Le transport en commun comme solution à la relance économique et à la crise environnementale au Québec

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Par Bertrand Schepper
Chercheur à l'Institut de Recherche et d'Information Socio-économique (IRIS)
 
 
Entre 2014 et 2024, le gouvernement québécois prévoit investir 90,3 G$ en infrastructures au Québec, une part importante de ce plan allant au développement du réseau routier du Québec. Parallèlement, le gouvernement tente de mettre en place une nouvelle politique visant une diminution de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % d’ici 2030. Considérant que le Québec ne fabrique pas d’automobiles alors qu’il possède une industrie florissante du transport en commun, un soutien au transport en commun plutôt qu’à la voiture semble une option plus porteuse. La présente note détaille les avantages d’une telle stratégie en comparant l’effet sur l’économie et sur l’environnement d’un investissement de 9 G$ sur 10 ans (soit 10 % de son plan actuel d’infrastructures) dans le secteur de la construction routière et dans celui du transport en commun.

Pour le moment, le gouvernement du Québec mise principalement sur l’électrification du transport, plus particulièrement dans le secteur de la voiture2. Ainsi, le gouvernement libéral a annoncé des investissements de 420 M$ entre 2015-2020a soit l’équivalent de 84 M$ annuellement. Ces investissements regroupent plusieurs programmes tels que l’acquisition d’autobus scolaires électriques (30 M$)3, l’aide à l’achat d’une automobile électrique (93 M$)4 et le soutien au développement de grands projets de transport en commun électrique dans la région de Montréal (83 M$)5. À titre comparatif, le Plan québécois des infrastructures 2014-2024 prévoit des investissements de 20 G$ dans le réseau routier, soit l’équivalent de 2 G$ (2 000 M$) annuellement6. C’est dire que malgré ses engagements, le plan québécois d’électrification du transport est un élément somme toute marginal, surtout considérant l’urgence environnementale et l’effet grandissant de l’automobile dans nos vies.

 
Dans les prochaines pages, cette note détaillera les effets négatifs de la voiture individuelle sur l’économie québécoise et sur l’environnement. Par la suite, elle questionnera le soutien à l’industrie de la voiture électrique comme stratégie de sortie de crise environnementale, en regard des avantages d’un soutien au transport en commun, en comparant l’effet du développement du transport en commun à celui de la construction de routes.

 

Des Québécois·es « dopés à la voiture »

Alors que son parc automobile dépasse déjà 4,7 millions de véhicules7, le Québec a connu, entre 2006 et 2013, un taux de croissance annuel moyen des véhicules de promenade de 1,9 %, alors que sa population de plus de 15 ans (donc relativement en âge de conduire) n’a augmenté que de 1,1 %8. On peut donc dire que le Québec est « dopé à la voiture », ce qui a des impacts importants sur son économie. En effet, 13,4 % des dépenses des ménages québécois sont liées aux déplacements en automobile. C’était le deuxième plus important poste de dépenses pour nos ménages en 20139. Par ailleurs, 68,6 % des achats de véhicules neufs et 79,3 % des achats de véhicules usagés ont été financés par des emprunts, constituant donc un important facteur d’endettement10. Bref, l’automobile pèse lourd dans les dépenses des ménages. Il en est de même au chapitre des finances publiques et des politiques industrielles. En effet, on a évalué que les coûts d’entretien des infrastructures vouées au transport des véhicules légers dépassent 8 G$ annuellement11. De plus, les coûts pour la santé publique de l’utilisation de voitures individuelles se chiffrent à près de 500 M$12 : ils incluent notamment les coûts de traitement de l’asthme et autres problèmes respiratoires et cardiovasculaires.
 
Le graphique 1 illustre les principaux déterminants de la balance commerciale du Québec pour l’année 2013. Les importations de pétrole représentent à elles seules plus des trois quarts de notre déficit global. En termes environnementaux, le graphique 2 fait valoir qu’à titre de principale catégorie de sources de GES, le secteur du transport routier a augmenté ses émissions de GES de 32,4 % entre 1990 et 201213, alors que les secteurs résidentiel, commercial et industriel sont arrivés à réduire leurs émissions respectives de 46,9 %, 21 %a et 5,7 %. Notons à cet égard que le secteur du transport routier est un des seuls qui affiche une hausse d’émissions de GES.
 
a Rappelons qu’il s’agit d’un recul alors que la Stratégie d’électrification
des transports 2013-2017 comptait sur un budget minimum de
516,1 M$. www.mrif.gouv.qc.ca/PDF/actualites/sommaire.pdf.
 
 
1 CONSEIL DU TRÉSOR (QUÉBEC), Plan québécois des infrastructures 2014-2024, 2014, p. 14.
2 MINISTÈRE DES TRANSPORTS (QUÉBEC), Propulser le Québec par l’électricité : Plan d’action en électrification des transports 2015-2020, 2015, p. 51.
3 Ibid., p. 20.
4 Ibid., p. 24.
5 Ibid., p. 20.
6 CONSEIL DU TRÉSOR, op. cit., p. 22. Notez qu’une part importante de l’investissement fait dans le cadre de la stratégie d’électrification des transports 2015-2020 provient des budgets du Plan québécois des infrastructures 2014-2024.
7 SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉ-
BEC (SAAQ), Dossier statistique bilan 2014, 2015, p. 150.
8 ÉTUDES ÉCONOMIQUES DESJARDINS, « Les Québécois
et leur automobile : des liens tissés serrés », Perspective, vol. 24,
avril 2014, p. 2.
9 CANSIM, tableau 2013-0021, en date du 2015-01-22, aussi disponible
: www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/
famil130f-fra.htm.
10 ÉTUDES ÉCONOMIQUES DESJARDINS, op. cit., p. 4.
11 Renaud GIGNAC et autres, Vingt milliards de dollars de plus en six
ans : Les retombées économiques d’une réduction de la consommation de
pétrole au Québec, Regroupement national des conseils régionaux
de l’environnement du Québec (RNCREQ), [s. d.], p. 17.
12 Ibid., p. 18.

 
 
Bertrand Schepper
Chercheur à l’Institut de Recherche et d’Information Socio-économique (IRIS)

Bertrand Schepper est diplômé en administration des affaires de HEC Montréal et possède une maîtrise en science politique à l’Université du Québec à Montréal. Il s’intéresse plus spécifiquement aux finances publiques ainsi qu’aux défis énergétiques et environnementaux du Québec.

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