Gaz de schiste – A-t-on vraiment besoin de cette source d’énergie?

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Par Stéphane Gagné


 

Mots clés : gaz de schiste, énergie fossile, énergies renouvelables, Québec (province de).

Québec 2020. Le débat sur l’exploitation des gaz de schiste est loin derrière nous. Après avoir adopté un moratoire à l’automne 2010, le gouvernement décide, études en main, de ne pas exploiter cette ressource qui aurait massacré des paysages de la vallée du Saint-Laurent, causé des problèmes d’approvisionnement en eau, augmenté nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et nui au développement des énergies renouvelables.

Pour remplacer cette source d’énergie, l’option choisie a été de miser davantage sur la biomasse à des fins thermiques (chauffage et production de vapeur), un large programme d’efficacité énergétique touchant tous les secteurs et des projets d’énergies renouvelables parsemés sur l’ensemble du territoire.

Évidemment, on nage dans la science-fiction. Cela nous amène toutefois à nous poser une question : advenant la mise en rancart de cette option énergétique, à la suite de pressions populaires, les énergies renouvelables pourraient-elles prendre la relève?

 

Vivre avec moins d’énergie fossile

Les avis sont partagés sur cette question. Le chercheur principal au Groupe de recherche écologique de La Baie (GREB), Patrick Déry, croit qu’il est possible de réduire nos besoins en gaz naturel dans le futur. Auteur d’une étude qui vise à démontrer que le Québec pourrait se passer du pétrole en 2030, M. Déry rappelle qu’une grande partie du gaz est utilisé par l’industrie (plus de la moitié, selon le ministère des Ressources naturelles et de la Faune) et cela, à des fins thermiques, pour le chauffage et la production de vapeur. « Il est possible de remplacer le gaz par la biomasse, sous-exploitée au Québec, et présente en grande quantité, dit-il. À titre d’exemple, Rio Tinto Alcan envisage déjà remplacer une partie du gaz naturel utilisé dans ses alumineries par de la biomasse. »

Selon le Conseil québécois de la valorisation de la biomasse (CQVB), le Québec pourrait facilement doubler – de 10 à 20 % – la part actuelle de la biomasse dans son bilan énergétique. Bien que la biomasse forestière dispose d’un fort potentiel, la biomasse agricole n’est pas en reste. Quelque 300 000 hectares de terres marginales seraient disponibles ici pour produire des cultures dédiées à l’énergie. Cela aurait l’avantage de créer des emplois, de ralentir l’exode rural et de produire un combustible carboneutre.

Un aspect nuit toutefois au développement de cette filière : les coûts de transport qui représentent jusqu’à 30 % des coûts de production. Cela force les chaufferies à la biomasse à s’approvisionner localement, dans un rayon d’environ 100 km. Cela a toutefois l’avantage de produire localement de l’énergie pour les besoins des régions.

Le ministre de l’Environnement, du Développement durable et des parcs, Pierre Arcand, était au 5 à 7 des Rendez-vous de l’énergie hier. Il a profité de son passage pour rappeler qu’avec 12,7 millards de dollars en 2008, le pétrole représentait le premier produit importé par le Québec : « Ceci pèse lourd dans notre balance commerciale. »

Photo : Lucie Bataille. Tous droits réservés.

 

L’électricité aussi, d’origine hydraulique ou éolienne, peut remplacer le gaz dans certains procédés industriels. Par exemple, « au Québec, la fabrication de l’acier est faite avec l’électricité alors qu’ailleurs, on utilise le charbon » affirme Gaétan Lafrance, professeur honoraire à l’INRS-Énergie Matériaux Télécommunications et auteur du livre Vivre après le pétrole, mission impossible? Il y a également des technologies qui utilisent l’électricité comme les électrotechnologies (ex : chauffage par plasma) et qui pourraient remplacer le gaz, mais elles ne sont pas prêtes à être commercialisées. »

Parmi les autres énergies renouvelables, mentionnons l’énergie éolienne et solaire. En plein développement, en ce moment, le parc éolien du Québec aura une puissance de 4 000 MW en 2015. « On pense qu’il est possible d’ajouter un autre 4 000 MW après 2015 » affirme Julie Boudreau, directrice des affaires publiques d’Innergex, le plus grand producteur d’énergie éolienne au Québec.

Côté énergie solaire, le chauffage solaire de l’air, promu, entre autres, par des entreprises québécoises comme Enerconcept et Matrix Energy Inc. recèle aussi un potentiel exploitable. Dans l’industrie, ces capteurs solaires réduisent l’usage du gaz pour le chauffage et la production de chaleur. Leur rendement est toutefois moindre la nuit et lors de journées nuageuses. Ce type d’énergie permet également de réduire les coûts de chauffage dans le secteur résidentiel. Dans le cadre d’un projet-pilote en collaboration avec Hydro-Québec, Enerconcept a installé en 2008 plusieurs de ces capteurs dans des résidences dans la région de la Montérégie, pour évaluation. Le projet s’est terminé en mai 2010. L’analyse des données est en cours, selon Christian Vachon, président d’Enerconcept qui soutient avoir développé le capteur le plus efficace disponible sur le marché.

 

Produire sans le gaz : les industriels hésitent

Malgré ces alternatives prometteuses, le gaz naturel n’est pas prêt de disparaître du paysage énergétique québécois, selon M. Lafrance. Il est toujours envisageable de le remplacer dans les secteurs résidentiel et commercial, mais dans le secteur industriel, cela apparaît plus difficile. Surtout dans les grandes entreprises comme les fonderies et les fabricants de pâtes et papier, où le gaz alimente la production. « Les gens du secteur industriel sont très conservateurs et la substitution du gaz pour d’autres sources d’énergie pourrait prendre beaucoup de temps » affirme M. Lafrance.

De l’avis de M. Lafrance, si l’exploitation des gaz de schiste se fait correctement et qu’on utilise cette ressource pour notre consommation intérieure, il est préférable de la produire ici. « Cela nous évitera d’importer notre gaz de l’Alberta, où la ressource s’épuise, ou peut-être même de construire de terminaux gaziers, comme celui projeté à Lévis, où le gaz proviendrait d’aussi loin que de la Russie » affirme-t-il. À son avis, le gaz est là pour longtemps!

 

Du gaz à la place du pétrole?

Exploité ici, « le gaz pourrait même devenir un combustible de transition remplaçant le pétrole dans les transports, affirme M. Déry. Cela aurait l’avantage de réduire nos émissions de GES, les coûts de transport du combustible et d’aider à équilibrer notre balance commerciale. »

Les gaz de schiste sont-ils toutefois indispensables à la poursuite du bien-être énergétique des Québécois? À la lumière des informations recueillies pour ce texte, la réponse est non. Car la mise en valeur de l’immense potentiel de nos énergies renouvelables, accompagnée d’une volonté politique ferme de réduire notre consommation de combustibles fossiles, productrices de GES, pourraient rendre inutile l’exploitation de ces gaz. En embrassant cette option, le Québec deviendrait un véritable chef de file des énergies vertes et cesserait de jouer sur les deux plans (énergies vertes et fossiles) comme il le fait actuellement.

 

 


Pour en savoir plus :

Mobilisation contre les gaz de schiste

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