La désinformation de Polytechnique sur les radiofréquences

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Photo de Nicolas Grevet – Flickr

L'étude publiée hier par Polytechnique et Protégez-Vous reprend la stratégie employée par les faiseurs d'image de l'industrie en détournant l'attention de la véritable question d'intérêt public : pourquoi déjà environ 10 % de la population européenne se plaint-elle d'avoir développé des symptômes d'hypersensibilité électromagnétique (HSEM)? Contrairement à ce que croient certains médecins, le syndrome n'a rien de psychosomatique et va en augmentant, selon l'oncologue parisien Dominique Belpommel'Association médicale autrichienne et plusieurs études scientifiques répertoriées sur www.powerwatch.org.uk. (Les Européens souffriraient davantage de HSEM pour avoir adopté massivement les technologies sans fil plus précocement que nous, en plus d'être davantage exposés aux radiofréquences de types micro-ondes de par leur plus forte densité d'occupation du territoire.) 

En 2000, le Conseil des ministres nordiques (Scandinavie et Danemark) a reconnu que les symptômes de cette intolérance électromagnétique « disparaissent dans les environnements non électriques ». La Suède l'a reconnu comme  un handicap donnant droit à un environnement adapté où les niveaux de CEM sont faibles, bien que le gouvernement actuel (plus à droite) n'applique pas cette politique imitée par la Commission canadienne des droits de la personne.

Selon plusieurs médecins et chercheurs spécialisés en HSEM, certaines personnes surexposées aux CEM deviennent électrosensibles à cause de susceptibilités génétiques, d'une intoxication aux métaux lourds et/ou le fait de s'être fait poser un implant métallique agissant comme une antenne captant les CEM. La mère du développement durable, Gro Harlem Brundtland, est devenue temporairement aveugle et électrosensible en permanence après un accident survenu avec son four à micro-ondes. 

La HSEM est difficile à diagnostiquer, explique le cardiologue américain William J Rea, spécialiste des hypersensibilités environnementales. C'est que chaque personne peut réagir à des fréquences de CEM différentes, souvent plusieurs heures après l'exposition, et à des doses des milliers de fois inférieures aux normes canadiennes et internationales. Le respect de celles-ci, invoqué par l'étude de Polytechnique, n'a donc rien de rassurant. En 2011, le Conseil d'Europe, qui conseille les États membres de l'Union, a adopté une résolution remettant ces normes en question et recommandant de réduire le plus possible l'exposition aux CEM, en particulier chez les enfants car ils sont plus vulnérables aux rayonnements : http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta11/FRES1815.htm Le 16 novembre dernier, l'ancien président de Microsoft Canada Frank Clegg, dont la femme est électrosensible, lançait une Coalition contestant le fameux Code de sécurité 6 de Santé Canada afin de promouvoir un usage sécuritaire des technologies.

Les déclencheurs des symptômes d'électrosensibilité? Vraisemblablement les pics de haute puissance (ignorés par Hydro-Québec et les chercheurs de Polytechnique qui ne mesurent que la densité de puissance moyenne sur 24 heures) et les hautes fréquences transitoires qui sont pulsées sur le réseau électrique et dans les bâtiments par les appareils électroniques commutés, comme les compteurs intelligents qui en pulsent 24 heures par jour. C'est ce qu'affirme notamment l'épidémiologiste américain Sam Milham qui fut le premier chercheur à découvrir un lien entre la leucémie et la surexposition aux CEM chez les travailleurs. 

Depuis plusieurs années, divers experts indépendants affirment que les normes internationales sur les CEM mettent la santé publique en péril : c'est qu'elles ne concernent que les effets thermiques aigus à court terme et non les effets non thermiques comme les divers symptômes d'EHS et le cancer. Parmi ces experts, l'un des signataires du fameux rapport BioInitiative dénonçant ces normes laxistes, David Gee, coordonnateur des sujets émergents à l'Agence européenne de l'environnement. Selon lui, les autorités de santé publique auraient pu épargner des millions de vies si elles n'avaient pas écouté les lobbyistes de l'industrie du tabac, du plomb et autres pesticides. Il faut écouter, dit-il, les chercheurs sonneurs d'alarme qui sont férocement attaqués lorsqu'ils disent que, malgré l'incertitude scientifique, les preuves de dangers imminents pour la santé publique suffisent pour appliquer le principe de précaution. 

Selon diverses études, il y a lieu de vivre à au moins500 mètres d'un antenne relais de téléphonie cellulaire si son faisceau pointe en notre direction, et jusqu'à 6 km des antennes FM comme celle de Radio-Vatican qui a causé des cancers chez ses voisins, selon un jugement de la Cour suprême de l'Italie. Et on ne compte plus les mises en gardes de pays comme l'Allemagne et l'Angleterre qui conseillent de réduire l'exposition aux micro-ondes émises par les cellulaires, appareils qui selon Londres ne devraient jamais être utilisés par un enfant de moins de huit ans et qu'en cas d'urgence par les moins de 15 ans.

Les lignes directrices de l'Association médicale autrichienne au sujet des maladies reliées aux CEM recommandent de se baser sur les normes de l'Institut allemand des Bau-biologistes (biologistes du bâtiment). Pour les radiofréquences pulsées, celui-ci soulignent que certaines personnes commencent à réagir dès une exposition de 0,1 microwatts par mètre carré, alors que le Code de sécurité 6 de Santé Canada tolère au moins 6 millions de (µW/m²). En 2000, la Résolution de Salzbourg sur les antennes de téléphonie mobile recommandait une valeur limite de 1 µW/m².

Il ne faut pas se leurrer, en science, tout dépend de ce que l'on mesure, et nos hypothèses et méthodes sont généralement influencées par ceux qui nous financent. 

La désinformation émanant de Polytechnique n'est pas surprenante : sa Brigade électro-urbaine est financée par le fabricant de logiciels Lorne Trottier qui a investi des millions de dollars dans les technologies sans fil et dirige le site négationniste http://www.emfandhealth.com/, écrit notamment avec Michel Plante, médecin à l'emploi d'Hydro-Québec et de Rogers! Il est malheureux que Protégez-Vous ait participé à cette mascarade.

Lire sur mon site la critique de la lettre ouverte écrite par MM. Trottier et plusieurs scientifiques dont Thomas Gervais de Polytechnique, critique signée par une cinquantaine de médecins et d'experts internationaux ayant publié des centaines d'études sur les effets sanitaires des champs électromagnétiques (CEM): http://maisonsaine.ca/compteurs-intelligents-des-experts-denoncent-la-desinformation-flagrante/

 

Source: André Fauteux, éditeur Magazine La Maison du 21e siècle

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