La nouvelle crise canadienne : les déchets électroniques

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Par François René de Cotret


Mots-clés : déchets électroniques, Convention de Bâle, Ban Amendment, Règlement sur la récupération et la valorisation des produits par les entreprises, Sarah Westervelt, Basel Action Network

 

Les mesures canadiennes pour lutter contre les déchets électroniques – telles que le Règlement sur la récupération et la valorisation des produits par les entreprises adopté le 29 juin dernier au Québec – ne suffiront pas. C’est ce que prétend Sarah Westervelt, la coordonnatrice du Basel Action Network, une organisation luttant contre la mondialisation de ces déchets.
 

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Sarah Westervelt, la coordonnatrice du Basel Action Network,
considère que 
le Canada doit impérativement freiner le
déversement de ses déchets 
électroniques.
CCE. Tous droits réservés.
 

Selon la militante – qui s’exprimait devant la Commission de coopération internationale (CCE) à Montréal le 21 juin dernier –, le Canada doit avant tout voter des lois pour arrêter le déversement à l’échelle mondiale. « De 50 à 80 % des déchets électroniques [canadiens]sont exportés dans des pays en voie de développement ou émergents comme la Chine », affirme-t-elle. Bien que les normes de recyclage et de valorisation des produits électroniques se multiplient dans les pays industrialisés, elles n’ont pas force de loi sur les rebuts transférés à l’étranger.

 

Attention, toxique !

Par ailleurs, dénonce Mme Westervelt, les énormes quantités de déchets électroniques générées par le Canada (220 000 tonnes en 2009) ne forment que la pointe de l’iceberg. Le nœud du problème serait leur forte toxicité gardée sous silence dans les pays récepteurs telles la Chine et l’Inde. En 1995, le Canada ainsi que la majorité des pays du G77 ont signé le Ban Amendment de la Convention de Bâle afin d’empêcher l’exportation des déchets dangereux hors des pays de l’OCDE, de l’Union européenne et du Liechtenstein. Or, les définitions canadiennes relatives aux produits dangereux ne vont pas de pair avec celles de l’Amendement. Ainsi, explique la militante, l’ensemble des produits électroniques ne seraient pas considérés comme dangereux au Canada, et ce, même si plusieurs des substances qui les constituent telles que le plomb, le mercure, l’arsenic, le PVC et le CFC sont classées dangereuses selon la loi canadienne.
 

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L’exportation des déchets électroniques vers des pays aux normes environnementales minimes
menace la santé de millions d’individus.

CCE. Tous droits réservés.
 

De surcroît, malgré le cadre législatif, la frontière du pays reste perméable aux activités clandestines. Dans les sept dernières années, le gouvernement canadien a ouvert des centaines d’enquêtes, émis des milliers d’avertissements et fait près de 35 000 inspections en lien avec l’exportation de substances dangereuses. Or, pour la même période, il n’y a eu que 32 condamnations. Dans un article publié au mois de février, le Globe and Mail décrie ce décalage entre violations des lois et sanctions encourues.

 

Hyperdésuétude des produits

Favoriser le design vert est une autre priorité sur laquelle le Canada doit impérativement se pencher selon Mme Westervelt. Lors du conseil de la CCE du 21 juin dernier, les représentants du gouvernement canadien n’avaient pourtant rien à répondre lorsqu’ils se sont faits demander quelles mesures sont envisagées pour décourager les entreprises à produire des marchandises qui sont désuètes de plus en plus rapidement. De fait, le gouvernement n’a rien de prévu à cet effet.

La responsabilité d’exiger des produits plus durables et plus verts incombe donc au consommateur pour l’instant. Dans cette optique, Greenpeace a mis sur pied en 2009 le Guide pour des produits électroniques plus verts. Nokia et Sony Ericsson sont les plus verts selon la dernière version du Guide alors que Samsung, Dell, Lenovo, LGE et Toshiba ont subi un recul dans la dernière année pour ne pas avoir respecté leurs promesses en matière de politiques vertes.

Des mesures comme celle de Greenpeace restent pourtant marginales, et les efforts des compagnies pour produire plus vert se butent à une logique de marché mondialisé. Pour ainsi dire, la mentalité verte n’est pas la norme, ce que déplore Mme Westervelt : « C’est profondément étrange ce que nous faisons en tant qu’espèce : nous achetons des produits électroniques dispendieux pour ne les utiliser que pendant [environ]18 mois ».

 

La santé canadienne en péril

Pour l’instant, le gouvernement ne fait pas de relation de cause à effet entre l’augmentation des déchets électroniques et l’état de santé des individus, et ce, même si de plus en plus d’études scientifiques convergent en ce sens.

La situation fait penser à la saga de l’amiante chrysotile. Depuis des dizaines d’années, des milliers de Canadiens ont été victimes et sont encore victimes des effets toxiques de cette fibre. En connaissance de cause, la grande majorité des médecins et des environnementalistes du pays la condamnent. Et pourtant, le 24 juin dernier, on apprenait que le Canada ainsi que d’autres pays comme le Vietnam avaient fait échouer son indexation à la Convention de Rotterdam, une entente internationale qui traite précisément des déchets dangereux pour la santé.

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