Un guide pour mieux gérer les eaux pluviales

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Par Denise Proulx


Mots clés : Association des ingénieurs-conseils du Québec,  eaux pluviales,  Guide de gestion des eaux pluviales, MDDEP

 

Après 7 milliards de dollars en investissements pour diriger les eaux sales vers les réseaux d’égouts et les usines de filtration, le Québec constate que le travail est loin d’être terminé. Les eaux pluviales constituent le maillon faible du système de gestion auquel les firmes d’ingénieurs-conseils et les développeurs vont devoir dorénavant s’attaquer. Petite histoire d’un guide qui ne changera peut-être pas la couleur des cours d’eau à court terme, mais qui confirme la volonté d’y arriver…

Pluies torrentielles, débordement de réseaux d’égouts, toxicité résiduelle dans les cours d’eau et faiblesse de recharge des nappes phréatiques. Le Québec est conscient des problèmes que causent une bitumisation galopante des sols et de son effet rebond. « La modification des cycles hydrologiques naturels en milieu urbain engendre une dégradation de la qualité des eaux de surface et de la disponibilité des eaux de pluie pour recharger les nappes phréatiques », dit Mohamad Osseyrane, directeur de projets en hydrologie et hydraulique urbaine chez la firme BPR CSO,une filiale de BPR et responsable du mandat de rédaction du nouveau Guide de gestion des eaux pluviales au Québec, publié en  janvier 2011, mais rendu public uniquement la semaine dernière.

Actuellement, 50 % des eaux de pluie s’infiltrent et se rendent jusqu’aux nappes phréatiques. Ce n’est pas suffisant. L'autre 50% ruisselle, à cause de l’imperméabilité des sols évalué à près de 70% en milieux urbains. « Le problème est identique autour des lacs. Le ruissellement charrie des contaminants et des matières en suspension dévastateurs. Nous cherchons à revenir au cycle hydrologique naturel », enchaîne Pierre Bertrand, géographe spécialisé en regénération de milieux naturels qui de son côté, s’est intéressé à la mise en oeuvre des premiers projets pilotes de contrôle des eaux pluviales et de surface en milieu péri-urbain.

Le guide se veut un outil de travail pour les promoteurs et les firmes d’ingénieurs. Sans être parfait, il devrait permettr

e de s’attaquer graduellement aux problèmes causés par les déversements massifs d’eaux pluviales dans les cours d’eau et les lacs. Son usage permet aussi de rattraper le retard du Québec face à cet enjeu, en comparaison aux autres provinces canadiennes, voire de la plupart des États du Commonwealth, où des directives claires sont introduites depuis quelques années auprès des firmes de génie-conseils. Il serait conçu à l’image de la volonté du MDDEP de prendre en compte les exigences d’un développement durable dans l’aménagement du territoire.

 

Nouveaux critères

Légalement, en concordance avec la Loi sur la qualité de l’environnement, de nouveaux critères de contrôle des eaux pluviales sont introduits pour tous les nouveaux projets d’aménagement du territoire, dès janvier 2012. Les contrôles quantitatif et qualitatif sont dorénavant obligatoires. De fait, cela signifie que tout projet doit garantir le même débit d’eau après un développement que celui connu initialement, avant la mise en chantier. L’idée n’est pas d’essayer de corriger un problème d’érosion, mais de l’éviter totalement. Le Guide contient donc des outils pour analyser les débits de pointe et pour définir avec un plan directeur, des pratiques de gestion optimales.

Le Guide outille également pour retirer de 60 à 80 % des matières en suspension dans l’eau et pour amoindrir d’autres problèmes de contamination, comme ceux occasionnés par le phosphore. Des hypothèses devront aussi être établies pour estimer les risques d’érosion et favoriser la recharge maximale de la nappe phréatique. « Je considère que [ce guide,]c’est une encyclopédie qu’on a fait et qui regroupe toutes les bonnes pratiques [en matière de gestion des eaux pluviales]», dit Pierre Bertrand.

 

Convaincre les développeurs

L’usage du Guide, même s’il est bien accueilli par les ingénieurs-conseils et qu’il permet de se mettre à la réalité des changements climatiques et des dommages croissants causés par les pluies torrentielles, ne sera toutefois pas une exigence obligatoire en terme d’aménagement. Cependant, croit M. Osseyrane, le ministère de l’Environnement s’intéresse fortement à ce qu’il soit intégré aux projets. Ainsi, avant toute autorisation d’un projet, le promoteur serait invité à céder une partie de terrain (tiré à même le 15% réservé aux parcs et espaces verts) pour accueillir le système de gestion des eaux pluviales. Des exemples, comme au Lac Brome, ont montré que cette initiative empêche les sédiments de contaminer les cours d’eau et réduit l’apport en phosphore qui en cause l’eutrophisation. « Faudra argumenter », reconnaît M. Osseyrane, mais il se dit confiant que cet investissement supplémentaire d’environ 10% au coût initial du développement d’un projet sera profitable tant pour l’image du promoteur que pour la municipalité. « C’est plus vendeur comme projet avec des étangs qui captent et nettoient des eaux pluviales. Si on regarde les coûts indirects en termes écosystémiques, c’est gagnant  pour tous », renchérit Pierre Bertrand.

 

Des avantages indéniables

Pour le fleuve Saint-Laurent, pour les cours d’eau qui sont des sources d’approvisionnement en eau potable pour les municipalités, comme c’est le cas le long de la Rivière Richelieu, le Guide est un pas dans la bonne direction.  « Ça va systématiser des actions qui existaient de manière ponctuelle. Le retard était réglementaire », analyse le géographe spécialisé en géomorphologie. Cela aiderait aussi des bassins d’eau en milieu public urbain, comme le lac des Castors sur le Mont-Royal, à devenir des lieux d’épuration des eaux sales générés par les déversements massifs des eaux de ruissellement. Les milieux naturels récepteurs ne s’en porteront que mieux.

Le défi est dorénavant de faire connaître le Guide de gestion des eaux pluviales aux municipalités afin qu’elles en fassent un document de référence incontournable pour tout nouveau projet de développement. Ce sera aussi de convaincre bien des promoteurs et des professionnels que la réalité nordique du Québec, qui gèle les cours d’eau six mois par année, n’est pas un obstacle à l’introduction de cette nouvelle façon d’aménager les territoires. « En ce qui nous concerne, nous donnons de la formation sur le Guide car nous voulons que les ingénieurs en fassent eux-mêmes la promotion (auprès des développeurs et des municipalités) », complète M. Ousseyrane.

Souhaitons qu’ils aient du succès !

 

Informations supplémentaires

Cliquez ici pour consulter la présentation sur le Guide de gestion des eaux pluviales préparée par Mohamad Osseyrane, directeur des projets en hydrologie urbaine à BPR. 

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