Stratégie énergétique : Le Québec sur la voie de l’économie verte?

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Par Karel Mayrand
Directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki
 

Le gouvernement du Québec a lancé il y a quelques semaines une consultation sur les enjeux énergétiques du Québec. Cette consultation, la première en une génération, revêt une grande importance. Historiquement, l'énergie a constitué un pilier du développement économique du Québec, en plus d'être un moteur d'innovation. Aujourd'hui, alors que le Québec, comme le reste du monde, est confronté à une crise écologique et à des défis économiques sans précédent, il doit nécessairement repenser son rapport à l'énergie.
 

La vision mise de l'avant par le Québec dans les quatre premiers objectifs de la future politique énergétique, soit la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), l'efficacité énergétique, la production d'énergies renouvelables et la mise en valeur des surplus d'énergie pour soutenir l'électrification des transports et le développement industriel, est porteuse d'un virage ambitieux en faveur d'une économie plus verte, plus efficiente et plus productive.

 

Mais cette vision demeurera lettre morte si le Québec ne relève pas le défi de la cohérence et s'il ne se donne pas les moyens de ses ambitions en y consacrant la volonté politique et les moyens financiers requis. À moins de sept ans de l'échéance de 2020, le Québec tarde par exemple à se donner un plan d'action sur les changements climatiques, et la cible de réduction de 25% des émissions deGES qu'il s'est fixée sera bientôt hors de portée si des mesures ambitieuses ne sont pas annoncées. Il faut passer des intentions à l'action, les cibles et déclarations ambitieuses ne suffisent plus.

 

Le secteur des transports, qui représente 44% des émissions deGES du Québec et 73% de sa consommation de pétrole illustre bien la problématique de la cohérence et des moyens. Alors qu'il prétend vouloir réduire les émissions de GES de 25% et la consommation de pétrole de 30% d'ici 2020, le Québec continue de consacrer 85% des investissements publics dans le secteur routier contre seulement 15% dans les transports collectifs. Plusieurs chantiers de transports collectifs attendent confirmation de leur financement. Pendant ce temps, le Québec annonce le parachèvement ou l'élargissement d'autoroutes urbaines. Ceci doit changer. La main gauche doit suivre la main droite pour que la nouvelle politique énergétique atteigne ses objectifs.

 

Le Québec doit aussi éviter la complaisance dans le dossier des hydrocarbures. Les deux derniers objectifs de la stratégie énergétique, qui visent l'exploitation des hydrocarbures en sol québécois et la diversification des sources d'approvisionnement laissent beaucoup de questions en suspends et entrent en contradiction directe avec les autres objectifs stratégiques énoncés. Selon nos calculs, si le Québec produisait sur son territoire 10% de sa consommation actuelle de pétrole, cela causerait une augmentation de ses émissions de GESd'approximativement 1,5 Mt qui effacerait à elle seule les efforts de lutte aux changements climatiques réalisés depuis 1990. Le Québec doit clarifier comment il entend concilier ses objectifs de réduction des émissions de GES tout en se lançant dans cette industrie à haute intensité d'émissions.

 

Finalement, le gouvernement n'a pas fait la démonstration que le Québec ait besoin de diversifier ses sources d'approvisionnement de pétrole. Le Québec ne vis pas de problèmes d'approvisionnement et importe actuellement son pétrole de huit pays différents, aucun ne représentants plus de 30% des importations québécoises. Le projet de stratégie énergétique semble vouloir justifier à postériori les projets d'oléoducs présentés par Enbridge et Transcanada au nom d'une diversification dont les avantages restent à être démontrés.

 

Le Québec est à la croisée des chemins au plan énergétique. Sa cible de réduction des émissions de GES pour 2020 sera bientôt hors d'atteinte s'il ne pose pas des gestes décisifs à court terme, notamment dans le secteur du transport. Le Québec doit également déterminer s'il permettra de multiplier par trois le pétrole qui transite sur son territoire, et s'il se lance dans la production pétrolière. S'il répond par l'affirmative, il devra clarifier s'il a l'intention de reporter sa cible de réduction des émissions ou imposer des efforts supplémentaires aux autres secteurs de son économie.

 

Est-il possible de prendre à la fois le virage de l'économie verte et le virage pétrolier? Québec semble présumer que oui, mais la preuve devra en être faite au-delà des mots et des slogans. Et le fardeau de la preuve repose sur le gouvernement du Québec. Les Québécois sont en droit de demander l'heure juste alors que l'on engage leur avenir et celui de leurs enfants.

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