Vers une démocratie écologique

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Par Eugénie Émond


Mots-clés : l'Institut EDS Hydro-Québec en environnement, développement et société de l'Université Laval

 

Nos démocraties sont défaillantes et non adéquates pour répondre à la complexité des problèmes environnementaux. Face à un imminent effondrement de nos systèmes politiques et économiques, une transition vers une démocratie écologique est à envisager, mais encore faut-il qu'il ne soit pas déjà trop tard. 

Dominique Bourg. Photo de  C-Side_Productions – Flickr

Voilà le constat lucide et alarmant que dressait récemment Dominique Bourg, philosophe environnemental engagé, lors d'une conférence publique organisée par l'Institut EDS Hydro-Québec en environnement, développement et société de l'Université Laval.

Le penseur ne propose pas de remède miracle. « J'espère que vous n'avez pas la naïveté de croire que je vais apporter des solutions », dit-il.

Il fournit toutefoisdes pistes éclairantes pour comprendre pourquoi nos démocraties ont joué un rôle dans l'échec de l'application du développement durable dont les objectifs étaient pourtant clairs lors de la conférence de Stockhlom il y a maintenant 40 ans.   La démocratie écologique proposée par le philosophe, ou du moins la transition vers celle-ci, se veut une refonte de nos institutions politiques tout en conservant leur statut démocratique.

« La grosse difficulté c'est qu'on est dans un système qu'on sait qui va dans le mur, mais en même temps ce système porte en lui des valeurs fondamentales auxquelles on reste attaché et on est coincé ».  

 

Des problèmes environnementaux complexes

Cette inefficacité de la démocratie s'expliquerait par la nature même des problèmes environnementaux qui touchent aujourd'hui la planète entière. « On élit des individus pour qu'ils défendent nos territoires, mais les problèmes d'environnement n'ont pas de frontières » affirme le philosophe.  Les problèmes environnementaux contemporains sont donc planétaires, mais aussi irréversibles et non perceptibles.

Car si on est à même de constater la désertification ou la déforestation, rares sont les citoyens qui peuvent se vanter d'arriver à percevoir les changements de la composition chimique de l'atmosphère ou l'appauvrissement génétique des populations.  Et le député élu s'y connait souvent encore moins, lui à qui on demande bien souvent d'anticiper. « Aucun homme politique n'a une quelconque supériorité sur ses citoyens en ce qui concerne le devenir possible de certains problèmes environnementaux que nous rencontrerons ».

 

Vers une démocratie écologique

Pour arriver à pallier les lacunes de nos démocraties représentatives, le philosophe propose quelques pistes (et leurs limites) que d'autres ont soulevées avant lui.

Par exemple, faire une plus grande place à la démocratie participative ou revigorer la démocratie représentative en changeant le statut de l'élu pour que le candidat corresponde plus à l'image de la population qu'il représente et non pas ''de type mâle, bourgeois et grisonnant'' comme la majorité des parlementaires français. 

Dominique Bourg propose lui-même une solution élaborée avec son collègue Kerry Whiteside : la création d'une troisième Chambre, une institution non représentative composée de citoyens choisis et d'experts reconnus pour leur engagement en matière de durabilité qui ne peuvent élaborer de lois, mais peuvent opposer leur véto à un projet de loi pour le renvoyer à l'étude.

 

Bientôt l'effondrement

« La démocratie écologique, c'est de ré-encastrer l'économie, c'est-à-dire d'en faire un élément de la société et non pas tout. Aujourd'hui tout doit obéir au marché et aux entreprises et ça c'est contradictoire avec la démocratie. Là aussi, ça précipite l'effondrement. Je ne sais pas comment ça va évoluer en Europe, mais ça va mal, là les gens décrochent par rapport à la démocratie parce qu’elle ne leur emmène plus rien, elle ne les défend plus. »

Dominique Bourg nous met bien en garde : plus on tarde à installer une démocratie écologique ou à effectuer des changements au niveau institutionnel, plus on se rapproche de l'idée de plus en plus courante de l'effondrement de nos sociétés.

Et si le penseur propose un remaniement de nos institutions politiques, il reconnaît également le pouvoir et la créativité d'initiatives citoyennes comme les villes de transition ou les écovillages et économies parallèles auxquels il faudrait selon lui accorder un statut juridique, même si ces initiatives sont très minimes et trop marginales par rapport au temps qui nous fait défaut.

Devant ce portrait réaliste et pour le moins alarmant, le philosophe n'est pas blasé pour autant. « On n’a pas le droit de plier devant la réalité, on doit essayer de faire quelque chose sans se faire d'illusions non plus ».

Dominique Bourg est directeur adjoint de l'Institut de géographie et durabilité à l'Université de Lausanne. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et co-auteur du livre Vers une démocratie écologique : le citoyen, le savant et le politiqueparu aux éditions du Seuil en 2010.

 

Source: GaïaPresse

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