Matières résiduelles cherchent gestionnaires pour relation durable et responsable

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Par Chantal Gailloux et Edouard Sigward
Avec la collaboration de Marie-Michèle Lapointe



Mots clés : Matières résiduelles, déchets, récupération, élections municipales, environnement, Montréal, Québec (Ville de), Gatineau.

Le thème de l’environnement, désormais incontournable dans toute élection digne de ce nom, pourrait être le sujet capable de rallier les votants lors des élections municipales du 1er novembre. Prenons par exemple le cas des matières résiduelles. Nous produisons chaque année au Québec près de 13 millions de tonnes de déchets, selon le dernier Bilan 2006 de la gestion des matières résiduelles au Québec de RECYC-QUÉBEC. Le taux de récupération et de mise en valeur globale est de 52 %, s’approchant de l’objectif de 60 % de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008. Voyons quelle est la stratégie des trois plus grandes villes du Québec pour atteindre cet objectif vert.


Inhérente à la protection de l’environnement, la gestion des matières résiduelles est une préoccupation importante, dans la mesure où elle renvoie directement aux habitudes de consommation des citoyens ainsi qu’aux moyens entrepris par les municipalités pour faire « disparaître » ou « renaître » les déchets. La gestion des matières résiduelles est toutefois loin de constituer un enjeu de premier plan des diverses campagnes électorales municipales qui se tiennent en ce moment à travers la province.


Alors que la scène politique municipale au Québec fait l’objet de scandales de corruption, GaïaPresse a recueilli les commentaires de l’organisation militante Action RE-buts et des Conseils régionaux de l’environnement (CRE) sur la gestion des matières résiduelles. Ainsi, GaïaPresse vous propose cette semaine un portrait des différentes visions politiques à l’égard de la gestion des matières résiduelles pour les villes de Montréal, Québec et Gatineau.


Montréal

 

À Montréal, le recyclage a progressé depuis l’instauration de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008, rappelle la coordonnatrice d’Action RE-buts, Lysiane Panagis. Du côté du CRE-Montréal, on déplore toutefois un retard dans la métropole. « Pendant plusieurs années, nous avons fait de petits pas. Toutefois, les grands pas nécessaires, tels que la mise en place des infrastructures pouvant accueillir les matières résiduelles et les valoriser, ou encore l’organisation des collectes à trois voies, incluant le compost, n’ont pas été franchis », analyse Coralie Deny, la directrice adjointe.

Union Montréal | Gérald Tremblay


« Gérald Tremblay n’est pas vraiment un environnementaliste, même si l’on note une nette amélioration de ses préoccupations environnementales dans la plateforme de son parti : l’économie en est le cœur, mais il devrait garder en tête que le développement environnemental, c’est aussi une affaire économique », explique Lysiane Panagis.

Selon elle, Union Montréal a de bonnes idées, comme celle d’augmenter le nombre d’inspecteurs chargés de vérifier la propreté du domaine public et le contenu des bacs à recyclage. Leur nombre varie d’un arrondissement à l’autre. Par exemple, le Plateau Mont-Royal compte quatre inspecteurs, alors que Ville-Marie en compte treize. Ils distribuent des contraventions dont le montant peut varier de moins de 100 $ à 500 $. « C’est tout de même dommage d’utiliser une mesure contraignante pour faire participer les gens, ajoute madame Panagis. On constate toutefois que dans les épiceries, la mise en place des sacs à cinq cents a eu un effet positif. Les gens utilisent beaucoup moins de sacs en plastique. »

Projet Montréal | Richard Bergeron

« Richard Bergeron propose des idées novatrices qui démontrent une volonté politique, mais nous attendons de voir s’il les appliquerait une fois élu », de dire Lysiane Panagis. Dans son programme, Projet Montréal prévoit consacrer 5 millions de dollars par an pendant 5 ans pour des campagnes de sensibilisation. Un somme qui apparaît sous-estimée et non-réaliste à Michel Séguin, co-fondateur d’Action RE-buts. « Ce n’est pas suffisant. Pour la Semaine québécoise de réduction des déchets seulement, la Ville de Montréal dépense près de 20 000 $. En incluant le budget qui doit être alloué aux éco-quartiers, le million de dollars par année est rapidement dépensé. » Il note toutefois que les 13 millions de dollars alloués à la sensibilisation dans la plateforme électorale d’Union Montréal seraient une somme beaucoup plus satisfaisante pour répondre aux besoins.

