Amiante – Sortir le Québec de la Grande blancheur

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Par François René de Cotret


Mots-clés : Amiante, La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Nature Québec, Greenpeace, Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, Société pour Vaincre la Pollution, Mine Jeffrey, 58 millions
 

La Centrale des syndicats du Québec, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement et des groupes environnementaux tels que Nature Québec et Greenpeace invitent l’ensemble de la société civile à cosigner la déclaration nommée L’AMIANTE TUE en vue d’une offensive majeure qui débutera officiellement cet automne. La déclaration, qui exige l’éradication de l’amiante en sol québécois, est parrainée par Nature Québec, par la Coalition Pour que le Québec ait Meilleure Mine! et par la Société pour Vaincre la Pollution (SVP).

 

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Quelques-uns des acteurs présents à la conférence du 21 juin à Montréal, de gauche à droite : Kathleen Ruff,
récipiendaire du Prix national de héros de la santé publique 2011 pour sa lutte internationale contre
l’amiante, Christian  Simard, le directeur général de Nature Québec, Éric Darier, le directeur de
Greenpeace Québec, et Jean Zigby, le président de l’Association canadienne des médecins
pour l’environnement.


L’environnementaliste et toxicologue Daniel Green, actif à la SVP depuis les années 80, explique le but premier de cette déclaration, soit de tracer un portrait de la présence de l’amiante dans le quotidien des Québécois. « Nous allons commencer par cartographier et rendre l’information publique pour que tous sachent qu’il y a de l’amiante dans leurs salles communautaires, dans leurs CLSC, dans leurs écoles et dans leurs édifices municipaux. Le fait [de dire]que l’amiante tue – et l’amiante tue de façon généralisée – est une obligation pour le gouvernement. »

De fait, selon M. Green, l’État doit révéler l’information relative à l’amiante, car celle-ci ne lui apparaît en aucun cas sécuritaire. « L’institut national de santé publique du Québec documente depuis plus de 10 ans la présence d’amiante dans nos édifices et dans nos écoles. […] Par ailleurs, en 2008, l’Université de Montréal a fait un vaste inventaire de plus de 23 000 matériaux contenant de l'amiante dans 1550 de nos édifices publics et parapublics. » Pourtant, dénonce-t-il, l’information n’est toujours pas accessible.

La SVP va lancer une autre campagne cet automne, UNE FIBRE PRÈS DE CHEZ VOUS, justement pour dénoncer la présence de l’amiante dans les édifices de la province, dont 500 écoles touchées selon le toxicologue.

 

Pratiquement impossible à détecter

Aux données confidentielles s’ajoute la difficulté de détecter à vue d’œil l’amiante dans les bâtiments. Christian Simard, directeur de Nature Québec, décrit cette problématique : « Parfois, elle est carrément dans le crépi avec la peinture et on la découvre après analyse. » Par exemple, on en a décelée après coup dans l’abattoir Lafleur, dans l’édifice de la CSN du boulevard Charest et dans l’école Saint-Maurice du quartier Limoilou de Québec. « Présentement, ajoute-t-il, les Québécois jouent au chat et à la souris. S’ils savaient à l’avance [où se situe l’amiante], une planification des travaux de rénovation serait au moins possible. »
 


Le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, est d’avis qu’il est plus que
temps 
que les Québécois comprennent que l’amiante est omniprésente dans leur vie.
 

Selon les signataires, la déclaration L’AMIANTE TUE s’insère aussi dans une logique communicationnelle pour démanteler les mythes entourant l’amiante. Sans nier la responsabilité des lobbyistes et politiciens derrières le mythe d’une amiante sécuritaire, Christian Simard – un ancien député du Bloc Québécois de 2004 à 2006 – affirme que les environnementalistes ont aussi leur part de culpabilité : « Jusqu’à récemment, la société civile québécoise, ses groupes environnementaux et les médecins de la santé publique ne communiquaient pas assez entre eux pour contrer [ce]mythe. Donc, on a un rattrapage à faire [pour]passer de dernier à premier de classe. »

 

La fibre et les maladies respiratoires

Le tabagisme est souvent pointé du doigt lorsqu’on décrie la prépondérance des maladies respiratoires dans la province. Or, d’autres causes comme la contamination par l’amiante devraient être envisagées. Le praticien et président de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Dr Jean Zigby, abonde dans cette direction : « Je pratique en soin palliatif depuis dix ans et je n’ai jamais traité de mineurs victimes d’amiantose. Par contre, j’ai traité beaucoup de personnes qui travaillaient dans la plomberie et dans tous les domaines possibles qui ne savaient pas qu’ils avaient été exposés. » Selon le praticien, c’est exactement parce qu’il est si facile d’être en contact avec la fibre d’amiante que la totalité des médecins s’opposent à son utilisation.

 

Recrudescence de l’amiante au Québec

Rappelons qu’en 2002, le gouvernement québécois a adopté la Politique d’utilisation accrue et sécuritaire de l’amiante chrysotile. Dernièrement, au mois de mai 2011, le gouvernement Charest cautionnait un prêt de 58 millions de dollars pour la réouverture de la mine d’amiante Jeffrey à Asbestos en Estrie. Au début du mois de juin, le même gouvernement a annoncé son nouveau règlement sur la qualité de l’air. Or, les composantes relatives à l’industrie de l’amiante y sont exclues, affirme Daniel Green. « Sur 90 substances dangereuses qui polluent l’air au Québec, ajoute-t-il, notre gouvernement a cru bon de ne pas inclure une norme pour l’amiante ».

Face à ces faits, le militant à du mal à ne pas conclure que le gouvernement encourage l’utilisation de l’amiante en ce qui a trait à la construction et à la rénovation d’édifices publics. « Si c’est le cas, et si jamais la mine Jeffrey ouvre, on va être pris avec de fortes pressions pour utiliser l’amiante québécoise. » À ses yeux, ce ne serait rien de moins qu’un grand pas en arrière, ce que la déclaration L’AMIANTE TUE veut empêcher à tout prix.

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