées en Occident car il existe d’innombrables variétés de cette plante.

Il faut savoir que, si le colza présente un grand intérêt en recherche, c’est à cause de sa facilité à l’hybridation (croisement entre plantes d’espèces différentes et parfois stériles) : il le fait spontanément au point que la couleur des graines que vous aurez semées dans un même champ variera énormément, passant du jaune pâle au noir.

On a donc initié la sélection génétique d’hybrides de colza faibles en acide érucique ainsi qu’en glycosinolates car ces derniers ont un potentiel goîtrogène (perturbation de la glande thyroïde).

Par contre, les glycosinolates ne se retrouvent pas dans l’huile mais dans le tourteau. Ils ralentissent la croissance des animaux d’élevage qu’on nourrit de ce tourteau, d’où l’inquiétude de l’industrie de l’élevage. Une question de gros sous…

Menée dans l’Ouest canadien sous l’égide de l’industrie, cette sélection génétique a abouti à de nouvelles variétés connues sous le vocable de « Canola », la contraction de Canada Oil. Il se pourrait qu’on ait volontairement noirci l’image du colza pour mieux faire accepter le canola.

 

Sélection génétique et manipulation génétique : une confusion voulue?

Il faut faire la différence entre sélection génétique et manipulation génétique. L’industrie des biotechnologies trouve un intérêt à ce qu’il y ait une certaine confusion entre les deux dans le but de rendre les OGM plus « normaux » pour la population.

La sélection génétique est le processus par lequel des variétés de plantes sont croisées entre elles jusqu’à ce qu’on obtienne les variétés aux caractères recherchés, par exemple, le canola actuel. Les plantes de votre potager sont des variétés obtenues de la sélection génétique, telle qu’elle se pratique depuis des millénaires. Malheureusement, cette pratique a eu le désavantage d’éliminer nombre de variétés de plantes d’intérêt quant à leur valeur nutritive, leur résistance aux ravageurs ou aux rigueurs du climat, etc.

Pour sa part, la manipulation génétique est l’incorporation artificielle, dans le génome d’une espèce, de gènes étrangers au génome de cette espèce, par exemple d’une plante à une autre plante très différente. Ce sont les organismes génétiquement modifiés ou OGM. C’est cette approche artificielle qui a été rejetée, avec raison, par l’agriculture biologique. Cela n’a pas toujours été aussi clair car il fut un temps où le débat fit rage chez les groupes biologiques états-uniens, certains considérant les OGM acceptables.

 

La dure bataille contre l’envahisseur transgénique

Le colza-canola a l’autre particularité de se disséminer très facilement. Certains le considèrent comme une mauvaise herbe. C’est que les variétés transgéniques risquent de contaminer facilement les cultures biologiques du voisinage.

Le canola transgénique fait l’objet d’une culture si intensive dans l’Ouest canadien (le Canada est le troisième producteur mondial après la Chine et l’Inde) qu’il serait maintenant presque impossible d’y retrouver du canola respectant les certifications biologiques.

La situation est bien meilleure au Québec où la culture de canola est beaucoup moins intensive. Cela fait quand même dire à M. Éric Gauthier, de la Maison Orphée, de Québec, qu’il n’est pas plaisant de faire de l’huile de canola.

 

L’Abitibi-Témiscamingue sauve le Québec?

La Maison Orphée a refusé deux lots de canola qui ne répondaient pas à leurs exigeances plutôt sévères, soit moins de 0,1 % d’OGM, la limite de détection de la méthode de dosage courante (méthode PCR pour les connaisseurs). Avec le rejet d’un lot, il y a le risque de se retrouver en rupture de stock, le temps d’en acheter un autre, auquel on doit ajouter le délai des deux semaines nécessaires au dosage des OGM.

Heureusement, le Québec comporte encore de grands endroits isolés des cultures de canola transgénique comme l’Abitibi-Témiscamingue. Le bas du fleuve aurait beaucoup de potentiel. La situation serait plus difficile dans la Plaine du Saint-Laurent où se pratique une agriculture intensive, évidemment conventionnelle. Les deux lots refusés par Orphée provenaient de l’Ouest… Toutefois, même ici au Québec, la situation se détériorerait.

Une autre difficulté vient de ce que la vérification d’une huile est presque impossible parce que le test des OGM doit s’effectuer sur la fraction protéique de la graine : il n’y en a pas dans l’huile. Il y aurait possibilité de faire le dosage sur le sédiment reposant dans le fond de la bouteille, s’il est en quantité suffisante. Il faut donc que le fabricant d’huile de canola teste les graines d’origine avant d’en extraire l’huile.

 

Cuisine : une huile très nutritive aux usages bien précis et savoureux

L’huile de canola a plusieurs avantages nutritionnels :

  • Elle contient environ 50% de gras monoinsaturés qui réduisent le cholestérol sanguin tout en étant stables à la dégradation.
  • Elle comporte également près de 40% de gras polyinsaturés dont 10 à 15% d’acide linolénique – le gras oméga-3.
  • La recherche montre une amélioration des gras sanguins par l’huile de canola… même raffinée.

On peut s’attendre à beaucoup mieux avec du canola pressé à froid, mais le milieu scientifique et l’industrie ne se sont malheureusement pas encore conscients des avantages des huiles pressées à froid.

Cette huile n’est pas idéale en pâtisserie à cause de son goût. Mais son coût très bas et ses oméga-3 en font d’importants arguments d’utilisation dans les salades, les plats au four et en particulier dans les recettes comportant de la sauce tamari ou sauce soja.

N’oublions pas, les Chinois en sont de grands utilisateurs, ils ont appris à manier habilement les saveurs. Je l’utilise volontiers pour faire revenir mes légumes tout en prenant la précaution de ne pas la surchauffer, ce qui n’est pas recommandable avec aucune huile. Vous pouvez lui préférer les huiles d’olive ou de sésame. Quant aux pâtisseries, on les cuit peut-être autour de 350°F au four, leur température interne ne dépasse pas beaucoup 70°C.

Une huile végétale n’est vraiment intéressante que si elle est pressée à froid, à la fois parce qu’elle a conservé sa saveur caractéristique, mais aussi parce que ce procédé lui préserve les innombrables substances naturelles qu’éliminent le pressage à chaud et le raffinage, en particulier, des antioxydants.

 

 


 

Par Carol Vachon,
Membre et auteur pour l’Association Manger Santé Bio

Président de l’AMSB de 1996 à 2000 et auteur du livre Pour l’amour du bon lait, le Dr Carol Vachon est consultant en nutrition. Pour en savoir plus sur l’AMSB : www.mangersantebio.org

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