Un Plan Nord qui rapportera à qui?

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De plus en plus, le domaine minier prend de l’expansion au Québec. Avec l’annonce du Plan Nord du gouvernement de Jean Charest, en mai dernier, le Québec vient de se doter d’un plan d’exploitation des territoires miniers situés majoritairement dans les régions du Nord-du-Québec, de la Côte-Nord et du Saguenay-Lac-Saint-Jean. 

Évidemment, l’annonce du Plan Nord a été très bien accueillie par le secteur minier. Les groupes écologistes, par contre, ont plutôt eu des réserves par rapport à ce projet d’envergure. La vague d’opposition suite à l’annonce du développement du Nord québécois est en partie liée à la Loi sur les mines qui a été écrite il y a plus de cent ans et qui semblerait aujourd’hui désuète. La Loi sur les mines du Québec, loi mise en vigueur pour la première fois en 1880, ne prend pas en compte les nouveaux enjeux reliés à l’exploitation minière au Québec. Bien qu’elle ait été mise à jour au fil des ans, l’essence même de la loi va à l’encontre du développement durable prôné par le Gouvernement du Québec. De plus, la loi donne une très grande autorité aux compagnies minières qui peuvent demander l’expropriation d’un territoire en cas de découverte d’un gisement qui peut être développé économiquement. Les municipalités et les citoyens perdent ainsi leurs droits au profit du droit minier. 

 

La question des redevances 

Mise à part la Loi des mines qui ne prend pas en considération les nouvelles préoccupations, notamment le développement durable et l’environnement, les redevances sont au cœur du débat sur l’exploitation du territoire au Québec, et ce peu importe la ressource environnementale, dont les mines, le gaz de schistes, et les hydrocarbures.

À court terme, le Plan Nord prévoit des investissements de 2,1 milliards de dollars d’ici 2016. Pour cette même période, les redevances versées à l’État par les compagnies s’élèveraient à 1,4 milliard, ce qui entraîne un déficit de 700 millions de dollars. Un « investissement », diront les principales personnes concernées.

À long terme, soit d’ici 2036, pas moins de 80 milliards de dollars auront été insufflés pour le développement du Nord québécois et de l’exploitation minière. Les retombées économiques sont estimées à 14,3 milliards de dollars pour un quart de siècle, ce qui représente 570 millions de dollars par année. Considérant que pour l’année 2011-2012 les dépenses gouvernementales se sont chiffrées à près de 69 milliards de dollars, les redevances récoltées avec le Plan Nord en couvrirait à peine 1 %. Ces chiffres, tirés de l’étude faite par le Mouvement Desjardins, ont rapidement été défendus par le gouvernement provincial, alléguant que le Québec ne voulait pas seulement dépendre de ce type d’énergie et que les revenus varieront en fonction du marché.

Malgré ce pourcentage versé à l’État, il est toutefois possible de voir que plusieurs compagnies minières s’en tirent facilement puisque les redevances sont calculées sur le profit réalisé plutôt que sur la production minière. Qui plus est, en 2009, le vérificateur général du Québec précisait, dans un rapport rendu public, qu’il n’approuvait pas le fait que les compagnies minières recevaient des crédits d’impôt. Entre 2002 et 2008, 14 compagnies n’auraient pas versé de redevances à l’État. Depuis 2003, pas moins de 104 millions de dollars auraient été versés en avantages fiscaux de toutes sortes aux entreprises minières tandis que pour la même période de temps, le gouvernement aurait réclamé 37 millions de dollars. Un déficit de 67 millions de dollars. 

 

Développement vert et communautés concernées

Alors qu’une grande partie de la population semble de plus en plus encline à opter pour des énergies vertes, un fossé se creuse entre la volonté populaire et les compagnies minières concernées qui, elles, applaudissent le Plan Nord proposé par le gouvernement du Québec.

Pour les groupes écologistes, les précautions environnementales prises par le gouvernement ne sont pas assez développées et surviendront trop tard. En août dernier, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, annonçait que des mesures de protection afin de conserver les forêts et les cours d’eau du Nord seraient mises en place d’ici 2035, date qui est jugée trop tardive par les défenseurs des ressources naturelles québécoises. D’ailleurs, plusieurs soulignent le paradoxe à voir un ministre du développement durable s’impliquer dans un Plan visant à développer une énergie qui est loin de pouvoir se renouveler.

Certaines populations qui habitent les zones déterminées par le Plan Nord sont déchirées entre la joie de voir un développement économique, notamment avec la construction de route assurant des retombées directes dans les communautés, et la crainte d’une exploitation massive qui risquerait de gruger une partie des ressources naturelles de leur territoire. Julien Boudreau, président de la Conférence régionale des élus (CRÉ) de la Côte-Nord, est satisfait de voir enfin l’économie nord-côtière bouger. La plupart des élus sont d’ailleurs favorables au Plan Nord, surtout à cause du prolongement de la route 138. D’un autre côté, des groupes de protection de l’environnement comme Sept-Îles sans uranium, la Fondation rivières et le Comité sur la qualité de l’air et de l’eau de Sept-Îles émettent quelques réserves par rapport au Plan Nord, tout en espérant une plus grande transparence de la part du gouvernement.

Les communautés autochtones ont également réagi par rapport à ce grand projet d’exploitation. Si les Cris, les Inuits et les Naskapis ont réagi favorablement à l’annonce du Plan Nord, les cinq communautés innues, quant à elles, sont présentement en discussion avec le gouvernement. Rappelons que les Innus de Pessamit (46 km à l’ouest de Baie-Comeau, sur la Côte-Nord) avaient bloqué la route 138 afin de montrer leur désaccord avec le Plan Nord. C’est d’ailleurs à ce moment que le gouvernement avait décidé d’entrer en négociations avec la communauté en question afin d’obtenir son accord.

Il reste à voir ce que le gouvernement aura à offrir aux habitants des territoires du Nord. D’ici là, les compagnies minières salivent à l’idée d’exploiter les ressources naturelles présentes sur le territoire québécois. Seul bémol à leur tableau, le projet de loi 14 qui propose de modifier la Loi sur les mines pour la rendre plus en accord avec le développement durable. S’il est adopté, ce projet de loi modifiera l’actuelle loi pour la rendre moins permissive. Toutefois, il est possible d’avoir un doute quant aux modifications qui seront apportées. Puisque le gouvernement semble lui-même fonctionner comme une compagnie, il est à se demander si les modifications seront vraiment favorables aux habitants et aux municipalités qui verront, d’ici quelques années, les grandes entreprises minières débarquer sur leur territoire afin d’en extraire leur richesse.

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