Nous ne pouvons pas simplement utiliser la géo-ingénierie pour échapper aux changements climatiques!

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Par David Suzuki
Généticien, journaliste et cofondateur de la Fondation David Suzuki

 

Puisque la nature ne se comporte pas toujours de la même façon dans un laboratoire, une éprouvette ou un programme informatique qu'elle le fait en réalité, les scientifiques et les ingénieurs ont trouvé des idées qui n'ont pas donné les résultats escomptés.

Le DDT était considéré comme étant une panacée pour une vaste gamme de problèmes relatifs aux insectes nuisibles, qu'il s'agisse de contrôler la maladie ou d'aider les agriculteurs. Cependant, nous ne comprenions pas le concept de bioaccumulation à l'époque, c'est à dire les toxines qui remontent dans la chaîne alimentaire, risquant ainsi la santé et la survie des animaux (des oiseaux jusqu'aux humains). Les chlorurofluorurocarbones, ou CFC, semblaient si extraordinaires que nous en mettions dans tout, du générateur d'aérosol aux réfrigérateurs. Puis, nous avons appris qu'ils endommagent la couche d'ozone, celle qui nous protège des radiations solaires dangereuses.

Ces conséquences non prévues proviennent en partie de notre tendance à tout considérer de manière isolée, sans comprendre comment tous les éléments de la nature sont interreliés. Nous devons maintenant faire face aux plus sérieux effets involontaires jamais vécus : les changements climatiques provoqués par la combustion des carburants fossiles. Certaines des solutions proposées peuvent également générer des résultats imprévus.

Le pétrole, le gaz et le charbon sont des substances miraculeuses. Ils proviennent de l'énergie du soleil absorbée par les plantes et les animaux, il y a de ça des centaines de millions d'années, laquelle a été emprisonnée après leur mort et concentrée au fur et à mesure que la vie en décomposition s'enfouissait encore plus profondément dans la terre. Brûler ces combustibles pour soutirer et libérer cette énergie a offert des possibilités inimaginables à nos ancêtres. Nous pouvions créer des machines et des technologies visant à réduire notre labeur, chauffer et éclairer nos maisons, bâtir des villes modernes pour les populations grandissantes, et fournir des moyens de transport accessibles pour faciliter la mobilité et la liberté. De plus, puisque cette substance semblait si abondante et facile à obtenir, nous pouvions construire des véhicules, de grosses voitures énergivores, et des routes pour tous — pour que des profits énormes puissent alimenter les sociétés prospères axées sur la consommation.

Nous avons su assez tôt que la pollution avait des incidences sur la santé humaine, mais ce problème ne semblait pas insurmontable. Nous n'avions qu'à améliorer le rendement du carburant et à créer de meilleures normes antipollutions. Ces solutions n'ont fait qu'atténuer au lieu d'éliminer le problème et n'ont que partiellement réglé une question qui semble nous avoir pris au dépourvu : la disponibilité limitée de ces combustibles. Les compromis semblaient toutefois valoir la chandelle.

Puis, au cours des dernières décennies, une conséquence catastrophique de notre utilisation irresponsable des combustibles fossiles s'est dessinée. Leur combustion a libéré des quantités excessives de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, créant une épaisse couverture qui piège la chaleur. En plus de détruire les milieux naturels qui sont d'immenses réservoirs de carbone, comme les forêts et les zones humides, cette situation a fait augmenter de façon régulière les températures moyennes du globe, causant les changements climatiques.

Nous faisons maintenant face à des événements et à des phénomènes météorologiques exceptionnels, comme l'acidification des océans, qui touche une myriade d'espèces fauniques et floristiques marines, qu'il s'agisse de mollusques, de crustacés, de coraux ou de planctons. Ces derniers produisent de l'oxygène et sont à la base même de la chaîne alimentaire.

Si nous nous étions attaqués au problème dès le départ, nous pourrions avoir des solutions déjà en place. Nous aurions pu trouver des façons de brûler moins de combustibles fossiles sans perturber l'économie et nos modes de vie de façon massive. Malheureusement, nous sommes devenus dépendants des avantages considérables qu'offrent les combustibles fossiles ainsi qu'à la richesse et au pouvoir qu'ils ont fourni aux industries et aux gouvernements. Il y a donc eu un effort concerté pour ralentir ou éviter les mesures correctives, l'industrie payant des groupes de façade, des « experts » et des gouvernements afin qu'ils nient ou minimisent le problème.

Maintenant que les changements climatiques sont indéniables, les conséquences s'aggravent chaque jour et de nombreux experts étudient les solutions possibles. Certains considèrent des moyens technologiques massifs, comme l'immersion de grandes quantités de limailles de fer dans les mers pour faciliter l'absorption du carbone, le pompage d'eaux froides riches en nutriments des profondeurs des océans jusqu'à la surface, l'établissement de réflecteurs géants pour renvoyer la lumière du soleil dans l'espace et l'irrigation de vastes déserts.

Cependant, nous nous heurtons toujours à ces fichues conséquences imprévues. Les scientifiques du « Helmholtz Centre for Ocean Research » de Kiel, en Allemagne, ont étudié cinq schémas de géo-ingénierie et ont conclu qu'ils sont soit relativement inefficaces, démontrant une faible réduction de la chaleur, soit qu'ils présentent des effets secondaires potentiellement graves et ne peuvent être arrêtés sans causer des changements climatiques rapides. Tout ceci, parce que nous ne comprenons pas complètement le climat ainsi que les systèmes météorologiques et leurs interactions.

Cela ne veut pas dire que nous devons écarter complètement la géo-ingénierie. Les changements climatiques sont si sérieux que nous aurons besoin de canaliser tout ce que nous pouvons pour les confronter, même si certaines méthodes semblent plus anodines que d'autres. La géo-ingénierie n'est toutefois pas la solution. Ce qui n'est pas une excuse pour continuer de brûler des combustibles fossiles de façon négligente. Nous devons conserver l'énergie et trouver des façons de faire une transition rapide vers des sources plus propres. 

Avec la participation du rédacteur en chef de la Fondation David Suzuki, Ian Hanington.

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