Vision Montréal | Louise Harel

« Vison Montréal manque de volonté politique en matière de gestion des matières résiduelles », dénonce Lysiane Panagis. Alors qu’Union Montréal et Projet Montréal ont répondu au questionnaire Dix questions à la poubelle préparé par Action RE-buts en septembre dernier, le parti de Louise Harel est resté muet. Toutefois, GaïaPresse a pu obtenir le Cadre financier des engagements de Vision Montréal pour 2010-2013 – bien que celui-ci demeure incomplet.

Lysiane Panagis réagit à ces silences financiers : « nous ne comprenons pas pourquoi les partis sont incapables de chiffrer leurs propres propositions. Cela veut dire qu’ils veulent diminuer les budgets ou qu’ils n’y ont pas pensé. Les deux options s’avèrent inquiétantes. »



Québec

Avec un taux de recyclage de 44 %, la capitale devance légèrement Montréal. Lors du dévoilement de sa plateforme environnementale, le maire sortant Régis Labeaume assurait  que « si nous voulons vraiment « réussir Québec », nous devons le faire en pensant aux générations futures. »

Équipe Labeaume | Régis Labeaume

Ldirecteur général du CRE de la Capitale-Nationale, Alexandre Turgeon, se dit satisfait des engagements de l’Équipe Labeaume en matière d’environnement.

Monsieur Turgeon explique que la plateforme environnementale présentée le 27 octobre dernier n’est pas une manœuvre électoraliste, mais témoigne de son réel engagement et de son intérêt pour l’environnement. « La sincérité de l’intérêt de l’équipe Labeaume pour l’environnement n’est pas à démontrer », pense-t-il.

En matière de recyclage dans les lieux publics de Québec, Alexandre Turgeon constate une lente amélioration au cours des dernières années. « Des contenants à deux divisions (pour les déchets et le recyclage) ont été installés dans les rues des quartiers centraux. Des efforts sont également faits lors de divers événements. Cependant, il y a des enjeux environnementaux plus importants et plus compliqués que la gestion des déchets ». Il souhaite notamment que la Ville se préoccupe de la qualité de l’air, de la circulation automobile et de l’aménagement du territoire qui conditionnent notre boulimie énergétique.

Régis Labeaume propose d’inscrire Québec dans une vision durable. « Dans cinq ans, la Ville commencera déjà à se transformer sous nos yeux. Dans quinze ans, elle ne sera plus la même. Dans vingt ans, elle fera durablement la fierté de nos enfants », déclare-t-il.

Lysiane Panagis réagit au présent. « Quinze ans, c’est trop long et irréaliste en politique municipale. Influencés par la scène politique provinciale, les élus des villes doivent fixer des objectifs réalistes sur des échéanciers plus courts. »

Défi Vert de Québec (DVQ) | Yonnel Bonaventure

Selon un sondage de la firme Segma Recherche, le Défi Vert de Québec se retrouve en troisième position, juste derrière Jeff Fillion, avec 4 % des intentions de vote. 

« Si j’étais maire, la question du recyclage serait réglée depuis longtemps, déclare le candidat. Le travail de la Ville n’est pas de payer toutes les initiatives qui améliorent le recyclage. Il faut aussi qu’elle dirige et encadre les entreprises et les citoyens en leur donnant des services appropriés, tels que la collecte du compost. Et qu’elle adopte des lois qui leur imposent des obligations », ajoute monsieur Bonaventure. Il appuie son argumentation sur une expérience réalisée en Allemagne, où une loi oblige les commerçants à récupérer les emballages qu’ils vendent avec leurs produits Depuis la mise en place de cette loi, la quantité d’emballages aurait été divisée par trois, les commerçants ne voulant pas s’encombrer d’un processus de récupération des emballages.

