Sites miniers orphelins : adoptons des politiques plus fermes

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Par Simon Laquerre
Directeur général du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue



Mots clés : industrie minière, sites miniers abandonnés, restauration, Alderman, Manitou, Abitibi-Témiscamingue.


Pendant que la publication de la Stratégie minérale du gouvernement du Québec se fait attendre depuis plus d’un an, le Vérificateur général du Québec a déposé en avril dernier un rapport sur les interventions gouvernementales dans le secteur minier. Ce document a fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs problèmes ont été soulevés, notamment la question des mécanismes de contrôle visant la restauration des sites miniers passés et futurs.


La restauration des aires d’entreposage de résidus acides abandonnées est un des défis les plus importants à relever pour l’industrie minière, et ce, à l’échelle internationale. Au cours des dernières années, beaucoup d’efforts de recherche ont été investis dans les méthodes visant à contrôler la production du drainage minier acide. Le drainage minier acide résulte de l’oxydation naturelle de minéraux sulfureux que l’on retrouve dans les matériaux rocheux lorsque ceux-ci sont exposés à l’air et à l’eau (1).

Sites miniers abandonnés

Différents termes existent pour définir un site sans propriétaire et laissé à l’abandon. Il y a notamment les expressions abandonné, orphelin, rétrocédé, inactif, fermé et délaissé. Selon le chercheur Bruno Bussière et ses collaborateurs (2), un site minier est considéré abandonné si on ne peut identifier de propriétaire solvable (autre que le gouvernement) pour les composantes de la mine (p. ex., le puits, les infrastructures, les aires d’entreposage, etc.), ou encore si les composantes ont été rétrocédées à la Couronne.


Au 31 mars 2007, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune a établi que les sites relevant de la responsabilité de l’État devront être restaurés. C’est à ce moment que les coûts de restauration et de suivi de ces sites ont été comptabilisés pour la première fois dans les états financiers du gouvernement à titre de passif environnemental. Ces dépenses, réparties sur une période de 10 ans, représentaient un montant de 264 millions de dollars au 31 mars 2008 (3).

Aldermac et Manitou

Récemment, le gouvernement a entrepris la restauration des sites miniers abandonnés Aldermac et Manitou, en Abitibi Témiscamingue. Les travaux effectués dans le parc à résidus Aldermac, situé à l’ouest de Rouyn-Noranda, permettront de remettre le site à l’état naturel à l’aide de techniques d’excavation, de chaulage et de revégétalisation. Un recouvrement étanche maintiendra les résidus saturés, afin de couper l’apport en oxygène. Le coût du projet, entièrement financé par l’État, est estimé à 16,5 millions de dollars.



Site minier abandonné Aldermac
(Photo : Karine Gauthier-Hétu)

Le projet de restauration du site minier Manitou, près de Val d’Or, constitue un partenariat public-privé entre le gouvernement du Québec et la compagnie minière Agnico Eagle. Les travaux consistent à acheminer les résidus de la mine Goldex, sous forme de pulpe épaissie, par un pipeline d’environ 24 km jusqu’au site Manitou. Les résidus de la mine Goldex, exempts de sulfure et de cyanure, permettront de recouvrir et de neutraliser les résidus générateurs de drainage minier acide du site Manitou. Le coût de l’opération est de 49 millions de dollars. La contribution d’Agnico Eagle s’élève à 14 millions de dollars.


D’un point de vue environnemental, la remise à l’état naturel de ces parcs à résidus miniers constitue une excellente nouvelle. Toutefois, elle ne doit pas occulter une question essentielle : à qui incombe réellement la responsabilité de payer pour la restauration des sites miniers abandonnés?

Site minier abandonné Aldermac
(Photo : Karine Gauthier-Hétu)



La Loi sur les mines, modifiée en 1995, exige que les compagnies minières versent un dépôt de 70 % des coûts de restauration des aires d’accumulation de résidus miniers. Le montant de la garantie est versé graduellement au gouvernement selon un échéancier de versements annuels basé sur les réserves prouvées et les réserves probables du gisement et l’estimation du nombre d’années de production. Cette pratique est justifiée par le maintien de la compétitivité dans le but d’attirer les investissements en exploration et en exploitation.


