Nucléaire. Bure: le doute s'installe

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Un voyage de presse, organisé à Bure par le Comité local d’information et de suivi (Clis), a permis au scientifique Arjun Makhijani de présenter et expliquer l’expertise menée par l’Institut for energy and environmental research (Ieer) dont il est le pilote. L’étude critique portant sur le projet d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure, clé de voûte et talon d’Achille de la filière nucléaire hexagonale, les échanges ont débouché sur des informations et des réflexions largement surprenantes.
 
« Qu’on ne nous fasse pas avaler des couleuvres » : après la visite en matinée du laboratoire souterrain de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), Jean-Louis Canova, président du Clis, donnait le ton l’après-midi. Face aux journalistes, à quelques membres du Clis et à A.Makhijani, il signifiait par là le but de la procédure. Lorsqu'elle a été diffusée, l’expertise du dossier de l’Andra par l’Institut avait jeté un froid : si l’Agence réalise un travail de qualité, ce qu’elle en tire comme conclusions pour la sûreté d’un stockage souterrain est « largement optimiste ». Dit autrement : instrumentalisé pour convaincre que l'enfouissement sera sûr. Un fameux pavé dans la mare des organismes officiels normalement chargés de contrôler l’Andra (Irsn, Asn, Opecst, Cne…) (4) !
 
Depuis la remise du rapport de l’Ieer, l’Andra a pu l’analyser et y apporter des réponses. Ont-elles satisfait l’Ieer ? Sur certains points, oui, mais sur les plus importants, non : caractéristiques spécifiques des eaux souterraines, diffusion de la radioactivité, endommagement dus aux creusements, calculs de sûreté dont les paramètres sont étudiés un à un et non tous ensemble, sélection des données sans simulation réaliste, etc.  
 
Pour l’Ieer il y a plus grave encore. Les études nécessaires à la validation, ou non, d’un stockage souterrain sont colossales et il reste beaucoup à faire à Bure. Or, si le laboratoire a fourni des données (à l’issue de longues années), forcément il n’en n’est pas de même pour la (gigantesque) zone ciblée pour l’enfouissement puisqu’il est dit que celle-ci ne serait pas à l’emplacement du laboratoire, et qu'elle a donc à peine commencé à livrer ses caractéristiques. D’où la question majeure : comment le parlement pourrait-il sérieusement décider par une loi en 2015-2016 l’enfouissement, ou les conditions de réversibilité, de déchets radioactifs à Bure ? Et que penser dans ces conditions d’un « débat public » annoncé pour 2013 ? L’Ieer le martèle : les échéances ne sont pas tenables du tout.
 
L’étude de l’Ieer aura permis de faire ouvrir les yeux, synthétisé magistralement par le président du Clis devant les journalistes : « on nous fait accepter un projet à pas de charge !» D’où une multiplication de démarches engagées par le Clis : médiatisation de l’expertise menée par l’Ieer, saisie des divers organismes de contrôle, convaincre le législateur, porter la question de Bure et de l’enfouissement dans le débat pré-électoral…
 
La dernière intervention d’un journaliste allait mener à l’essentiel. Interrogeant A.Makhijani sur ce qui aurait sa préférence en terme de gestion de ces déchets, il se voyait répondre  qu’ « il n’y a pas de bonnes solutions parmi toutes les pistes étudiées et la moins pire semble l’enfouissement ». Seulement voilà, la moins pire peut-elle vraiment être acceptable ? Deux membres du Clis faisaient remarquer que si l’enfouissement semble résoudre momentanément le problème posé par ce genre de poisons, il n’en reste pas moins que tous les risques potentiels de contaminations se trouvent reportés sur les générations qui nous suivront et que ça c’est éthiquement insupportable ». Lourd silence. Doute palpable. Et les dernières informations en provenance de Bure, qui laissent apparaître un projet « monstrueux », ne peuvent que renforcer le doute. (Fédération Grand-Est STOP déchets nucléaires)

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