Voter pour quoi ?

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Par Sylvie Woods
Écologiste et ex candidate pour le Parti vert du Québec


Mots-clés : Croissance non viable, hausse des droits de scolarité, Plan Nord, écosystèmes, changements climatiques, statu quo


Cette élection ne nous donne-t-elle pas surtout à contempler le déclin de nos institutions politiques, à travers les nombreux tours de piste médiatiques de nos chefs politiques ?

Avec leurs slogans qui étaient bien assortis à René Lévesque et Jean Lesage, mais qui paraissent aujourd’hui appartenir à une époque révolue, les candidats expriment tous la même absence de projet collectif de la société québécoise actuelle.

Même s’ils sont nombreux à en refuser les conséquences, la mondialisation a pris le relais de notre Révolution tranquille et a redessiné un seul et unique projet collectif : la croissance économique. Aussi nous voulons reconsidérer la question de la faible participation aux élections sous un autre angle que celui toujours avancé du cynisme des citoyens désabusés, en posant la question comme suit : voter pour quoi plutôt que voter pour qui?


Une crise financière mondiale

La campagne électorale se tient dans un contexte mondial de crise financière. En Europe, nous assistons au spectacle lamentable de l’affaiblissement de la souveraineté des États surendettés par une croissance non viable et une subordination des préoccupations politiques et écologiques aux prérogatives financières.

Dans la même logique économique de croissance par l’endettement, le gouvernement libéral livre à l’exploitation un vaste territoire fragilisé par le réchauffement climatique. Avec les projets de port en mer profonde, d’aéroport et de routes traversant la forêt boréale, le gouvernement libéral imite l’Espagne dont l’économie s’est effondrée sous le poids de la dette issue de ces infrastructures gigantesques et inutilisées.

 

Le vendeur

Il est à craindre que d’autres mesures régressives touchant les programmes sociaux et les services publics, comme la hausse des frais de scolarité, surviennent pour soutenir le Plan Nord.

Ces mesures régressives démontrent que notre prospérité économique, associée aux trente glorieuses dans la foulée de la Révolution tranquille, commence à révéler ses douloureux revers. Dans le contexte de la mondialisation où les États rivalisent pour maintenir leur croissance économique, les solidarités obligatoires traditionnelles entre individus qui assuraient jadis la cohésion sociale, s’effrite. L’individualisme libéral, où la valeur première est l’intérêt personnel avant l’intérêt général et la protection des biens communs, se veut le déterminant de l’identité sociale.

Ne faut-il pas qu’il en soit ainsi pour mobiliser les individus autour d’un seul objectif centré sur l’augmentation du PIB? Cette croissance a été réalisée au détriment des écosystèmes nationaux. L’échec du gouvernement libéral en regard des objectifs de réduction de gaz à effet de serre, dont faisaient état récemment le Vérificateur général et le Commissaire au développement durable, aurait dû s’imposer comme le thème de ces élections. De même que les conséquences d’un traité de libre-échange avec l’Union européenne, négociée en catimini. 

 

Affronter les changements climatiques

Ceux qui aspirent à prendre le pouvoir seront confrontés rapidement aux diverses répercussions sociales et économiques du réchauffement climatique. Plusieurs experts l’ont démontré, en s’appuyant sur une approche multidisciplinaire et scientifique : l’ensemble de nos écosystèmes a atteint des seuils critiques qui affectent leur résilience.

Les services inestimables et essentiels que nous rendent la forêt boréale, les rivières et les océans, les milieux humides et la biodiversité sont en déclin. Des événements climatiques extrêmes surviennent déjà partout sur la planète et le réchauffement climatique affecte davantage les territoires nordiques québécois. L’année en cours aura battu tous les records de chaleur, au Québec et aux États-Unis, où sévit actuellement une sécheresse sans précédent.

Il n’y a pas si longtemps, nous avons eu un aperçu de ce qui risque de se répéter, avec les vagues puissantes qui ont provoqué l’inondation de nombreuses maisons dans plusieurs villages du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et de la Côte-Nord de même qu’à St-Jean sur le Richelieu. Aussi, plusieurs experts environnementaux en appellent de façon pressante à une politique nationale d’adaptation au réchauffement climatique.

Notre prospérité politique, environnementale et économique poursuivra aussi son déclin si nous persistons à nous retrancher dans notre aveuglement. Le Plan Nord, l’exploitation des gaz de schiste et celle du pétrole en Gaspésie et de l’île Anticosti s’abreuvent à cet aveuglement. 

 

Vente aux enchères

Faignant d’ignorer la nécessité d’une politique d’adaptation pour le Québec, nos aspirants premiers ministres nous proposent, comme un marchand devant ses étals, les produits suivants : TGV Montréal-Québec basé su un endettement de plusieurs milliards de dollars (alors que nous attendons encore nos nouveaux wagons de métro); un Plan Nord aussi onéreux au plan écologique que financier; un chèque de remboursement d’impôt de mille dollars si vous votez pour la CAQ (en échange de suppressions de postes dans la fonction publique).

Cette campagne électorale prend l’allure d’une pitoyable vente aux enchères. Qui mieux que le film Le vendeur a mis en image le cul-de-sac actuel de la société québécoise où le protagoniste principal du film, incarné par Gilbert Sicotte, qui a atteint l’âge de la retraite persiste dans sa fonction de meilleur vendeur d’utilitaires sport et de camions. Dolbeau, village où se déroule l’action, se révèle comme le microcosme de nos rapports sociaux et affectifs. La fille et le petit-fils du vendeur perdront la vie sur une autoroute, dans un 4X4, lors d’un voyage Dolbeau-Québec pour livrer une voiture à un client, pour le compte du père.

Ce drame culmine dans une perte de sens et le désespoir des laissés-pour-compte, pour qui le travail et la consommation s’imposent comme valeurs ultimes. Cette réalité nous ramène au thème électoral de la corruption qui domine dans les médias.

Les préoccupations politiques et les services publics y sont traités sur le mode de marchandises, monnayables. Les projets des candidats ne visent qu’à satisfaire les intérêts «de la classe moyenne». Aussi, chacun des partis se présente-t-il comme le mandataire des consommateurs et non des citoyens dans leur ensemble.

Comment attribuer une légitimité à toute cette loufoque mascarade ? Ceux qui désespèrent de voir les jeunes se détourner des élections pourraient trouver là des éléments de réponse. Pourquoi voter si nos institutions politiques sont à l’image de la détérioration de nos rapports sociaux et de notre environnement en déclin, reliquat de cette même prospérité économique? Et que le mode de scrutin actuel assure le statu quo politique, social et environnemental ? 

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