Or, le Vérificateur général a constaté plusieurs lacunes dans le suivi des versements de garanties, démontrant que le gouvernement n’est pas à l’abri d’éventuelles faillites et qu’il risque de devoir payer plus que sa part de la restauration des sites miniers. Il note également que la garantie n’est basée que sur le coût de restauration des aires d’accumulation et non sur celui pour tout le site. Selon le Guide de restauration des sites miniers au Québec (4), les aires d’accumulation visées par le dépôt d’une garantie financière sont les parcs à résidus miniers incluant les bassins de sédimentation et de polissage, les haldes à stériles et à résidus miniers, les aires d’accumulation de concentré et de minerai et les bassins d’eau d’exhaure (eaux pompées provenant des galeries de mine). Mentionnons que certains sites perturbés, comme les fosses à ciel ouvert, ne sont pas inclus dans le cautionnement.


Plusieurs options s’offrent au ministère des Ressources naturelles et de la Faune pour réduire au minimum la part des coûts de restauration assumée par la société. De plus en plus de voix s’élèvent et recommandent au gouvernement :

  • d’élargir la couverture de 70 % à 100 % des frais de restauration:
  • d’éliminer le délai des versements et d’exiger des minières qu’elles paient 100 % des coûts de restauration post-fermeture avant le début des activités d’exploitation;
  • et d’inclure les coûts de remise à l’état naturel de la totalité des sites perturbés (infrastructures, bâtiments, remblaiement des fosses, etc.).

Selon les chercheurs Richard Poulin et Michel Jacques (5), une autre solution envisageable serait d’avoir recours à une assurance en complément de la caution. Les compagnies minières pourraient en effet prendre une assurance, ce qui permettrait de couvrir les dépassements de coûts. Ainsi, l’ensemble de ces entreprises partagerait le risque.


Pour conclure, les solutions ne manquent pas pour mettre en place un système de garantie financière plus rigoureux qui protégera adéquatement l’État contre le risque de devoir supporter des coûts additionnels de restauration de sites miniers. La province de l’Ontario est sur le point d’adopter une loi sur les mines modernisée qui prévoirait des exigences plus musclées relativement à la réhabilitation environnementale (6). Espérons que la Stratégie minérale du Québec, attendue de pied ferme depuis plusieurs mois, saura combler les lacunes actuelles.


Par Simon Laquerre
Directeur général du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue


Simon Laquerre est détenteur d’un baccalauréat en géographie de l’Université de Sherbrooke et d’une maîtrise en biologie forestière de l’Université du Québec en Abitibi Témiscamingue.



Sources :

(1) Bussière, B., Aubertin, M., Zagury, G. J., Potvin, R. et Benzaazoua, M. Principaux défis et pistes de solution pour la restauration des aires d’entreposage de rejets miniers abandonnés. Symposium 2005 sur l’environnement et les mines, Rouyn-Noranda, cédérom.
(2) Ibid.
(3) Vérificateur général du Québec. Interventions gouvernementales dans le secteur minier. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2008-2009, Tome II – chapitre 2, 2009, 39 pages.
(4) Service des titres d’exploitation du ministère des Ressources naturelles avec la collaboration du ministère de l’Environnement et de la Faune. Guide et modalités de préparation du plan et exigences générales en matière de restauration des sites miniers au Québec. Bibliothèque nationale du Québec, Québec, 1997, 66 pages.
(5) Poulin, R. et Jacques, M. Mine reclamation bonding and environmental insurance. International Journal of Risk Assessment and Management, Vol. 7, No 5, 2007, p. 589-606.
(6) L’Ontario prend des mesures audacieuses pour moderniser la Loi sur les mines. Communiqué de presse, 30 avril 2009.

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