Lettre d'opinion d'Ugo Lapointe – Film Trou Story de Richard Desjardins: Une histoire plus actuelle que jamais*

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Le film Trou Story n’est pas encore sur les écrans du Québec qu’il subit déjà des attaques soutenues de l’industrie minière et des représentants du gouvernement. Faut-il s’en étonner ? Pas du tout… Il retrace les problèmes du passé pour mieux comprendre ceux du présent. Le film ouvre un « panier de crabes » que ni l’industrie, ni le gouvernement ne souhaitent voir s’étaler sur la place publique.

Le stratagème de l’industrie et du gouvernement de vouloir « tuer dans l’œuf » le film de Richard Desjardins et de Robert Monderie est tellement gros qu’il serait étonnant que la population se laisse duper.

Le film n’avait même pas encore été projeté en première dimanche dernier qu’on connaissait déjà les critiques de l’industrie et du gouvernement : « un film du passé », « un film biaisé », « ça ne se passe plus comme ça aujourd’hui ». On tente de calmer le jeu, de semer le doute, bref de discréditer le film.

Trou Story est pourtant plus actuel que jamais : redevances insuffisantes, citoyens et villes « tassés » par la loi des mines, sites miniers abandonnés en legs aux générations futures, fosses à ciel ouvert dont on n’oblige toujours pas la restauration, absence quasi-totale de 2e/3e transformations, encadrement environnemental déficient… Le tout sur fond du Plan Nord et de ses nombreuses mines anticipées (incluant des mines d’uranium fortement contestées).

L’actuel projet de loi 14 sur les mines ne règlera pas ces problèmes. Il faut faire beaucoup plus.

Des vérités qui ne s’effacent pas

En vérité, le film dénonce deux grands problèmes des régimes miniers passés et présents. D’abord, le fait que les Québécois n’ont jamais récupéré leur juste part des ressources minières non renouvelables, dont ils sont pourtant les premiers propriétaires. Ensuite, le fait que l’État s’est trop longtemps déresponsabilisé de son rôle de fiduciaire de la ressource, tout comme de son rôle de protecteur des citoyens et de l’environnement.

Il suffit de se promener à Val D’Or ou à Rouyn-Noranda, ma ville natale, pour constater que ces villes au sous-sol parmi les plus riches au monde ne semblent pas avoir bénéficié de la manne qui leur a passé sous le nez depuis cent ans. Il suffit de survoler les centaines de sites miniers abandonnés, contaminés, pour constater l’absence de l’État pendant de trop nombreuses années. Il suffit de constater, encore aujourd’hui, l’impuissance des citoyens et des municipalités face aux compagnies minières et à la Loi sur les mines.

Malgré les beaux discours et les millions flambés en campagnes publicitaires, il y a des vérités qui ne s’effacent pas. Tant que le gouvernement ne corrigera pas les problèmes fondamentaux qui caractérisent encore aujourd’hui le secteur minier, Trou Story et la population seront là pour le lui rappeler.

J’étais à la première du film dimanche dernier à Rouyn-Noranda. J’ai constaté l’effet qu’il a eu sur la foule. J’ai entendu les applaudissements nourris des quelques 700 spectateurs – en grande partie abitibiens d’origine – qui se sont levés d’un coup pour en remercier et féliciter les auteurs.

Pour la première fois, on voit à l’écran des élus, ex-élus et ex-fonctionnaires dénoncer les pratiques actuelles. Pour la première fois, on entend des fils et filles de mineurs briser le silence et penser plus loin que le bout de leur « chèque de paye ». Pour la première fois, on voit naître un débat concernant une industrie qui a trop rarement été remise en question.

Il m’apparaît évident que film de Richard Desjardins et de Robert Monderie aura un impact majeur sur l’industrie minière québécoise – et pour le mieux.

Il apparaît évident également que l’industrie et le gouvernement veulent à tout prix éviter l’effet qu’avait eu le film l’Erreur boréale il y a quelques années. Ce film des mêmes auteurs avait mené à la commission Coulombe et à une réforme majeure du régime forestier au Québec.

Or, ce sera à la population de juger. Et contrairement à l’industrie et au gouvernement, j’estime que le film Trou Story est plus actuel que jamais. Un film à voir.

 

*Ugo Lapointe, l’auteur est cofondateur et porte-parole de la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!
www.quebecmeilleuremine.org

 

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