Parmi les mesures du programme du DVQ, Action RE-buts applaudit la suggestion de fermer l’incinérateur de Québec. Lysiane Panagis constate toutefois que « les propositions du Défi Vert demeurent assez vagues et manquent de précision ».


Gatineau

Marc Bureau

Selon un sondage paru le 12 octobre dernier, 55 % des Gatinois se disent satisfaits du travail du maire sortant, Marc Bureau. Même si le taux de recyclage a bondi de 28 %, le candidat à sa propre succession propose de recycler davantage dans les parcs, les terrains sportifs et les arénas. Il souhaite également diriger un Conseil municipal sans utilisation de papier et projette d’implanter un « carrefour environnemental ».

Aurèle Desjardins

En matière d’environnement, la plateforme électorale d’Aurèle Desjardins, deuxième dans les intentions de vote des résidants de Gatineau, concentre ses efforts vers l’élimination des sacs en plastique et l’implantation d’un réseau d’écocentres. À ce jour, la Ville n’héberge qu’un seul écocentre et celui-ci est limité dans la gamme de matériaux récupérés.

Tonny Cannavino

Tonny Cannavino, troisième candidat à la mairie et ancien président de l’Association des policiers provinciaux du Québec, n’a pas souhaité préciser sa « stratégie environnementale ». Il s’est dit « incapable » et « trop débordé » pour répondre aux questions relatives à la gestion des matières résiduelles.

 

Selon le Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais (CREDDO), les engagements des candidats ne sont ni plus ni moins que des listes d’épicerie qui manquent de liens et de cohérence. « Ils n’ont pas planifié leurs projets d’urbanisme et de développement en fonction de l’environnement, regrette la directrice générale du CREDDO, Nicole DesRoches. Par exemple, les constructeurs pourraient être soumis à des lois pour utiliser des matériaux plus écologiques. »


Améliorer le recyclage municipal

 

Pour une réelle amélioration du recyclage au niveau municipal, Action RE-buts et le CRE-Montréal croient fermement que les efforts doivent être concentrés sur les institutions, commerces et industries (ICI), ainsi que dans les lieux publics.

Les ICI sont laissés pour compte, regrette madame Panagis. « C’est une catégorie très diversifiée qui rassemble une grande variété de catégorie de déchets. Les villes devraient aider et soutenir les ICI, au lieu d’attendre que le gouvernement s’en charge par l’intermédiaire de RECYC-QUÉBEC. Il est désolant de voir que l’on recycle à la maison, mais que l’on oublie tout une fois arrivé au bureau ou à l’école. » Il faut prendre des mesures pour aider les ICI à se rapprocher de leur cible de 80 %, s’accordent à dire mesdames Deny et Panagis.

Du côté du recyclage dans les lieux publics à Montréal, beaucoup de travail reste à faire. « D’une façon générale, il faut offrir aux citoyens la possibilité de recycler et d’adopter une attitude responsable », explique Coralie Deny du CRE-Montréal. « Nous sommes en retard », renchérit Lysiane Panagis. D’ailleurs, le Plan directeur de gestion des matières résiduelles (PDGMR) de la métropole ne fait aucune référence au recyclage dans les lieux publics. »

Lysiane Panagis ajoute qu’en allant aux recoins du Québec, on trouve des initiatives intéressantes. « Lors d’une visite à Tadoussac, je fus très étonnée de voir des poubelles à trois divisions pour les déchets, le recyclage et le compost en plein milieu d’un parc! Cette petite ville très touristique prouve que la grosseur de la ville ou les budgets ne dépendent pas de la volonté politique. Il faut écouter les besoins. »

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