Le fleuve au service de l’industrie pétrolière

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Par Sophie Fillion


Michel Bélanger (à gauche) et Pierre Béland (à droite) de Eau Secours! Crédit photo: Sophie Fillion

En dépit des efforts déployés par la mobilisation citoyenne et l’accumulation d’incidents environnementaux reliés à l’exploitation et aux transports des hydrocarbures, le gouvernement Harper ne semble reculer devant rien pour faire du fleuve St-Laurent son autoroute de l’exportation du pétrole des sables bitumineux de l'Alberta. Devant l’urgence de la situation, le collectif scientifique sur la question du gaz de schiste questionne l’État de droit comme ultime rempart au développement effréné de cette filière énergétique dépassée.

Le 29 octobre dernier avait lieu la conférence « Le fleuve, une autoroute pour le pétrole ? » tenue par le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste en partenariat avec la Coalition Eau secours ! Plus de 120 personnes s’étaient donné rendez-vous afin d’entendre deux spécialistes d’envergure exposer les enjeux auxquels le peuple québécois se voit confronté afin de préserver l’intégrité de nos écosystèmes marins et notre droit de vivre dans un environnement sain.

 

Le béluga : le thermomètre de nos écosystèmes

Le béluga, ce mammifère emblématique des eaux du fleuve St-Laurent attire année après année une foule de curieux venus de partout à travers le monde pour l’admirer. Pierre Béland, Directeur scientifique à l’institut national d’écotoxicologie du Saint-Laurent, a consacré une grande partie de sa carrière à étudier le cétacé, premier témoin du déclin de sa population : « Cela fait maintenant plus de 30 ans que je me bats pour faire reconnaître par nos gouvernements que ce qui est poison pour l’homme, l’est aussi pour le béluga. »

Après s’être battu pendant plus de vingt ans pour assurer la survie de l’espèce, M. Béland croyait que sa croisade blanche était enfin terminée. Mais l’annonce de la construction d’un port pétrolier dans leur fief de Cacouna par Trans-Canada l’a obligé à reprendre les armes. : « Je me suis souvenu de la phrase de Al Pacino, alias le Parrain. Je me suis alors dit à moi-même, juste au moment où je suis en train de devenir respectable, voilà qu'ils me ramènent à eux ! (traduction libre) ».

Bien que la récente décision de la Cour supérieure du Québec de suspendre les travaux de Trans-Canada tant qu’elle n’aura pas déposé un plan de travail garantissant la protection du béluga, l’avenir des bélugas est loin d’être assuré. C’est que le cas de Cacouna n’est que la pointe de l’iceberg. En effet, les dernières données estiment que le nombre de navires transportant du pétrole brut sur le fleuve pourrait doubler, et même tripler, d’ici 2020.[1] Référent aux orientations du Gouvernement Harper en matière d’environnement, M. Béland affirme qu’il y a tout lieu de s’inquiéter : « Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que même si le Gouvernement vote les lois, la population, elle, élit les gouvernements. Nous avons le pouvoir de faire changer les choses par la mobilisation. ». 

 

Le droit : une défense contre les multinationales

La guerre pour la préservation de l’environnement face à l’emprise des multinationales du pétrole est d’abord et avant tout une question d’ordre législative puisque nous vivons dans un État de droit.

Michel Bélanger, Avocat, Administrateur du Centre Québécois du Droit de l’environnement et Président de Nature Québec, souligne les difficultés et les subtilités juridiques à prendre en compte dans la résistance contre les multinationales du pétrole : «  L’interprétation des articles de lois n’est pas une chose simple et tout est une question de juridiction. […] Par exemple, dans le cas du pipeline de Trans-Canada le Québec n’a pas les pouvoirs d’intervenir puisque c'est le gouvernement fédéral, sur recommandation de l'Office national de l'énergie, qui possède l’autorité en la matière. »

Pour Me Bélanger, on doit revoir l’appareil législatif afin de se donner les moyens de protéger l’environnement. À l’heure actuelle, les décisions politiques du Gouvernement Harper servent d’abord et avant tout les intérêts de l’industrie pétrolière au détriment de l’environnement : « les électeurs doivent réagir. »

Rappelons le décret d’Ottawa ordonnant le retrait de la baleine à bosse du Pacifique Nord de la liste des espèces « menacées » afin de faciliter le transport de pétrole des sables bitumineux vers la côte ouest. Ou encore, le transfère de la responsabilité à l’Office national de l’énergie de la responsabilité de déterminer si un oléoduc affectera les poissons, leur habitat et les espèces en péril. Sans parler du projet de Loi Mammouth et sa Loi omnibus C-45 qui modifie la Loi sur les eaux navigables en éliminant la notion de « protection des eaux » dans le nom de la loi au profit de celle de « protection de la navigation » et retire les projets de pipelines et de lignes de transport d’énergie de leur assujettissement.

Au final, les représentants de la Coalition insistent sur les dangers inhérents à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste et sur le fait que le Québec doit miser sur l’efficacité énergétique tout en concentrant ses efforts sur les énergies renouvelables.

 



[1]
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/national/2014/09/22/001-croissance-transport-petrole-fleuve-saint-laurent-navires-quebec.shtml

 

Source: GaïaPresse

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